Le « politicien », saprophyte fleurissant dans les démocraties. Éditorial du 8 septembre 2006 paru dans le N° 20 de La France pittoresque (octobre/novembre/décembre 2006)

La III^e République n’avait pas encore soufflé ses vingt ans que le financier Paul Laffitte en dénonçait les lacunes dans un ouvrage intitulé Le suffrage universel et le régime parlementaire, y brossant le portrait de l’homme politique idéal, qui « aura commencé par recevoir une éducation libérale ; ensuite, voulant connaître les lois de son pays, il aura pris ses degrés dans une école de droit ; il se sera mis au courant des questions économiques et financières ; il aura fait de l’histoire une étude approfondie ; il aura vécu dans un commerce prolongé avec tous les penseurs qui ont traité des grands intérêts sociaux ; il aura voyagé chez différents peuples, comparant les mœurs et les institutions ; enfin, il aura fait un stage dans quelque administration, comme le futur notaire dans une étude ou le futur médecin dans un hôpital : alors, possédant toutes les connaissances qui peuvent lui être utiles, il viendra solliciter les suffrages de ses concitoyens ».

N° 20 de La France pittoresque (octobre/novembre/décembre 2006)

Lui était opposé celui, moins flatteur, du politicien, qui « entre dans la carrière avec un bagage léger, semblable au coureur antique qui se dépouillait de tout poids inutile. Il n’a pas besoin d’études, car sa seule étude est de plaire à la majorité ; il n’a pas besoin de principes, car son seul principe est que la moitié plus un a toujours raison. Il ne sait pas, il est vrai, l’art de conduire la foule ; mais il sait l’art, autrement difficile, de lui être toujours agréable. César rapporte un joli mot d’un chef gaulois : La multitude a autant de pouvoir sur moi, que moi sur elle. Ce Gaulois était un politicien ».

Les républiques de l’antiquité souffrirent comme nous de l’influence du politicien, ce « phénomène naturel » qui « pousse dans les démocraties comme un champignon parasite. Ce qui est peut-être le propre de notre temps et de notre pays, c’est que la classe des politiciens y est organisée. Elle a sa hiérarchie, sa discipline, ses cadres ».

Nonobstant les coups de semonce électoraux, ces matois farauds, animés par leur quête effrénée d’une popularité devenue objet de surenchère, se flattent aujourd’hui d’être les chantres d’un « renouveau », courtisant le monde du spectacle et feignant l’altruisme. Indécente braderie aiguisant l’ostentatoire appétit de mille et un soupirants mis en scène par de puissants et concupiscents media, l’échéance présidentielle prochaine accouchera-t-elle d’un rejeton sans étoffe appartenant à cette redoutable faction ?...

Valéry VIGAN Directeur de la publication La France pittoresque