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10 septembre 1730 : mort de l’anatomiste Joseph-Guichard Duverney

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10 septembre 1730 : mort de l’anatomiste
Joseph-Guichard Duverney
(D’après « Histoire de l’Académie royale des sciences, année 1730, avec les
mémoires de mathématique et de physique pour la même année », paru en 1732)
Publié / Mis à jour le vendredi 10 septembre 2021, par Redaction
 
 
Temps de lecture estimé : 8 mn
 
 
 
Prenant de bonne heure du goût pour l’art de guérir, et allant l’étudier à Avignon avant de partir pour Paris afin d’enseigner l’anatomie, Joseph Duverney était doué d’une grande éloquence jointe à un rare savoir, à beaucoup de justesse, de clarté et d’ordre dans les idées, ce qui ne tarda pas à lui acquérir une brillante réputation et lui valut de mettre l’anatomie à la mode, les courtisans et les gens du monde assistant à ses leçons, cependant que cette matière ne s’était point encore hasardée à sortir des écoles de médecine et du collège de Saint-Côme

Joseph-Guichard Duverney naquit à Feurs, en Forez, le 5 août 1648 de Jacques Duverney, médecin de la même ville, et d’Antoinette Pittre. Ses classes faites il étudia en médecine à Avignon pendant 5 ans, et en partit en 1667 pour venir à Paris, où il se sentait appelé par ses talents.

À peine arrivé dans cette grande ville, il alla chez le fameux abbé Pierre Michon Bourdelot (1610-1685), qui tenait des conférences de gens de lettres de toutes les espèces. Il leur fit une anatomie du cerveau, et d’autres ensuite chez Denys, savant médecin, où l’on s’assemblait aussi. Il démontrait ce qui avait été découvert par Sténon, Swammerdam, Graaf, et les autres grands anatomistes, et il eut bientôt une réputation.

L'ange anatomique. Planche extraite de Myologie complète en couleur et grandeur naturelle, composée de l'Essai et de la Suite de l'Essai d'anatomie en tableaux imprimés, recueil publié en 1746 de planches publiées par Jacques-Fabien Gautier d'Agoty, accompagnées de textes de Joseph Duverney mort en 1730

L’ange anatomique. Planche extraite de Myologie complète en couleur et grandeur
naturelle, composée de l’Essai et de la Suite de l’Essai d’anatomie en tableaux imprimés
,
recueil publié en 1746 de planches publiées par Jacques-Fabien Gautier d’Agoty,
accompagnées de textes de Joseph Duverney mort en 1730

Outre ses connaissances déjà grandes et rares par rapport à son âge, ce qui contribua beaucoup à le mettre promptement en vogue, ce fut l’éloquence avec laquelle il parlait sur ces matières. Cette éloquence n’était pas seulement de la clarté, de la justesse, de l’ordre, toutes les perfections froides que demandent les sujets dogmatiques, c’était un feu dans les expressions, dans les tours, et jusque dans la prononciation, qui aurait presque suffi à un orateur.

Il n’eût pas pu annoncer indifféremment la découverte d’un vaisseau, ou un nouvel usage d’une partie : ses yeux en brillaient de joie et toute sa personne s’animait. Cette chaleur ou se communique aux auditeurs, ou du moins les préserve d’une langueur involontaire, qui aurait pu les gagner. On peut ajouter qu’il était jeune, et d’une figure assez agréable. Ces petites circonstances n’auront lieu, si l’on veut, qu’à l’égard d’un certain nombre de dames, qui furent curieuses de l’entendre.

À mesure qu’il parvenait à être plus à la mode, il y mettait l’anatomie, qui renfermée jusque-là dans les écoles de médecine, ou à Saint-Côme, osa se produire dans le beau monde, présentée de sa main. Fontenelle rapporte avoir vu des gens de ce monde-là, qui portaient sur eux des pièces sèches préparées par lui, pour avoir le plaisir de les montrer dans les compagnies, surtout celles qui appartenaient aux sujets les plus intéressants.

Il entra en 1676 au sein de l’Académie royale des sciences qui ne comptait encore que 10 années depuis son établissement. On crut réparer par lui la perte que la Compagnie avoir faite de Louis Gayant (mort en 1673) et Jean Pecquet (1622-1674), tous deux habiles anatomistes ; mais le dernier plus fameux par la découverte du réservoir du chyle, et du canal thoracique. Du caractère dont était Joseph Duverney il n’avoir pas besoin de grands motifs pour prendre beaucoup d’ardeur. Il se mit à travailler à l’histoire naturelle des animaux, qui faisaient alors une partie des occupations de l’Académie.

Quand ceux qui étaient chargés de l’éducation du Grand Dauphin — fils aîné de Louis XIV et de Marie-Thérèse d’Autriche —, songèrent à lui donner des connaissances de physique, on fit l’honneur à l’Académie de tirer de son corps ceux qui auraient cette fonction et ce furent Roëmer pour les expériences générales, Duverney pour l’anatomie. Celui-ci préparait les parties à Paris, et les transportait à Saint-Germain ou à Versailles. Là il trouvait un auditoire redoutable, le Dauphin environné du duc de Montausier, de l’évêque de Meaux, de Huet depuis évéque d’Avranches, de De Cordemoi, qui tous étaient fort savants et fort capables de juger même de ce qui leur eût été nouveau. Les démonstrations d’anatomie réussirent si bien auprès du jeune Prince, qu’il offrit quelquefois de ne point aller à la chasse, si on les lui pouvait continuer après son dîner.

Ce qui avait été fait chez lui se recommençait chez M. de Meaux avec plus d’étendue et de détail. Il s’y assemblait de nouveaux auditeurs, tels que le duc de Chevreuse, le Père de la Chaise, Dodart, tous ceux que leur goût y attirait et qui se sentaient dignes d’y paraître. Joseph Duverney fut de cette sorte pendant près d’un an l’anatomiste des courtisans, connu de tous, et presque ami de ceux qui avaient le plus de mérite. Ses succès de Paris l’avaient porté à la Cour, et il en revint à Paris avec ce brillant que donnent les succès de la Cour.

Les fatigues de son métier, très pénible par lui-même et plus pénible pour lui que pour tout autre, lui causèrent un mal de poitrine si violent, qu’on lui crut un ulcère au poumon. Il en revint cependant, bien résolu de se ménager davantage à l’avenir : mais comment exécuter cette résolution ? Comment résister à mille choses qui s’offraient et qui forçaient ses regards, et ses recherches à se tourner de leur côté ? Comment leur refuser ses nuits, même après les jours entiers ? Souvent l’anatomie ne souffre pas de délais : mais quand elle en eût souffert, en pouvait-il prendre ?

En 1679 il fut nommé professeur d’anatomie au Jardin royal, et alla en Basse-Bretagne pour y faire des dissections de poissons, envoyé dans cette vue avec M. de la Hire, qui devait avoir d’autres occupations. Ils furent envoyés tous deux l’année suivante sur la côte de Bayonne pour les mêmes desseins. Il entra dans une anatomie toute nouvelle, mais il ne put qu’ébaucher la matière, et depuis son retour la seule structure des ouïes de la carpe lui coûta plus de temps que tous les poissons qu’il avait étudiés dans deux voyages.

Il mit les exercices anatomiques du Jardin royal sur un pied où ils n’avaienr pas encore été. On vit avec étonnement la foule d’écoliers qui s’y rendait, et on compta en une année jusqu’à 140 étrangers. Plusieurs d’entre eux retournés dans leurs pays ont furent de grands médecins, de grands chirurgiens, et semèrent dans toute l’Europe le nom et les louanges de leur maître. Sans doute ont-ils souvent fait valoir son autorité et se sont-ils servi du fameux il l’a dit.

Il publia en 1683 son Traité de l’organe de l’ouïe, qui fut traduit en latin dès l’année suivante, et imprimé à Nuremberg. Cette traduction fut insérée dans la Bibliothèque anatomique de Manget. On sera surpris que ce soit là le seul livre qu’ait donné Joseph Duverney, le long temps qu’il vécut après cette publication. Mais lorsqu’on le connaît bien, on est même surpris qu’il l’ait donné. Jamais il ne se contentait pleinement sur un sujet et ceux qui ont quelque idée de la nature le lui pardonneront. Il faisait d’une partie qu’il examinait toutes les coupes différentes qu’il pouvait imaginer pour la voir de tous les sens ; il employait toutes les injections, cela exigeant beaucoup de temps, ne fût-ce qu’en tentatives inutiles.

Planche extraite de Anatomie de la tête, en tableaux imprimés qui représentent au naturel le cerveau sous différentes coupes, la distribution des vaisseaux dans toutes les parties de la tête, les organes des sens et une partie de la névrologie, d'après les pièces disséquées et préparées par Monsieur Duverney, recueil publié en 1748 de planches publiées par Jacques-Fabien Gautier d'Agoty

Planche extraite de Anatomie de la tête, en tableaux imprimés qui représentent au naturel
le cerveau sous différentes coupes, la distribution des vaisseaux dans toutes les parties
de la tête, les organes des sens et une partie de la névrologie, d’après les pièces disséquées
et préparées par Monsieur Duverney
, recueil publié en 1748 de planches
publiées par Jacques-Fabien Gautier d’Agoty

Mais il arrivait ce qui arrive presque toujours des discussions poussées dans un grand détail : elles ne lèvent guère une difficulté sans en faire naître une autre ; cette nouvelle difficulté, qu’on veut suivre, produit aussi fa difficulté incidente, et on se trouve engagé dans un labyrinthe. De plus un premier travail, qui aurait voulu être continué, est interrompu par un autre, que quelques circonstances, ou, si l’on veut, la simple curiosité rendent indispensable. Une connaissance acquise comme par hasard aura une espèce d’effet rétroactif qui détruira ou modifiera beaucoup de connaissances précédentes qu’on croyait absolument sûres.

Ajoutez à ce fond d’embarras, que produit la nature de l’anatomie, une peur de se méprendre, une frayeur des jugements du public, qui ne peut guère être excessive et l’on concevra sans peine qu’un très habile anatomiste peut n’avoir pas été imprimé. Il faut pourtant avouer qu’un trop grand amour de la perfection, ou une trop grande délicatesse de gloire, feront perdre au public une infinité de vies et d’idées, qui pour être d’une certaine utilité n’auraient pas eu besoin d’une entière certitude, ou dune précision parfaite.

Joseph Duverney fut allez longtemps le seul anatomiste de l’Académie, et ce ne fut qu’en 1684 qu’on lui joignit Jean Méry (1645-1722). Ils n’avaient rien de commun qu’une extrême passion pour la même science, et beaucoup de capacité ; du reste presque entièrement opposés, surtout à l’égard des talents extérieurs. Si l’on pouvait quelquefois craindre que par le don de la parole Joseph Duverney n’eût la facilité de tourner les faits selon les idées, on était sûr que Jean Méry ne pouvait que se renfermer dans une sévère exactitude des faits, et que l’un eût tenu en respect l’éloquence de l’autre. Le grand avantage des compagnies résulte de cet équilibre des caractères.

On remarqua que Joseph Duverney prit un nouveau feu par cette espèce de rivalité. Elle n’éclata jamais davantage que dans la fameuse question de la circulation du sang du fœtus. Elle le conduisit à examiner d’autres sujets qui pouvaient y avoir rapport, la circulation dans les amphibies, tels que la grenouille, car le fœtus qui vit d’abord sans respirer l’air, et ensuite en le respirant, est une espèce d’amphibie ; ceux-là le conduisaient à d’autres animaux approchants sans être amphibies, comme le crapaud, et enfin aux insectes, qui sont un genre à part, et offrent un spectacle tout nouveau. Aussi excellait-il dans l’anatomie comparée, qui est l’anatomie prise le plus en grand qu’il soit possible, et dans une étendue où peu de gens la peuvent embrasser.

Dans les premiers temps de ses exercices du Jardin royal il faisait et les démonstrations des parties qu’il avait préparées, et les discours qui expliquaient les usages, les maladies, les cures, et résolvaient les difficultés. Mais sa faiblesse de poitrine, qui se faisait toujours sentir, ne lui permit pas de conserver les deux fonctions à la fois. Un habile chirurgien choisi par lui faisait sous lui les démonstrations, et il ne lui restait plus que les discours dans lesquels il avait de la peine à se renfermer. C’est lui qui a le premier enseigné en ce lieu-là l’ostéologie, et les maladies des os.

De son cabinet, où il avait étudié des cadavres et des squelettes, il allait dans les hôpitaux de Paris, où il étudiait ceux dont les maux avaient rapport à l’anatomie. Si la machine du corps disséquée et démontrée présente encore tant d’énigmes très difficiles et très obscure, à plus forte raison la machine vivante, où tout est sans comparaison moins exposé à la vue, plus enveloppé, plus équivoque. C’était là qu’il appliquait sa théorie aux faits, et qu’il apprenait même ce que la seule théorie ne lui eût pas appris.

En même temps il était d’un grand secours et aux malades, et à ceux qui en étaient chargés. Quoiqu’il fût docteur en Médecine, il évitait de s’engager dans aucune pratique de médecine ordinaire, quelque honorable, quelque utile qu’elle pût être. Il prévoyait qu’un cas rare de chirurgie, une opération singulière, lui aurait causé une distraction indispensable, et il s’acquittait assez envers le public de son devoir de médecin, non feulement par les instructions générales qu’il donnait sur toute l’anatomie, mais par l’utilité dont il était dans les occasions particulières.

Loin d’avoir rien à se reprocher sur cet article, il ne se reprochait que d’être trop occupé de sa profession. Il craignait que la religion, dont il avait un sentiment très vif, ne lui permît pas un si violent attachement, qui s’emparait de toutes ses pensées, et de tout son temps. L’auteur de la Nature, qu’il admirait et révérait sans cesse dans ses ouvrages si bien connus de lui, ne lui paraîtrait pas suffisamment honoré par ce culte savant, toujours cependant accompagné du culte ordinaire le plus régulier. L’âge qui s’avançait, les infirmités qui augmentaient, contribuaient peut-être à ce scrupule, sans lui donner pourtant le pouvoir de s’y livrer entièrement.

Les mêmes raisons l’empêchèrent pendant plusieurs années de paraître à l’Académie. Il demanda à être vétéran, et sa place fut remplie par Petit, docteur en Médecine. Il paraissait avoir oublié l’Académie, lorsque tout d’un coup il se réveilla à l’occasion de la réimpression de l’Histoire naturelle des animaux, à laquelle il avait eu anciennement beaucoup de part. Il reprit à 80 ans des forces, de la jeunesse pour revenir dans les assemblées de l’Académie, où il parla avec toute la vivacité qu’on lui avait connue et qu’on n’attendait plus.

Billet d'enterrement de Joseph-Guichard Duverney

Billet d’enterrement de Joseph-Guichard Duverney

Il ne perdait aucun des intervalles que lui laissaient des souffrances, qui redoublaient toujours et qui le mirent plusieurs fois au bord du tombeau. Il revoyait avec Vinslou son Traité de l’organe de l’ouïe dont il voulait donner une seconde édition, qui se serait bien sentie des acquisitions postérieures. Il avait entrepris un ouvrage sur les insectes, qui I’obligeait à des soins très pénibles : malgré son grand âge, par exemple, il passait des nuits dans les endroits les plus humides du Jardin royal, couché sur le ventre sans oser faire aucun mouvement, pour découvrir les allures, la conduite des limaçons, qui semblaient en vouloir faire un secret impénétrable. Sa santé en souffrait, mais il aurait encore plus souffert de rien négliger. Il mourut le 10 septembre 1730 âgé de 82 ans.

Joseph Duverney avait été en commerce avec les plus grands anatomistes de son temps : Malpighi, Ruysch, Pitcarne, Bidloo, Boerhaave. Il en avait reçu des lettres, et voici la traduction de l’une d’entre elles, rédigée en latin par Pitcarne en 1712 : « Très illustre du Verney, voici ce que t’écrit un homme qui te doit beaucoup, et qui te rend graces de ces discours divins, qu’il a entendus de toi à Paris il y a 30 ans. Je te recommande Thomson mon ami, et Écossais. Je t’enverrai bientôt mes Dissertations où je résoudrai ce problème : Une maladie étant donnée, trouver le remède. À Edimbourg, etc. »

En général il paraît par toutes ces lettres que la réputation de Joseph Duverney était très brillante chez les étrangers, non seulement par la haute idée qu’ils remportaient de sa capacité, mais par la reconnaissance qu’ils lui devaient de ses manières obligeantes, de l’intérêt qu’il prenait à leurs progrès, de l’affection dont il animait ses leçons. Ceux qui lui adressaient de nouveaux disciples, ne lui demandaient pour eux que ce qu’ils avaient éprouvé eux-mêmes.

Ils disent tous que son Traité de l’organe de l’ouïe leur a donné une envie extrême de voir les Traités des quatre autres sens qu’il avait promis dans celui-là ; ils l’exhortent souvent à faire part à tout le public de ses richesses, qu’il ne peut plus tenir cachées après les avoir laissé apercevoir dans ses discours du Jardin Royal ; ils le menacent du péril de se les voir enlever par des gens peu scrupuleux, et on lui cite même un exemple où l’on croit le cas déjà arrivé : mais il a toujours été, ou peu sensible à ce malheur, ou trop irrésolu à force de savoir.

 
 
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