28 décembre 1706 : mort du philosophe Pierre Bayle

Pierre Bayle, un des principaux chefs du scepticisme moderne, était né dans le comté de Foix en 1647. Lors de la révocation de l’édit de Nantes, il se retira en Hollande plutôt comme philosophe que comme calviniste.

Le fondement de sa grande réputation est son Dictionnaire historique et critique, en 5 vol. in-folio, qu’il aurait réduit, de son propre aveu, à un seul, s’il n’avait eu plus en vue son libraire que la postérité. Ce livre est accompagné de grandes notes, dans lesquelles le compilateur a répandu, avec plus de profusion que de choix, tout ce qu’il avait pu recueillir de bon et de mauvais.

Les renvois fréquents qui établissent la communication du texte et des remarques, piquent d’abord la curiosité ; mais cela fatigue à la longue. On ne peut se plaire à une lecture continuellement interrompue, sans parler du désordre qui règne dans le commentaire, des digressions inutiles ou trop fréquentes, de la multitude et de l’embarras des citations, de cette foule d’autorités contradictoires, et de cette nuée confuse de témoins, dont les dépositions se coupent, et qu’il faut tous entendre les uns après les autres ; nous ne parlerons pas non plus d’une foule d’anecdotes hasardées, de citations fausses, de jugements peu justes, de sophismes évidents, d’ordures révoltantes.

On apprend quelquefois à penser dans ce dictionnaire, mais plus souvent à s’égarer. Bayle traite le pour et le contre de toutes les opinions ; il expose les raisons qui les soutiennent, et celles qui les détruisent ; mais il appuie plus sur les raisonnements qui peuvent accréditer une erreur, que sur ceux dont on étaie une vérité. Un écrivain célèbre, grand admirateur de Bayle, a dit : « Qu’il était l’avocat-général des philosophes ; mais qu’il ne donne point ses conclusions » ; il les donne quelquefois. Cet avocat-général est souvent juge et partie, et lorsqu’il conclut, c’est ordinairement pour la mauvaise cause.

Il ne faut pas oublier la persécution que le fanatique Jurieu suscita, dans un pays protestant, à ce philosophe ; il arma contre lui le consistoire calviniste sous plusieurs prétextes, et surtout à l’occasion du fameux article de David.

Ce qui doit être soigneusement observé, c’est que ces pasteurs, dans leur censure, le reprennent d’avoir quelquefois donné des éloges à des papes, gens de bien, et lui enjoignent de ne jamais justifier aucun pape, parce que, disent-ils expressément , ils ne sont pas de leur Eglise. Ce trait est un de ceux qui caractérisent le mieux l’esprit de parti ; il sert aussi à faire voir combien peu les protestants sont exempts de cette intolérance qu’ils ont tant reprochée à l’Eglise catholique.