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Circulation automobile. Accidents de voiture. Décès sur les routes. Mesures

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L’Histoire éclaire l’Actu
L’actualité au prisme de l’Histoire, ou quand l’Histoire éclaire l’actualité. Regard historique sur les événements faisant l’actu
Circulation automobile (La) déjà considérée
comme un fléau dans les années 1930
(D’après « Rustica. Revue mensuelle de la campagne », paru en 1932)
Publié / Mis à jour le dimanche 14 mai 2017, par Redaction
 
 
Temps de lecture estimé : 5 mn
 
 
 
L’accroissement inquiétant du nombre de morts dus aux accidents automobiles dans les années 1930 – 200 000 personnes au niveau mondial – suggère, déjà, aux spécialistes de la question d’imposer notamment l’examen médical obligatoire. Dépeignant la route comme le « cercle de la mort » parcouru « toujours plus vite pour gagner deux minutes, alors qu’on perdra deux heures au café », le chroniqueur Jean Madelaigue rappelle qu’un nombre considérable de contraintes a déjà été adopté : suppression des arbres bordant les chemins, agents disposés aux carrefours ou encore avènement du sens interdit

J’aurais tout l’air d’émettre un paradoxe si j’écrivais que plus on peut aller vite plus on va lentement, plus les voitures se perfectionnent moins elles circulent librement, écrit Madelaigue. Pourtant, cela est un fait dont toutes les capitales du monde donnent aujourd’hui la preuve. Le progrès est un serpent qui se mord la queue : ce qu’il créé d’un côté, il le perd de l’autre, et tout ce qu’on fait pour pallier cela n’y change rien du tout.

Les embarras de voitures ont existé de tout temps dans les grandes villes, allez-vous me dire, et vous ne manquerez pas de citer celui qui fut mortel à Henri IV, rue de la Ferronnerie, ceux que dépeignit Boileau, ceux qui favorisèrent l’explosion des machines infernales sur le passage des empereurs et des rois, et peut-être même ceux qui gênaient le passage des rois fainéants, et vous aurez raison. Mais tout de même il y avait, en ce temps-là, d’autres causes a ces engorgements que celles d’aujourd’hui.

Agent réglant la circulation des voitures et des piétons à Paris

Agent réglant la circulation des voitures et des piétons à Paris

Si une crise existait, elle affectait surtout l’état des routes, la largeur des rues, l’état de la chaussée, la lourdeur des voitures et leurs trop grandes dimensions. Tout cela a été modifié, amélioré ; pourtant une crise subsiste sur laquelle s’appesantissent des spécialistes, sorte de médecins des rues dont l’expérience se fortifie par des voyages en pays étrangers, mais dont les cures qu ils prescrivent n’ont, jusqu’à présent, donné que peu de résultats. C’est la crise de la circulation qui a donné naissance à des fonctions, à des habitudes, à des lois nouvelles. On écrirait un énorme volume avec les articles de journaux, les arrêtés, les décrets qu’elle a suscités. Mais aussi hélas ! quel réservoir immense n’emplirait-on pas avec le sang qu’elle a fait couler.

Point de jour ne se passe sans que la chronique de la route ne signale un accident, dix accidents mortels. Leur statistique est effrayante. Songez donc que pour le département du Nord mensuellement elle se maintient depuis quelque temps à cinquante morts et plus de trois cents blessés. Comme on le voit, ce n’est pas une plaisanterie, et l’on aurait tort de penser que tout ce qui s’écrit, se dit et se réglemente à ce sujet est peut-être fastidieux. En France, où l’on plaisante assez facilement avec le pire, on ne s’est pas privé de tourner en dérision les multiples essais tendant à améliorer la circulation. Et a-t-on dit sur les passages à clous parisiens et a-t-on assez blagué la belle barbe du premier agent de service au carrefour, l’agent à cheval, etc., mais peu à peu on a compris.

Le temps n’est plus, hélas ! où s’en allaient en trottinant sur les chaussées vides les fiacres dont le cocher donnait d’un paisible sommeil, déplore notre journaliste. Une auto n’a pas sitôt surgi au tournant qu’elle est sur vous, et quand je dis : une auto... c’est dix, vingt, trente qu’il faut dire, et l’an prochain ce sera quarante, soixante-dix qui fonceront à des vitesses encore accrues sur votre misérable personne qui n’aura toujours que deux yeux et deux oreilles pour les voir et les entendre et que deux pauvres jambes pour les fuir.

Vous voyez cela d’ici. La question est grave et vaut qu’on lui trouve une solution. Les spécialistes cherchent. On parle de synchronisation, et d’un tas d’autres choses très compliquées, on crée un code de la route, que nul n’est censé ignorer mais qui ne donne aucun résultat, on plante aux carrefours des gardiens, on crée une police spéciale, on tend un téléphone le long des routes, ou encore des pharmacies de secours. Bref, on accumule remèdes préventifs et curatifs sans rien changer au sinistre résultat : un total de 200 500 morts par l’auto dans le monde entier.

La question est grave, si grave, qu’on vient d’ouvrir un salon, le « Salon de la route », où l’on peut voir tous les moyens mis en œuvre pour faciliter le roulement des voitures. On eût pu sans doute faire autre chose. Par exemple, refuser le permis de conduire aux- gens dont on n’est pas sûr. On fait passer aux chauffeurs d’autobus parisiens un examen médical : ne pourrait-on généraliser cela ? La grande inquiétude de celui qui conduit une auto aujourd’hui est : Savoir si celui-là qui vient devant moi n’est pas fou ou malade ? Et y voit-il bien ? N’a-t-il pas bu ?

On ne sait qui surgit devant, qui suit derrière. On ne sait ce dont sa voiture et la vôtre sont capables. On ne sait rien. On file dans la nuit comme si l’on courait sur un fil en travers d’un précipice. La route est le cercle de la mort, mais on n’y prête point d’attention. Filer, filer toujours plus vite pour gagner deux minutes, alors qu’on perdra deux heures au café ; filer pour se vanter d’avoir battu le record du voisin, filer pour griller celui qui vous précède avec un méchant tacot. Filer pour mille autres raisons aussi déraisonnables, voilà l’idéal d’aujourd’hui. Et l’on s’étonnerait que cette folie conduise directement à la catastrophe ! Rien n’est plus normal.

Revenons à la route et à la rue
Si la première est encore possible, la seconde ne l’est plus. Pourtant, on ne voit plus dans les grands journaux illustrés ces plans magnifiques de trottoirs aériens et de rues souterraines. Il semble que l’imagination se soit lassée à évoquer un avenir qui pourtant vient tous les jours. Mais non, chaque jour l’avenir devient du présent et peu à peu se réalisent les choses les plus invraisemblables. On passe insensiblement de l’imaginé au réel, des anticipations les plus saugrenues à leur réalisation.

Qui eût dit, voilà seulement vingt ans, qu’on fixerait dans les grands carrefours un agent à cheval pour diriger tant de voitures sans chevaux, que certaines rues ne pourraient être suivies dans les deux sens, qu’une sonnerie ouvrirait la voie et la refermerait, que des lampes clignoteraient incessamment jour et nuit pour barrer la rue aux voitures, que les chauffeurs se serviraient de leurs phares la nuit pour s’annoncer aux croisements de rues, que des milliers et des milliers de voitures consentiraient à s’arrêter cinquante fois de la Madeleine à la Bastille, que le fait pour les agents de coiffer un manchon blanc ou de passer un brassard de la même couleur ferait couler autant d’encre, que des parcs de stationnement seraient fixés en certains lieux et qu’il faudrait payer pour obéir à cela, qu’en certains autres points il serait permis de stationner trente minutes et qu’en d’antres ce serait impossible, qu’un seul agent pourrait commander la circulation de l’Opéra à Saint-Lazare sans se déplacer, en appuyant sur un bouton. Qui l’eût cru ?

Qui eût pensé aussi que sur les routes des plaques indicatrices, pourtant si soignées et si solides avec leurs lettres gravées, leurs flèches et leurs distance kilométriques deviendraient si vite ridicules et feraient place à de larges panneaux peints en hâte et d’une apparence provisoire, comme s’ils devaient eux-mêmes être remplacés par des panneaux électriques, ce qui viendra. Qui eût imaginé qu’un jour, et ce jour est venu, des postes de secours pour les victimes de la route attendraient le coup de téléphone qui leur signale un accident, que ce coup de téléphone on pourrait le donner de la route même.

Agent de la circulation. Carte humoristique

Agent de la circulation. Carte humoristique

Qui aussi eût osé penser alors qu’on défendrait les paysages contre les panneaux de publicité, qu’on parlerait de supprimer les arbres qui bordent les chemins pour éviter aux automobilistes la fantaisie de se casser contre eux la tête ; qu’ailleurs on leur peindrait un faux col blanc à ras de terre dans les tournants. Et n’eût-on pas haussé les épaules si on avait émis l’idée de la police de la route qui, elle aussi, voyage en autos dont on ne soupçonne pas la rapidité.

Tout cela pourtant se voit en France, et bien d’autres choses, et Paris n’a pas le monopole de la recherche. On en jugera par la photo ci-contre prise à Nantes, florissante cité maritime, qui a installé aux principaux carrefours de petites tours de bois rayées blanc et rouge, du haut desquelles les agents visibles de loin règlent le flot des autos. C’est là une innovation particulièrement intéressante et qui, il faut bien le dire, pourrait servir de leçon à Paris, dont l’agent monté ne manque peut-être pas d’allure, mais semble fort anachronique.

La circulation a l’étranger
Le fin mot de l’effort contre les inconvénients de la circulation engorgée semble être dit par l’étranger. La synchronisation lumineuse est depuis longtemps réalisée en Amérique, où d’autre part la signalisation sur route revêt une forme particulièrement suggestive. On a parlé de la tête de mort et des tibias en croix aux points dangereux. Il y a aussi autre chose : une voiture en morceaux exposée sur un socle en ces mêmes endroits est tout aussi convaincante ; à l’entrée des agglomérations, et là où se croisent les routes, la phrase : « 25 kilomètres à l’heure ou 25 dollars » frappe peut-être moins l’imagination, mais frapper le porte-monnaie est paraît-il aussi très efficace.

En Angleterre on suit ce mouvement : les signaux lumineux sont très employés à Londres et également synchronisés. Les Anglais utilisent aussi les inscriptions sur le sol des rues. Mais où ils affirment nettement leur supériorité, c’est dans la répression des folies de l’automobile. Une nouvelle brigade d’agents motocyclistes vient d’être fondée à Reading sur une route très fréquentée des Londoniens. Elle se déplace rapidement et sévit sans pitié contre les chauffards. Plusieurs autres quartiers sont pourvus de brigades semblables qui font une chasse impitoyable aux contrevenants.

A Berlin, les schupos ne sont pas moins sévères. Mais les Allemands, plus disciplinés que nous, ne semblent pas leur garder rancune. Il semble donc que de toutes parts le problème, de la crise circulatoire soit attaqué avec patience et ténacité. Mais il faudra beaucoup de temps, beaucoup d’argent, beaucoup d’efforts, et encore beaucoup de sacrifices humains devant le moloch du Progrès pour arriver à la solution, promet notre chroniqueur.

 
 
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