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22 novembre 1775 : mort du littérateur Claude-Henri de Fusée de Voisenon

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22 novembre 1775 : mort du littérateur
Claude-Henri de Fusée de Voisenon
Publié / Mis à jour le mercredi 21 novembre 2012, par Redaction
 
 
Temps de lecture estimé : 5 mn
 

Abbé et académicien, chose étrange. Les mœurs de Voisenon protesteraient contre la première de ces deux qualités, et ses ouvrages contre la seconde.

Claude-Henri de Fusée de Voisenon

Claude-Henri de Fusée de Voisenon

Voisenon, auteur dramatique sous le petit collet, n’est pas, comme ce pauvre abbé Pellegrin, une espèce de maître Jacques, faisant deux métiers pour vivre ; c’est un personnage en vue, le favori des grands, l’adulateur titré des maîtresses du roi, le protecteur de Voltaire, qui le flattait ; car ce grand poète, qui n’avait pas autant de scrupule que de génie, s’abaissait souvent pour s’élever, et mettait en action ce mot de Tacite : Omnia serviliter pro dominatione.

Voisenon reçut le jour au château de Voisenon, près de Melun, le 8 juillet 1708. Simple cadet de famille, et d’ailleurs chétif et rachitique, ne paraissant bon à rien, il fut consacré à Dieu ; car, dans cette aristocratie religieuse, Dieu n’avait que le second choix, le rebut. Il entra dans les ordres, et se mit à faire des vers galants et des comédies.

Le début de Voisenon sur la scène française fut un prologue intitulé l’Ombre de Molière, et placé au-devant d’une comédie allégorique, l’Ecole du monde, qui n’était, comme le dit un plaisant d’alors, qu’une école de l’auteur. La comédie tomba ; mais l’indulgence obtenue pour le prologue, par le nom d’un grand homme, amena une récidive du petit abbé, qui, un mois après, fit jouer le Retour de l’ombre de Molière, où il eut du moins le bon esprit de critiquer franchement, la pièce qu’il n’avait pas eu celui de faire meilleure. On raconte même à ce sujet une anecdote piquante : quelques journalistes, bonnes âmes, trompés par l’anonyme de l’auteur et du critique, défendirent la faiblesse du premier contre la malice du second.

Au fond, comme il faut rendre justice même à ceux qu’on estime le moins, Voisenon avait une compensation à ses vices et à la puérilité de son esprit ; il savait les apprécier ; il se jugeait lui-même. Nommé grand-vicaire de l’évêque de Boulogne, son parent, il mit des épigrammes dans les mandements de ce saint dignitaire de l’église, qui, sans doute, suivant l’usage, ne les lisait pas. Quelqu’un censura cette inconvenance dans une brochure anonyme : on découvrit, on jeta en prison le censeur. Voisenon sollicita sa liberté, et lui dit ensuite, en présence de l’évêque qui devait jouer dans tout cela un fort set personnage : « Vous ne me devez aucun remerciement ; c’est à moi de vous en faire pour m’avoir averti que les vérités de l’évangile exigent de ceux qui les annoncent un style plus simple, un ton plus noble et plus grave. »

Plus tard, à la mort de son parent, l’évêché de Boulogne lui fut offert par le cardinal Fleury. Sa réponse à cette offre est, à coup sûr, de meilleur sens que tous ses ouvrages : « Eh ! comment vaut-on que je conduise un diocèse, quand j’ai tant de peine à me conduire moi-même. » Au surplus , il ne perdit par ce refus qu’un titre qui lui aurait imposé la gêne d’une sorte de décorum, et fut dédommagé par une riche abbaye qui lui donna le moyen de satisfaire ses ignobles galanteries, ou de s’occuper des bagatelles sonores, nugae canorae, qui lui faisaient une réputation de poète.

Il fut présenté par Voltaire chez Mme du Châtelet, à laquelle, malgré sa tournure et sa physionomie de singe, il paraît qu’il ne fut pas indifférent. Il devint aussi un disciple assidu de l’école d’épicurisme ouverte chez une actrice à la mode, Mlle Quinault-Dufresne, qui trouva plaisant de le faire travailler encore pour la scène, malgré son titre de grand-vicaire. Sous cette galante influence, il donna en deux ans deux pièces au Théâtre italien : la première a pour titre les Mariages assortis.

Deux frères d’une humeur et d’une conduite entièrement opposées en sont les principaux personnages : Damon, l’aîné des deux, est un esprit grave et sérieux ; le chevalier, qui est d’un caractère étourdi et frivole, veut épouser une jeune folle, nommée Angélique ; mais pour obtenir qu’elle reçoive une dot de sa tante, il feint de vouloir la faire épouser à son frère. Damon paraît un pédant aux yeux d’Angélique, qui ne passe à ceux de Damon que pour une extravagante. C’est ce qu’a prévu le chevalier, à qui son Angélique reste avec la dot promise. Damon épouse la fille d’un de ses amis ruinés : et voilà trois actes, grâce à des tirades et à des lieux communs. Veut-on savoir sur quoi porte le comique ? Sur la surdité de la vieille tante. Rien de neuf, rien qui sente une velléité d’être original.

Toutefois ce seul titre ne suffit pas à Voisenon, qui en offrit un second de même force, la Coquette fixée, dont le sujet est le même que celui de la princesse d’Elide, si heureusement indiqué par Molière, si laborieusement remanié par Lanoue dans sa Coquette corrigée. Car à ces frêles esprits, énervés par la mollesse, l’invention ne manque pas moins que l’observation et le style. Le dénouement de Voisenon ferait tomber aujourd’hui le dernier des vaudevilles. Quand la coquette Cidalise, subjuguée par la feinte indifférence de Dorante, n’aime plus que lui, n’aspire plus qu’à son cœur, voici la preuve qu’elle lui en donne : elle met en gage ses bijoux pour lui faire obtenir le brevet d’un régiment, qui allait lui échapper, faute par lui de pouvoir trouver la somme suffisante. Et voilà encore trois actes, en vers, comme l’autre comédie ; voilà encore un succès pour le théâtre du XVIIIe siècle.

Après cela, Voisenon faisait encore le Réveil de Thalie, qu’on aurait pu croire endormie pour longtemps, ne fut-ce que par la lecture de ses ouvrages. Il faisait, le saint vicaire, des opéras mythologiques, l’Amour et Psyché, Jupiter et Calypso ; il faisait, le faiseur de comédies et d’opéras, des oratorio, comme les Fureurs de Saül et les Israélites sur la montagne d’Oreb ; il faisait mieux encore, des contes libertins, entre autres le Sultan Misapouf, des vers plus que badins pour Mme de Pompadour : « Ces agréables ordures, disent les mémoires contemporains, plaisaient beaucoup à la cour. » Le bruit courut qu’il faisait jusqu’aux opéras comiques de Favart.

L’auteur du Sultan Misapouf succéda au fauteuil de l’auteur de Rhadamiste et d’Atrée. Voltaire, qui avait contribué par ses instances à le faire élire, lui reprocha d’avoir fait l’éloge des tragédies de son prédécesseur : « Vous savez bien, fripon que vous êtes, lui écrit-il, qu’elles ne valent rien. » Ainsi Voisenon était un des dispensateurs de la gloire, un des oracles du goût public. On cherchait à influencer son opinion comme une puissance dans la littérature de l’époque, et c’était une puissance en effet. C’est Voisenon qui forçait les comédiens français à jouer Mérope qu’ils avaient refusée à Voltaire. Chose curieuse. Des acteurs refusant Mérope, et un prêtre la leur faisant recevoir !

On vient de voir ce que Voisenon a écrit. Veut-on se former une idée de sa vie ? Voici comment Voltaire nous le montre au milieu des plaisirs que le duc de La Vallière faisait éclore en serre chaude dans sa campagne de Montrouge :

Vous êtes prêtre de Cythère,
Vous passez les nuits et les jours
Avec votre grosse bergère,
Et les légitimes amours
Ne sont pas votre ministère.

Dans ses amours plus pastorales que ses mandements, figurait en première ligne cette Mme Favart, la bergère du Théâtre-Italien, prise d’assaut si brutalement par le maréchal de Saxe : si l’abbé travaillait aux pièces du mari, il prélevait ses droits d’auteur sur les charmes de la femme. Ils formaient ensemble une espèce de trinité galante et chantante, où l’adultère aiguisait la pointe du couplet. Après cela, Voisenon avait des accès de dévotion, des bouffées de terreur chrétienne : ce n’était pas chez lui amour de Dieu, c’était crainte du diable.

L’ami de Voltaire croyait au diable. Il se confessait, et « ce n’était pas du menu », disait-il à ses amis, si peu menu que son confesseur refusait de l’absoudre, qu’il fallait s’adresser au pape pour avoir une absolution, que le pape vendait avec des indulgences, moyennant une somme de mille écus payée comptant à Rome, dont quittance dans le ciel. Dans ses moments de ferveur, Voisenon brûlait ses vers profanes, comme Lulli brûlait sa musique de théâtre ; mais, plus fin que son confesseur, il gardait comme Lulli une copie. On a peine à concevoir le contraste de toutes les idées petites et puériles qui se heurtaient dans une pareille tête.

Joignez à cela une gourmandise dont l’abbé tirait vanité : il ne vivait que d’indigestions, et était fier de la surprise qu’éprouvaient ses compagnons de table, qui ne pouvaient concevoir comment une aussi mince personne avait un aussi grand estomac : « Je suis, écrivait-il, si gonflé de pâtisseries que j’en crève ; je me tue à table, je m’en donne jusqu’à la gorge. » Epuisé, harassé par tous les excès, il passait encore sa vie à mourir d’un asthme. Une crise le jetait bas, il se relevait pour retourner aux plaisirs. Un jour, à la campagne, il est frappé d’une grave attaque, on court chez le curé ; pendant que le viatique arrive par une porte, il sort par l’autre, et court à la chasse.

Voisenon n’avait pas même de constance en amitié. Longtemps accueilli, prôné par la famille Choiseul, après l’exil du ministre à Chanteloup, il se fit l’ordonnateur des fêtes de Meaupou et de Mme du Barry. Plus tard même, il se tourna contre le chancelier, quand il le vit attaqué par la courtisane liguée avec le duc d’Aiguillon. Cette bassesse de cœur le déshonora plus que tous ses autres vices, et lui attira un mot piquant de d’Alembert. Voisenon, après une circonstance où avait éclaté son ingratitude, s’étant présenté à une séance de l’Académie, personne ne lui parla : « Je sais, dit-il pour se justifier, qu’on me prête beaucoup de sottises. — Monsieur l’abbé, répliqua d’Alembert, on ne prête qu’aux riches. »

Voisenon était un diseur de bons mots. C’est lui qui prétendait que l’auteur du Cercle, le naïf Poinsinet, avait écouté aux portes. Il voulut voir un cercueil de plomb qu’il s’était fait faire : « Coquin, cria-t-il à son domestique, voilà la première redingote que tu ne seras pas tenté de me voler. »

 
 
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