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26 septembre 1716 : mort du mathématicien et physicien Antoine Parent

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26 septembre 1716 : mort du mathématicien
et physicien Antoine Parent
(D’après « Œuvres complètes de Fontenelle » (Tome I), édition de 1818)
Publié / Mis à jour le jeudi 26 septembre 2024, par Redaction
 
 
Temps de lecture estimé : 4 mn
 
 
 
Il étudia le droit, puis les mathématiques et la mécanique, pratiqua aussi l’art des fortifications et fut admis, quelques mois avant sa mort, à l’Académie des sciences de Paris

Antoine Parent naquit à Paris le 16 septembre 1666. Ses aïeux étaient de Chartres ; son père était né à Paris, fils d’un avocat au conseil. Antoine n’avait pas encore trois ans, quand Antoine Mallet, oncle de sa mère, curé du Bourg de Lèves, près de Chartres, le fit emporter pour l’élever chez lui. Ce curé gouverna sa paroisse pendant cinquante-quatre ans avec la réputation d’un saint prêtre, d’un bon théologien, et même d’un assez habile naturaliste.

Il fut le seul précepteur de son petit-neveu, ou plutôt son père. Comme il ne lui put enseigner que les premières règles de l’arithmétique, et que l’enfant ne s’en contentait pas, il fallut lui donner quelques livres qui allassent plus loin ; mais ce n’étaient que des règles sans démonstrations, et l’enfant ne s’en contentait pas encore. Il tâcha de trouver des preuves par lui-même, vint à bout de quelques-unes, ne put réussir à d’autres ; et enfin à l’âge de treize ans il avait rempli d’une espèce de commentaire toutes les marges d’un livre d’arithmétique, marque déjà certaine d’un génie mathématique qui se développait, et dont les forces naissantes demandaient à s’exercer.

Ce que son oncle eut le plus de soin de lui apprendre, ce fut la religion et la piété, et ses leçons fructifièrent peut-être au-delà de son espérance. Antoine Parent a été toute sa vie dans une pratique du christianisme non seulement exacte, mais austère. A quatorze ans il fut mis en pension chez un ami de son oncle, qui régentait la rhétorique à Chartres. Il se trouva dans sa chambre un dodécaèdre, sur chaque face duquel on avait tracé un cadran, excepté sur l’inférieure. Le hasard semblait le poursuivre pour le jeter du côté des mathématiques. Aussitôt le voilà frappé des cadrans : il veut apprendre à en tracer ; il trouve un livre qui n’en donnait que la pratique sans théorie ; et ce ne fut que quelque temps après, lorsque son régent de rhétorique vint à expliquer la sphère, qu’il commença à entrevoir comment la projection des cercles de la sphère formait les cadrans, et qu’il parvint à se faire une gnomonique, apparemment assez informe , mais toute à lui. Il se fit une géométrie aussi imparfaite et aussi estimable.

Ses parents l’envoyèrent enfin à Paris pour étudier en droit. Il l’étudia par obéissance, et les mathématiques par inclination. Son droit fini, dont il ne prétendait faire nul usage, il s’enferma dans une chambre du collège de Dormans, pour se dévouer à son étude chérie. Là, avec de bons livres, et moins de deux cents francs de revenu, il vivait content. Il était à propos que dans une pareille fortune, la piété, et la plus rigide, vînt au secours de la philosophie. Il ne sortait de sa retraite que pour aller au Collège royal entendre ou Philippe de La Hire — mathématicien, astronome et théoricien de l’architecture, il entra à l’Académie des sciences en 1678 et enseigna au Collège de France et à l’Académie royale d’architecture dès 1687 —, ou Joseph Sauveur (1653-1716) — professeur de mathématiques au Collège de France depuis 1686, il fut élu à l’Académie des sciences en 1696 —, sous lesquels il profita comme un homme qui avait moins besoin de leçons, que de quelques avis qui lui épargnassent du temps. Sauveur, qui ne pouvait manquer de le bien connaître, affirmait que c’était véritablement un génie rare, un aigle.

Quand Antoine se sentit assez fort sur les mathématiques, il prit des écoliers, et comme les fortifications étaient ce qu’il enseignait le plus, parce que la guerre ne mettait que trop cette science à la mode, il vint à se faire un scrupule d’enseigner ce qu’il n’avait jamais vu que par la force de son imagination. Joseph Sauveur, à qui il confia cette délicatesse, le donna au marquis Yves d’Alègre, colonel du régiment Royal-Dragons — il participa notamment à la bataille de Walcourt en 1689, à la bataille de Fleurus en 1690 —, qui heureusement en ce temps-là voulait avoir un mathématicien auprès de lui. Il fit avec ce marquis deux campagnes, où il s’instruisit à fond par les vues des places, et leva quantité de plans, quoiqu’il n’eût jamais appris le dessin.

Après cela sa vie n’a pas plus d’événements, et n’en a peut-être été que plus heureuse. Ce n’est qu’une application continuelle à l’étude, ou plutôt à toutes les études qui regardent les sciences naturelles, à toutes les parties des mathématiques, soit spéculatives, soit pratiques ; à l’anatomie, à la botanique, à la chimie ; au détail des arts les plus curieux. Il avait un feu d’esprit qui dévorait tout ; et ce qu’il y a de plus rare, cette ardeur si active n’était point volage ni aisée à lasser, mais constante et infatigable.

Gilles Filleau des Billettes (1634-1720) étant entré dans l’académie en 1699 avec le titre de mécanicien, nomma pour son élève Antoine Parent, qui excellait principalement en mécanique. On s’aperçut bientôt dans la compagnie que toutes les différentes matières qui s’y traitaient l’intéressaient, qu’il était au fait de toutes, et qu’on aurait pu le choisir pour l’élève universel. Mais cette grande étendue de connaissances, jointe à son impétuosité naturelle, le portait aussi à contredire assez souvent sur tout, quelquefois avec précipitation, souvent avec peu de ménagement. La recherche de la vérité demande dans l’académie la liberté de la contradiction ; mais toute société demande dans la contradiction de certains égards, et il ne se souvenait pas que l’académie est une société.

Personne n’a tant fourni que lui aux assemblées de l’Académie des sciences ; et quoiqu’on traitât quelquefois avec assez de sévérité ce qu’il apportait, il n’en paraissait pas blessé : son peu de sensibilité à cet égard lui persuadait peut-être que les autres lui ressemblaient, et le rendait plus hardi à s’élever contre eux. On lui a reproché d’être obscur dans ses écrits. Cette obscurité, qui tient assez naturellement au grand savoir, pouvait venir aussi de l’ardeur d’un génie vif et bouillant. Quelquefois, à la faveur de ce préjugé établi contre lui, on se dispensait un peu facilement de chercher à l’entendre.

Dans ses Recherches de mathématique ou de physique, qu’il commença à donner en 1705, il rassembla tout ce qu’il y avait de plus important dans tous les autres journaux sur les mathématiques et la physique, avec des réflexions et des remarques aussi ingénues qu’il les savait faire, et y donna des abrégés et des critiques détaillées des auteurs les plus fameux. Parent était si abondant, que, quoiqu’il eût ce journal à lui, il ne laissait pas de se répandre encore dans les autres, dans le Journal des savants, dans celui de Trévoux, dans le Mercure. Il ne pouvait se contenir dans ses rives. A la fin d’un Traité d’arithmétique théori-pratique qu’il publia en 1714, il donnait un catalogue de ces sortes d’ouvrages extravasés, pour ainsi dire ; et il y a lieu d’être surpris et du nombre et de la diversité.

Il mourut de la petite vérole le 26 septembre 1716 âgé de cinquante ans, et sa mort fut celle d’un parfait philosophe chrétien. Parmi ses papiers, qui sont en assez grande quantité, et dont plusieurs sont des traités complets, on en a trouva d’une espèce rare dans de pareils inventaires, des écrits de dévotion, la vie de ce grand oncle à qui il devait tant, les preuves de la divinité de Jésus-Christ en quatre parties. Il avait un grand fonds de bonté, sans avoir l’agréable superficie. Ce fonds était encore cultivé par une piété solide et austère, conforme ou à l’esprit géométrique, ou au sien.

Quoiqu’il eût un extrême besoin de son temps, il le sacrifiait généreusement à ceux de ses écoliers qui souhaitaient qu’il les promenât dans Paris pour voir des curiosités de sciences, surtout aux étrangers, parce qu’il s’intéressait à la gloire de son pays. Quelques maîtres de mathématiques venaient prendre des leçons de lui. Un jour, il fit cette confidence à une personne à qui il ne cachait rien ; mais il ne nomma pas ces prétendus maîtres. Il ne sortit du rang d’élève qu’il avait au sein de l’Académie des sciences, que par le nouveau règlement de celle-ci, le 3 janvier 1716, quelques mois avant sa mort.

 
 
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