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Mort de Napoléon le 5 mai 1821. Maladie : cancer à l'estomac, hépatite, ulcère, empoisonnement à l'arsenic ?

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Événements marquants
Evénements ayant marqué le passé et la petite ou la grande Histoire de France. Faits marquants d’autrefois.
Mort de Napoléon à
Sainte-Hélène le 5 mai 1821 :
à quel mal a-t-il succombé ?
(D’après « Les morts mystérieuses de l’Histoire » (volume 2), paru en 1910)
Publié / Mis à jour le samedi 5 mai 2012, par Redaction
 
 
Temps de lecture estimé : 9 mn
 
 
 
A quel mal a succombé Napoléon, s’interroge au début du XXe siècle le célèbre docteur Augustin Cabanès, par ailleurs haute figure de l’histoire de la médecine ? Est-il mort d’un cancer, comme certains l’ont dit ; d’un ulcère gastrique, comme d’autres l’ont prétendu ; d’une affection du foie ; d’une néphrite ; d’une neurasthénie chronique ; car toutes ces hypothèses ont été tour à tour envisagées. N’a-t-on pas même fait courir le bruit qu’il avait été empoisonné ? Les historiens n’ont pas toujours pas tranché...

Et ne croyez pas que ce soient rumeurs vagues, propos en l’air, tels qu’il en circule au lendemain de la disparition, plus ou moins brusque, de ceux qui ont occupé la scène du monde et y ont tenu les premiers rôles : l’écho de ce bruit a été répercuté par les personnages les plus graves, qui l’ont enregistré, l’ont discuté, l’ont pris, pendant un temps, au sérieux.

Napoléon à Sainte-Hélène

Napoléon à Sainte-Hélène

Le général Lamarque raconte dans ses Souvenirs et mémoires (1835) qu’il a vu M. de Montholon, qu’il l’a interrogé à son retour de Sainte-Hélène. « On croyait généralement, ce sont ses propres termes, que Napoléon avait été empoisonné par le gouverneur de Sainte-Hélène, ce sir Hudson Lowe qui commandait à Caprée, lorsque je m’emparai de cette île... J’ai vu M. de Montholon ; selon lui, l’Empereur n’a pas été empoisonné, mais bien assassiné (sic) par les mauvais traitements des Anglais, par l’influence du climat de Sainte-Hélène et par les aliments qu’on lui fournissait... Aujourd’hui, il paraît certain que l’Empereur a succombé sous le poids des chagrins, des dégoûts, des vexations sans nombre et des privations de tout genre qu’on lui a fait supporter. »

Pour ce qui est de l’empoisonnement, c’est une hypothèse tellement fantaisiste que nous pourrions nous dispenser de l’examiner, affirme notre éminent médecin. A toutes les époques, on a cru qu’un grand homme ne pouvait mourir comme le vulgaire. A la mort de Richelieu, de Mazarin, de Louvois, de Mirabeau et nous pourrions poursuivre la litanie, on chuchota, on clama qu’un poison avait abrégé leur vie. Il fut une époque où ces tentatives criminelles étaient si répétées, que le vulgaire n’avait pas tout à fait tort d’avoir une pareille hantise.

Quand Napoléon mourut à Sainte-Hélène, on avait été imparfaitement renseigné en Europe sur la marche et le développement de la maladie qui l’avait conduit au tombeau ; aussi la nouvelle causa-t-elle tout d’abord une profonde stupéfaction. L’idée d’une mort violente devait venir à l’esprit de ceux, et ils sont légion, qui préfèrent, au théâtre de la vie, le dénouement le plus romanesque. Que ne colportait-on dans les carrefours de la capitale ? Le gouverneur de Sainte-Hélène avait eu, disait-on, avec l’empereur une algarade des plus vives ; il s’était emporté jusqu’à faire un geste menaçant ; aussitôt une rixe s’était produite, au cours de laquelle l’Empereur avait trouvé la mort.

On disait encore que, sous le prétexte d’une promenade, sir Hudson Lowe avait conduit son prisonnier au bord d’un abîme et l’y avait précipité. Ceux qui voulaient paraître mieux renseignés assuraient que l’empereur ayant franchi, par mégarde, les limites imposées à ses promenades, avait été fusillé par une sentinelle.

Le gouvernement anglais avait toujours mis une sorte d’affectation à laisser entendre que l’illustre prisonnier jouissait d’une santé parfaite. Lorsque était survenue la nouvelle de la mort de l’Empereur, on n’avait pu croire que celle-ci fût la terminaison naturelle d’une maladie dont l’évolution avait été plutôt lente. L’opinion de l’empoisonnement lut donc longtemps admise. Cette version comptait un grand nombre de partisans. Le général Gourgaud, en analysant un jour le vin destiné au proscrit, n’y avait-il pas découvert de la litharge ? L’attentat criminel était évident.

Mais il y avait d’autres apparences. Quand fut connu le procès-verbal d’autopsie dans toute sa teneur, un passage du document avait particulièrement frappé : il y était question d’ulcérations et de perforation de l’estomac ; de matières noires, semblables à du marc de café, contenues dans cet organe. En fallait-il davantage pour que le public attribuât à un empoisonnement ces érosions, qui simulaient si bien les symptômes d’une intoxication par une substance corrosive ?

Et si Napoléon lui-même avait précipité sa fin ? Ce n’était pas la première fois, au surplus, qu’il aurait tenté de se suicider. En 1814, à Fontainebleau, il avait déjà fait une tentative qui n’avait pas abouti. Un an plus tard, et l’épisode est moins connu, le 29 juillet 1815, le docteur Héreau conte qu’avant de quitter la Malmaison, l’Empereur avait remis à M... « un petit flacon long, plat, uni et soigneusement bouché, contenant environ deux cuillerées d’une liqueur jaunâtre, très limpide. Il lui ordonna de la placer dans quelque partie de ses vêtements d’un usage journalier et qu’il pût facilement atteindre. Après l’avoir placé dans un petit sachet en peau, celui-ci rattacha sous la patte qui boucle la bretelle du côté gauche.

« Les choses restèrent dans cet état jusqu’aux premiers jours du mois d’août ; le 2 ou le 3 de ce mois, dans la matinée, l’Empereur étant encore à bord du Bellérophon, et connaissant la résolution prise par le ministère anglais de le faire conduire à Sainte-Hélène, prévoyant dès lors, sans doute, le sort qui l’y attendait, parut avoir pris la résolution de s’y soustraire ». Cette fois encore, la Providence en décidera autrement. Désormais, la résolution de l’Empereur est prise : « quelque affreux que puisse être l’avenir qu’on lui prépare, il boira la coupe jusqu’à la lie ».

Sans nous attarder à rédiger une observation clinique, qui trouvera mieux sa place dans un travail plus étendu, il nous suffira de rappeler que, jusqu’en 1817, Napoléon n’avait souffert que d’incommodités qui n’avaient pas eu de suites graves. Au mois de septembre de cette année 1817, on constatait, chez l’impérial malade, de l’œdème du membre inférieur. Les médecins l’attribuèrent à l’hydropisie. Le 1er octobre (1817), Napoléon se plaint d’une douleur sourde et d’une pesanteur dans l’hypocondre droit, immédiatement au-dessous des cartilages costaux ; d’une sensation dans l’épaule droite, ressemblant plutôt à un engourdissement qu’à une souffrance véritable : il éprouvait comme un besoin d’appuyer ou de presser son côté contre un objet. A l’examen, le docteur O’Méara reconnaît que le côté droit est plus dur que le gauche ; qu’il y aune tuméfaction sensible à la vue et douloureuse à la pression : il se prononce pour une affection du foie. Le docteur Stokoe attribue également le dérangement de la santé de l’Empereur à une hépatite.

Force médicaments sont prescrits : fondants, désobstruants de toute espèce, sans oublier le calomel, qu’on eut beaucoup de peine à faire accepter à l’auguste patient. Celui-ci avait beau se débattre, arguer de son invincible répugnance pour toutes sortes de remèdes et plus spécialement pour le mercure, il finissait par se rendre à l’insistance des médecins. « Docteur, implorait-il, pas de drogues ; je vous l’ai dit bien des fois, nous sommes une machine à vivre, nous sommes organisés pour cela ; c’est notre nature. N’entravez pas la vie, laissez-la se défendre ; elle fera mieux que vos médicaments. »

Et, dans une autre circonstance : « Vos sales préparations ne sont bonnes à rien. La médecine est un recueil de prescriptions aveugles qui tuent le pauvre, réussissent quelquefois au riche et dont les résultats, pris en masse, sont bien plus funeste qu’utiles à l’humanité. Ne me parlez plus de ces belles choses ; je ne suis pas un homme à potions. » Il finissait par se résigner. Encore ces pilules, encore ce purgatif et puis ce cautère, et puis ce vésicatoire ; et des potions et des irrigations et des bains ! Les médicastres abusaient de leur toute-puissance. L’aigle aux fortes serres était sous le double joug d’une politique sans générosité et d’une médecine sans pitié.

Le 25 juillet 1818, un ordre du gouverneur de Sainte-Hélène, avait contraint O’Méara à quitter l’île, laissant Napoléon dans un assez triste état de santé. Le mal continuait ses progrès, les vertiges étaient plus fréquents, les élancements douloureux dans l’épaule presque continuels ; la faiblesse était devenue extrême. Seuls, les bains chauds prolongés soulageaient le malade. Celui-ci avait parfois recours à un moyen empirique qui lui procurait un soulagement passager : il se laissait couler sur un siège, saisissait sa cuisse gauche et la déchirait avec une sorte de volupté : les cicatrices d’anciennes blessures s’ouvraient, le sang jaillissait. « Ce sont mes crises, mes époques, disait-il à son médecin ébahi ; dès qu’elles arrivent, je suis sauvé. » Puis la plaie se fermait et s’étanchait d’elle-même.

Ce phénomène datait du siège de Toulon où, devons- nous le rappeler, l’officier d’artillerie Bonaparte avait contracté la gale, en saisissant le refouloir d’un canonnier qui en était atteint. L’éruption avait disparu, à la suite d’un traitement approprié ; mais elle avait été remplacée par une suppuration, plus ou moins abondante, de la blessure qu’il avait reçue dans cette même circonstance : un coup de baïonnette l’avait frappé au-dessus du genou. Cet écoulement périodique était comme un émonctoire, une fontaine salutaire ; tarissait-elle, les malaises réapparaissaient : « Vous le voyez, disait Napoléon, la nature en l’ait tous les Irais ; dès qu’il y a du trop plein, elle le rejette et l’équilibre se rétablit. »

Napoléon sur son Lit de mort presse sur son coeur la Croix de la Légion d'Honneur dont il a institué l'Ordre

Napoléon sur son Lit de mort presse
sur son cœur la Croix de la Légion d’Honneur
dont il a institué l’Ordre

Mais l’amélioration ne devait être que passagère : le 17 décembre 1819 (on était au 27e mois de la maladie), les symptômes graves reparaissaient : douleur vive dans la région du foie, insomnie, toux sèche, etc. On voit alors se succéder des alternatives de bien et de mal, jusqu’à ce qu’éclate une nouvelle crise. Un jour du mois d’août 1820, Napoléon resta couché sur son canapé, se plaignant de son coup de canif : c’est une douleur qu’il comparait à « l’incision que ferait un coup de canif, à une profondeur de deux pouces au-dessous du sein gauche ». Voilà le premier signe, bien nettement caractéristique, d’une lésion de l’estomac.

Un œil clairvoyant pouvait prévoir la suite : aux vomissements, d’abord glaireux, puis muqueux, aux matières filantes, pituiteuses, allaient bientôt succéder des matières noirâtres, mêlées à des substances alimentaires mal digérées et à du sang noir granulé et putride. Ces hématémèses annonçaient ou le cancer ou l’ulcère. De laquelle de ces deux maladies s’agissait-il ? s’interroge Cabanès

Consultons une pièce dont la lecture est de nature à nous éclairer ; feuilletons le « procès- verbal de l’ouverture de Napoléon », ou plutôt les procès-verbaux, celui des médecins anglais, le rapport remis par le Dr Antommarchi aux comtes Bertrand et Montholon trois jours après la mort de Napoléon, et le récit reproduit par le même dans ses Mémoires. Nous ne retiendrons que les particularités qui pourront nous servir à asseoir une opinion sur la nature du mal auquel a succombé l’Empereur. « L’Empereur, nous dit Antommarchi, avait considérablement maigri... il n’était pas en volume le quart de ce qu’il était auparavant. » Dans le procès-verbal d’autopsie rédigé par les chirurgiens anglais, ceux-ci font au contraire ressortir la polysarcie, c’est-à-dire l’embonpoint exagéré : « La couche de tissu cellulaire qui recouvrait la poitrine avait un pouce d’épaisseur ; celle de l’abdomen, un pouce et demi. »

Passons sur ces contradictions, sans grande importance d’ailleurs, enchaîne le docteur Cabanès. Le cœur était recouvert d’une couche de graisse, de même que l’épiploon. C’est ce qui expliquerait comment, de son vivant, on percevait à peine les battements cardiaques. La contractilité de son cœur était si peu prononcée que la main, appliquée sur la poitrine, ne ressentait qu’un léger frémissement vibratoire, nous révèle le Précis de l’Histoire sous Napoléon Ier de Barral. D’après l’aide-major Henry, le cœur de Napoléon était remarquablement petit. L’estomac parut d’abord n’avoir pas subi d’altération ; mais, en l’examinant avec soin, on découvrit, « sur la face antérieure, vers la petite courbure et à trois travers de doigt du pylore, un léger engorgement comme squirrheux ». La surface supérieure de l’estomac adhérait, sur une grande étendue, à la concavité du lobe gauche du foie.

En ouvrant l’estomac, le long de sa grande courbure, il fut reconnu « qu’une partie de sa capacité était remplie par une quantité considérable de matières consistantes et mêlées à beaucoup de glaires, très épaisses et d’une couleur analogue à celle du marc de café ; elles répandaient une odeur acre et infecte... Presque tout le reste de la surface interne de cet organe était occupé par un ulcère cancéreux, qui avait son centre à la partie supérieure, le long de la petite courbure de l’estomac ». Le foie, par son adhérence, fermait ce trou. La rate et le foie, durcis, étaient volumineux et gorgés de sang ; mais le tissu de ce dernier ne présentait aucune altération notable de structure.

« Le foie, qui était affecté d’hépatite chronique, était uni intimement, par sa face convexe, au diaphragme. » Cette phrase, extraite du rapport d’Antommarchi, nous paraît suffisamment significative. Le poumon gauche avait son lobe supérieur parsemé de tubercules et quelques petites excavations tuberculeuses. Il y avait un épanchement peu notable dans le péricarde, ainsi que dans la plèvre costale gauche. On constata une légère adhérence entre celle-ci et la plèvre viscérale du même côté.

Le procès-verbal des médecins anglais ne diffère pas sensiblement de celui d’Antommarchi, dont nous venons de donner l’essentiel. Par ce fragment, le lecteur jugera : « En examinant l’estomac, on s’aperçut que ce viscère était le siège d’une grande maladie : de fortes adhérences liaient toute la surface supérieure, surtout vers l’extrémité du pylore, jusqu’à la surface concave du lobe gauche du foie. En séparant, on découvrit qu’un ulcère pénétrait les enveloppes de l’estomac, à un pouce du pylore et qu’il était assez grand pour y passer le petit doigt. La surface intérieure de l’estomac, c’est-à-dire presque toute son étendue, représentait une masse d’affections cancéreuses ou de parties squirrheuses se changeant en cancer : c’est ce qu’on remarqua surtout près du pylore, etc. » (Le Figaro du 21 mars 1891 donnant le Rapport des médecins anglais)

Les documents sont suffisants pour nous autoriser à conclure, explique Augustin Cabanès : pour nous, il ne paraît pas douteux que le prisonnier de Sainte-Hélène a succombé à un cancer de l’estomac, et non à une « affection gastrique bénigne, d’origine neurasthénique, ayant provoqué à la longue un ulcère perforé de l’estomac », comme l’a pensé un de nos confrères. Qu’il y ait eu ou non prédisposition héréditaire, il importe peu de le rechercher, aujourd’hui surtout où la doctrine de l’hérédité cancéreuse est si fortement battue en brèche, ajoute-t-il encore. Napoléon avait, de très bonne heure, présenté des troubles gastriques ; passée à l’état chronique, cette inflammation, de l’estomac, a-t-elle pu être activée par les causes morales, le régime, le traitement qui lui ont été infligés ? A coup sur, si elles n’ont pas créé la lésion, toutes ces influences combinées ont dû contribuer à l’entretenir, à la développer.

Napoléon à Sainte-Hélène

Napoléon à Sainte-Hélène

Qu’on juge quel bouleversement dut s’opérer dans l’organisme de cet homme, habitué à commander et qui se voyait forcé d’obéir, lorsqu’on s’avisa de compter ses pas, de peser ses aliments, de mesurer son atmosphère ; à lui, qui ne pouvait respirer à l’aise dans l’Europe, cette petite et misérable taupinière ! Le climat était malsain, le captif en a certainement souffert. Les affections du foie étaient endémiques à Sainte-Hélène : à l’autopsie, on a trouvé cet organe très congestionné – A la pluralité des voix, le foie fut déclaré sain ; mais il ne faut pas oublier que Hudson Lowe avait donné des instructions aux médecins anglais, qui devaient éviter de trop insister sur une maladie imputable au climat de Sainte-Hélène. Il n’est pas douteux que Napoléon ait été affecté d’hépatite, affirme le docteur Cabanès. Ainsi s’expliquent les douleurs qu’il a éprouvées, à maintes reprises, dans cette région, le teint subictérique, les irradiations dans l’épaule droite, etc.

Comme nous en causions un jour avec le professeur Gilbert, si versé dans l’étude des maladies du foie, poursuit notre médecin, il voulut bien nous faire connaître en ces termes son sentiment : « Napoléon, nous dit cet éminent maître, est un exemple, fameux entre tous, de cholémique. Fils d’une mère lithiasique, Napoléon Ier avait, étant officier d’artillerie ou premier Consul, ce teint bilieux spécial, sur lequel vous appelez mon attention ; les témoins de son arrivée à Sainte-Hélène signalent de même son teint olivâtre.

« On retrouvait, de plus, chez lui, la plupart des symptômes que nous plaçons sous la dépendance de la cholémie familiale : c’est ainsi qu’il eut, entre vingt et trente ans, de profonds accès d’hypocondrie ; il était, à certains moments, en proie à des crises dyspeptiques violentes ; il avait du prurit, et le diagnostic de gale pourrait bien avoir été erroné ; il était sujet aux somnolences ; enfin, sa brachycardie (pouls lent permanent) trouverait ainsi une explication assez naturelle. Sans entrer dans la discussion de la maladie qui l’emporta, sans insister sur divers arguments que nous pourrions tirer de la santé de ses frères, ou de leurs descendants, nous croyons avoir suffisamment justifié le diagnostic rétrospectif de cholémie simple familiale. »

Revenant au sujet, Cabanès explique qu’on a pu être frappé, dans la relation sommaire donnée de l’examen post mortem, d’une particularité qui ne lui avait pas échappé, lorsqu’il avait étudié les causes de la mort du duc de Reichstadt : l’Aiglon, fils d’une mère lymphatique et d’un père tuberculeux, était fatalement voué à la bacillose. Pourquoi la tuberculose n’évolua-t-elle pas chez Napoléon ? C’est que le terrain ne se prêtait pas à la germination. Comme nous le disait un jour le professeur Poncet, à qui nous soumettions nos doutes, Napoléon était un type d’arthritique tuberculeux, comme l’ont été Scarron, Calvin, Couthon, et tant d’autres dont le dossier pathologique serait à réviser.

Une dernière question nous a été posée, écrit enfin le docteur Cabanès : pouvait-on guérir l’Empereur ? S’il eût vécu de notre temps, aurait-on réussi à prolonger ses jours ? Il est hors de doute que la thérapeutique dont on usa était, selon l’expression très juste du docteur Hereau, « affreusement incendiaire ». C’était la médecine, anglaise ou italienne, de l’époque, « dans tout le luxe de leur impitoyable droguerie, de la polypharmacie la plus rebutante ». Les médecins ont-ils, par ce moyen, prolongé son agonie ? Il ne semble pas que la marche du mal en ait été ni activée ni retardée.

Dans l’état actuel de nos connaissances, conclut notre éminent médecin, qui s’exprimait au début du XXe siècle, qu’aurait-on fait de plus, ou de moins ? Les uns, les pusillanimes, auraient conseillé l’expectation, tout au plus un traitement palliatif ; les autres, les audacieux, auraient peut-être réclamé une intervention chirurgicale, auraient demandé de procéder à l’extirpation de l’organe ulcéré. Mais cette intervention, à moins qu’elle n’eût été précoce, et alors la diagnose était trop incertaine, n’aurait sans doute réussi qu’à précipiter le dénouement.

 
 
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