18 février 1563 : le duc de Guise est assassiné par Poltrot

François de Lorraine, duc de Guise, le plus célèbre de tous ceux qui ont porté ce nom, et un des plus grands hommes du seizième siècle, tint le premier rang dans le conseil et dans les armées, sous Henri II, François II et Charles IX. Il fut surnommé le Balafré, à cause d’une blessure qu’il reçut au siège de Boulogne, en 1545. Son courage se montra d’une manière plus éclatante au siège de Metz, dont il obligea l’empereur Charles-Quint de lever le siège, le 1^er janvier 1553. Un grand nombre de soldats ennemis étant restés dans leur camp, engourdis par le froid, le duc de Guise, au lieu de les faire assommer, suivant l’usage de ces temps malheureux, les fit traiter avec la plus grande humanité. Personne ne connaissait mieux les règles de l’honneur, et ne savait mieux réparer une offense.

A la bataille de Renti, en 1554, où il fit des prodiges de valeur, Saint-Fal, un de ses lieutenants, s’avançant avec trop de précipitation, il l’arrêta en lui donnant un coup d’épée sur le casque. On lui dit, après la bataille, que cet officier était blessé de ce traitement : « Monsieur de Saint-Fal, lui dit le duc en présence de tous les officiers, et dans la tente même du roi, vous êtes offensé du coup que je vous ai donné, parce que vous avanciez trop ; mais il vaut mieux que je vous l’aie donné pour vous arrêter, que pour vous faire avancer. »

Alors il prit pour juges tous les capitaines, qui convinrent qu’un coup reçu pour arrêter l’excès d’ardeur et de courage faisait plus d honneur que de tort, et Saint-Fal fut satisfait. Plusieurs autres avantages en Flandre et en Italie firent proposer à quelques-uns de faire le duc de Guise vice-roi de France, mais ce titre paraissait trop dangereux dans un sujet puissant et belliqueux : on se contenta de lui donner celui de lieutenant-général des armées du roi au dedans et au dehors. Les malheurs de la France cessèrent dès qu’il fut à la tête des troupes. En huit jours il prit Calais et tout son territoire, au milieu de l’hiver.

Il chassa pour toujours de cette ville les Anglais, qui l’avaient possédée .deux cent-dix ans. Cette conquête, suivie de celle de Thionville, prise sur les Espagnols, mit le duc de Guise au-dessus de tous les capitaines de son temps. Il prouva que le bonheur ou le malheur des Etats dépend souvent d’un seul homme. Maître de la France, sous Henri II, dont il avait épousé la sœur, il le fut plus encore sous François II. La conspiration d’Amboise, tramée en 1560, parles protestants pour le perdre, ne fit qu’augmenter son crédit. Le parlement lui donna le titre de conservateur de la patrie. Son autorité était telle qu’il recevait, assis et couvert, Antoine, roi de Navarre, qui se tenait debout et tête nue. Le connétable de Montmorency lui donnait du monseigneur et du votre très humble et très obéissant serviteur ; tandis que Guise lui écrivait simplement : monsieur le connétable ; et au bas, votre bien bon ami.

Après la mort de François II, cette autorité baissa, mais sans être entièrement abattue. Dès lors se formèrent les factions des Condé et des Guise. Du côté de ceux-ci étaient le connétable de Montmorency et le maréchal de Saint-André ; de l’autre, étaient les protestants et les Coligny. Le duc de Guise, aussi zélé catholique qu’ennemi des protestants, avait résolu de les poursuivre les armes à la main. Passant auprès de Vassi, sur les frontières de la Champagne, il trouva des calvinistes qui chantaient les psaumes de Marot dans une grange. Ses domestiques les insultèrent. On en vint aux mains, et il y eut près de soixante de ces malheureux tués et deux cents de blessés. Cet événement imprévu, que les protestants appellent le massacre de Vassi, alluma la guerre civile dans tout le royaume.

Le duc de Guise prit Rouen, Bourges, et gagna la bataille de Dreux , en 1562. Le soir de cette glorieuse journée, il s’enferme sans défiance dans la même tente avec le prince de Condé ; il partage avec lui son lit, et dort d’un profond sommeil à côté de son rival, dans lequel il ne voyait plus, après la victoire, qu’un parent et un ami. Le duc de Guise fut alors au comble de sa gloire. Vainqueur partout où il s’était trouvé, il était l’idole des catholiques et le maître de la cour. Affable, généreux, et en tout sens le premier homme de l’Etat. Il se préparait à assiéger Orléans, lorsqu’il fut tué d’un coup de pistolet par Poltrot de Méré, gentilhomme huguenot.

Le duc de Guise avait une intrépidité qui l’accompagnait même dans les accidents où sa personne était intéressée. On lui montra un jour un homme qui s’était vanté de le tuer ; il le fit venir, le regarda entre deux yeux, et lui trouvant un air embarrassé et timide. Cet homme-là, dit il, en levant les épaules, ne me tuera jamais ; ce n’est pas la peine de l’arrêter.