18 février 1802 : mort du cardinal de Rohan

Louis-René-Edouard de Rohan-Guéméné, né le 23 septembre 1734, fut destiné à l’état ecclésiastique, moins par son choix que par l’intérêt de sa maison. Il fut élu co-adjuteur de son oncle, évêque de Strasbourg, en 1760 ; et le 18 mai de la même année , il fut sacré sous le titre d’évêque de Canoples. Le nouveau prélat, connu dès son berceau sous le nom de prince Louis , fut nommé ambassadeur à Vienne, où il soutint par ses manières aimables et par sa magnificence l’honneur du nom français. De retour dans la capitale, il devint grand aumônier en 1777, cardinal en 1778, évêque de Strasbourg en 1779, et abbé de Saint-Vaast en 1780.

L’administration de l’hôpital des Quinze-Vingts le mit aux prises avec le parlement ; mais il sortit vainqueur de cette lutte comme de l’aventure trop fameuse qui mit un terme à ses prospérités. Jamais affaire n’a excité un intérêt plus vif et plus général que celle du collier. C’est ici que commence la partie honorable de l’histoire du cardinal de Rohan, qui devint tout-à-coup un homme nouveau à l’école de l’adversité. Dans le cours de son procès, il se conduisit avec sagesse, dignité et courage ; dans son exil il se distingua par une noble résignation ; de retour dans son diocèse, il l’édifia par de bons exemples, et l’éclaira par des instructions dignes d’un premier pasteur.

La Révolution fournit de nouveaux traits à son éloge ; et ce qu’elle lui fit perdre en fortune, il le regagna en estime. Membre de l’assemblée constituante, on s’efforça d’échauffer son ressentiment contre la cour ; mais exempt de fiel, il avait tout oublié, et ne s’avilit point par la vengeance. Retiré ensuite dans ses petits Etats au-delà du Rhin, il y devint le père de tous les malheureux. Il venait de régler l’affaire de sa pension avec le margrave, plus tard grand-duc de Bade, lorsqu’il mourut à Ettenheim le 18 février 1802.

Le prince Louis était le quatrième cardinal et évêque de Strasbourg de son nom. Sa conversation était vive et spirituelle ; il parlait de tout avec grâce. Il aimait beaucoup les arts et les lettres, et fut membre de l’Académie française. Sa crédulité était extrême : il en a laissé des preuves qui ne périront jamais. Il travaillait au grand-œuvre avec Cagliostro, ce charlatan fameux, qui avait trouvé la pierre philosophale dans la bourse de ses admirateurs, et qui faisait de l’or en faisant des dupes.

On lui a reproché d’avoir mis Carra au nombre de ses secrétaires. Voici le fait : cet homme, depuis fameux par son journal de sang et par sa fin tragique, avait été contraint longtemps avant la révolution de quitter la France ; il était devenu secrétaire de l’hospodar de Moldavie, qui fut étranglé ensuite par ordre de la Porte. Les recherches singulières de Carra sur le pays de son malheureux maître plurent au cardinal, qui trouva plaisant de prendre pour son secrétaire le secrétaire de l’hospodar, et qui l’ayant depuis mieux connu, le chassa de sa maison.