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Histoire des Français. Bataille de Tertry (Somme) en 687, issue de la lutte opposant Austrasie et Neustrie

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Histoire des Français
L’Histoire des Français : systèmes politiques, contexte social, population, économie, gouvernements à travers les âges, évolution des institutions.
Bataille de Tertry en 687 : dernier
affrontement entre Austrasie et Neustrie
d’où naît la France carolingienne
(D’après « Faits mémorables de l’Histoire de France », paru en 1844)
Publié / Mis à jour le dimanche 16 septembre 2018, par Redaction
 
 
Temps de lecture estimé : 4 mn
 
 
 
La bataille de Tertry, l’une des plus importantes de notre histoire, fut issue de la grande lutte de l’Austrasie contre la Neustrie. Le débat d’abord tout personnel avait pris à la longue, et surtout depuis que l’autorité royale s’était effacée devant celle des maires du palais, le caractère d’une véritable haine nationale

A mesure que les Neustriens se mêlaient davantage aux populations gallo-romaines et adoptaient la civilisation des vaincus, les différences de mœurs s’étaient accrues entre eux et leurs adversaires. Les Austrasiens, voisins du Rhin, étendus sur ses rives, conservaient les traditions germaniques, la fière indépendance, la sauvage liberté de leurs pères ; ils ne voyaient pas sans quelque dédain les Neustriens, entraînés à toutes les coutumes et à tous les vices de la société romaine, perdre pour ainsi dire leur supériorité de conquérants et se confondre avec ceux qu’ils avaient autrefois soumis. Farouches, belliqueux, fortement unis, appuyés encore à la terre nationale, les Austrasiens s’attribuaient exclusivement le nom de Francs et donnaient avec mépris celui de Romains aux Neustriens.

A cette cause principale, qui avait divisé les Francs en deux peuples, s’ajoutait la situation politique également différente dans l’une et dans l’autre contrée. Sous la domination des rois neustriens, les plus directs héritiers de Clovis, l’influence des leudes, des grands propriétaires, des chefs principaux s’était lentement affaiblie, et avait cédé au pouvoir royal ; en Austrasie, au contraire, l’aristocratie était demeurée forte, supérieure à tout pouvoir, maîtresse dans l’État : à la soumettre Brunehaut avait succombé ; et Pépin de Herstal, le maire du palais d’ Austrasie, petit fils de Pépin le Vieux par sa mère, de saint Arnould par son père, lui qui tenait aux plus illustres familles, qui avait pu faire disparaître de Metz jusqu’au vain fantôme de la royauté, Pépin de Herstal n’était puissant que par l’appui des leudes, dont il fut le représentant.

Tant d’éléments divers dans les habitudes et dans l’organisation avaient créé d’inconciliables oppositions, un profond dissentiment, qui, avec la soumission des Francs de l’ouest aux Francs de l’est, amena la ruine de la lignée mérovingienne, et plaça sur le trône une dynastie nouvelle.

C’est à Tertry que ces principes ennemis se rencontrèrent ; c’est là que se décida la question, et que triompha avec l’Austrasie la famille d’où Charlemagne devait sortir. Pépin de Herstal était alors seul maître en Austrasie ; en Neustrie régnait Thierry III (petit-fils de Dagobert Ier), ou plutôt le maire du palais, Berchaire, car déjà les Mérovingiens ne comptaient plus guère dans l’histoire que par leur nom. Berchaire continuait la pensée d’Ébroïn ; il combattait victorieusement l’influence des leudes et les obligeait à se soumettre ou à quitter la Neustrie : cette persécution active fut l’occasion de la guerre entre les deux contrées.

Les fugitifs s’étaient liés avec Pépin et l’excitaient à armer contre Berchaire ; la cause des leudes était en Austrasie une cause favorable. Pépin de Herstal l’embrassa avec ardeur : il demanda à Berchaire qu’il rendît leurs biens aux chefs exilés de la Neustrie et qu’il les rappelât ; le maire du palais de Neustrie répondit avec orgueil qu’il les irait chercher en Austrasie. Pépin, ayant alors réuni les leudes et les auxiliaires d’outre-Rhin, les tribus germaniques, marche vers la Neustrie ; il s’avance jusqu’à une forêt située sur la limite des deux pays, assemble encore une fois les chefs austrasiens, leur expose ses intentions et demande leur avis : ceux-ci l’applaudissent à la fois du bruit de leurs armes et de leurs acclamations ; puis l’armée, après avoir invoqué le secours de Dieu, entre dans le Vermandois jusqu’à un lieu nommé Tertry, à peu de distance de Saint-Quentin.

De son côté, à la nouvelle de cette invasion, Thierry ou plutôt Bechaire forme une armée et vient au-devant des Austrasiens. Pépin, en présence de ses adversaires, envoie demander au roi de Neustrie le rappel des leudes dont il avait pris le parti : il est de nouveau refusé et se dispose à combattre.

Dans cette circonstance décisive, le maire d’Austrasie apporta une prudence et une habileté remarquables ; jusqu’au dernier instant il voulut conserver l’apparence du droit, et lorsqu’il fallut en venir à un engagement il mit dans ses dispositions une intelligence supérieure à celle que les Francs montraient habituellement dans leurs rencontres. Une petite rivière séparait les deux armées. Pendant la nuit Pépin la franchit avec ses troupes et va s’établir sur la rive orientale, au-dessus du camp qu’occupait Thierry ; ayant ensuite formé les rangs, indiqué à chacun son commandement, il attend patiemment le jour pour attaquer l’ennemi, avec « le secours de Dieu, aux rayons du soleil levant. »

Dès que l’horizon s’éclaire, on vient dire à Thierry que le camp des Austrasiens est désert et incendié en partie ; aussitôt le roi sort avec ses troupes, afin de leur donner le pillage du camp abandonné et de poursuivre Pépin : c’est alors que celui-ci accourt et se précipite sur les Neustriens. Le combat fut long et acharné : malgré le désordre dans lequel on les surprenait, les soldats de Thierry III luttèrent avec courage ; mais enfin il fallut céder, le succès de la journée de Tertry resta à l’Austrasie, et le monde « barbare », la société germanique l’emporta encore une fois sur la civilisation romaine.

Pépin de Herstal

Pépin de Herstal

Berchaire fut tué avec ses leudes, les meilleurs chefs succombèrent ; Thierry et les débris de son armée s’enfuirent en toute hâte et ne s’arrêtèrent qu’après avoir mis la Seine entre eux et leurs vainqueurs. Pépin cependant ne tarde pas : il donne à peine aux siens le temps de piller le camp des vaincus et vient assiéger Paris, où s’était retiré le roi de Neustrie. Après une faible résistance les habitants, abandonnant la cause de leur chef, amènent Thierry à Pépin. Le descendant de Clovis, le souverain de la Neustrie est conduit en captif au maire du palais d’Austrasie ; mais cette royauté mérovingienne était devenue si faible, si inoffensive, que Pépin de Herstal dédaigna de déposer Thierry III : il lui laissa le titre de roi, se réservant d’en conserver le pouvoir.

La bataille de Tertry termine la destinée de la dynastie mérovingienne ; son nom subsiste encore quelque temps, mais sans gloire et sans autorité. La lignée de Clovis s’affaisse obscurément dans son impuissance, soumise entièrement aux caprices des maires du palais. Alors s’accomplit l’étrange prédiction qui, dit-on, fut faite à Childeric Ier (roi des Francs Saliens de 458 à 481) par son épouse Basine.

Le père de Clovis ayant enlevé Basine, l’épouse du roi de Thuringe, « celle-ci, selon une vieille légende que rapporte Grégoire de Tours, lui dit la première nuit de leur mariage : Va ; et ce que tu auras vu dans la cour du palais, tu le diras à ta servante. Childéric, s’étant levé, vit des lions, des licornes, des léopards qui se promenaient ; il revint et dit ce qu’il avait vu. La femme lui dit alors : Va voir de nouveau, et reviens dire à ta servante. Il sortit et vit cette fois des ours et des loups. A la troisième fois il vit des chiens et d’autres bêtes chétives. Basine dit alors au Franc : Ce que tu as vu des yeux est fondé en vérité ; il nous naîtra un lion, tes fils courageux ont pour symboles le léopard et la licorne. D’eux naîtront des ours et des loups pour le courage et la voracité. Les derniers rois sont les chiens, et la foule des petites bêtes indique ceux qui vexeront le peuple mal défendu par ses rois. »

Quelque singulier que soit ce récit, n’est-ce pas après tout la fidèle histoire de la famille de Clovis, qui s’en va constamment en s’affaiblissant, en perdant les fortes qualités qui avaient commencé sa fortune ? En mourant, Pépin de Herstal laissait un successeur qui devait continuer vaillamment sa tâche et achever, à la bataille de Vincy, remportée en 717 sur les Neustriens et les Aquitains réunis, l’œuvre commencée à Tertry : c’était Charles Martel, l’heureux vainqueur des Saxons, des Neustriens et des Sarrasins d’Espagne ; le hardi conquérant, qui, sûr de sa force et de sa puissance, ne désira même pas y ajouter le titre de roi.

La dynastie carolingienne, qui devait sitôt déchoir et succomber sous l’aristocratie féodale, comme celle de Clovis était tombée devant l’influence des leudes, commençait avec éclat, et ses premiers chefs lui acquéraient des titres solides de renommée. A une époque où la société moderne n’était pas encore fondée, Pépin de Herstal a sauvé d’une ruine complète la domination franque en l’enlevant, dans la journée de Tertry, aux Neustriens affaiblis.

 
 
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