« Panem et circenses », scandait Juvénal. Éditorial du 5 juin 2002 paru dans le N° 3 de La France pittoresque (juillet/août/septembre 2002)

Si Horace et Juvénal cultivaient en leur temps l’art de la satire, s’exerçant avec délice à croquer âprement les vices des hommes, ils auraient assurément trouvé matière à deviser sur les tribulations politico-médiatiques d’une société contemporaine un brin déliquescente. Panem et circenses scandait Juvénal, observant, non sans une pointe de cynisme, le triste spectacle d’un peuple romain n’aspirant plus qu’à une chose : du pain et les jeux du cirque. Plus proche de nous, la presse du XIXe siècle reconnaissait en cette formule antique le fond de toute politique, l’art de gouverner les peuples consistant à prévenir leur ennui pour s’en assurer l’aveugle et entier plébiscite...

N° 3 de La France pittoresque (juillet/août/septembre 2002)

Aujourd’hui, faut-il voir en nos medias modernes se faisant sempiternellement le chantre de quelques sommités du monde artistique, politique et sportif, ces quidams érigés en vedettes dont l’existence n’est pas toujours méritoire, les instruments complaisants d’une inexorable décadence ? Que penser d’une télévision prêchant la morale à « ses ouailles » lors d’un printemps électoral, et qui pour toute réponse à la légendaire pauvreté de l’actualité estivale dont on ne saurait la blâmer, les gratifie quelques semaines plus tard d’une vague déferlante d’émissions illustrant s’il en était encore besoin l’affligeant manque de créativité, de probité, d’identité dont souffre notre société ? L’art de dompter voire d’asservir la population emprunterait-il désormais la voie royale des autoroutes de l’information ? Il y a là matière à méditer : une activité de saison, entre deux séances de farniente !

La connaissance du passé étant riche d’enseignement quant à la compréhension des mécanismes régissant le fonctionnement du monde contemporain, La France pittoresque soumet à votre sagacité quelques articles ayant trait à des décisions politiques ou événements ayant marqué l’Histoire de notre pays. Ainsi de la volonté des Anglais de fermer l’entrée du tunnel sous la Manche percée à Sangatte en 1882 ; d’une République née dans le sang, à telle enseigne que la Révolution n’épargnera pas même le jeune Louis XVII, l’un des nombreux exutoires d’une Révolution devenue folle ; du projet d’impôt idéal sur les chats ou les cosmétiques pour renflouer les caisses de l’État ; de l’avènement en France des glaces aux fruits en 1660, et du plaisir de boire glacé ne s’apparentant plus à une coquetterie de sybarite ; de la témérité du roi Henri IV qui, contre l’avis de Sully, développe l’industrie de la soie ; du vaisseau-bombe lancé sur Saint-Malo en 1693 dans le dessein d’anéantir la ville.

Ce numéro de La France pittoresque tranche une fois encore avec la façon dont l’Histoire est abordée dans nos écoles : les responsables de l’Education Nationale ne gagneraient-ils pas à s’en inspirer, afin d’étancher intelligemment la soif de connaissances de nos enfants ? Dès lors, peut-être ceux-ci ne s’ennuieraient-ils point devant une émission instructive d’Histoire en « prime time », un certain jour du XXIe siècle... En cet été 2002, puisse ce magazine ne pas vous laisser de glace et vous divertir !

Valéry VIGAN
Directeur de la publication
La France pittoresque