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Il n'y a pas de si petit métier qui ne nourrisse son maître. Origine, signification proverbe, expression populaire. Dictionnaire locutions

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Expressions, Proverbes
Proverbes et expressions populaires d’usage courant : origine, signification d’expressions proverbiales de la langue française
Il n’y a pas de si petit métier
qui ne nourrisse son maître
Publié / Mis à jour le vendredi 28 février 2020, par Redaction
 
 
Temps de lecture estimé : 3 mn
 
 
 
Pour peu qu’on travaille, on gagne de quoi vivre

Ce qui a donné lieu à cet adage est l’anecdote suivante. Un administrateur de la Compagnie des Indes reçut, un jour, une lettre de change de 20 000 livres à vue, tirée sur un marchand de menu bois, rue Sainte-Apolline à Paris. On prit la chose pour une vraie plaisanterie.

Cependant, au risque d’être attrapé, on se décide à présenter l’effet. On va dans une petite rue sale, étroite et sombre ; on entre dans une allée obscure, et au fond se présente un très joli jardin et un petit pavillon arrangé dans le dernier goût. Le marchand paraît en robe de soie, et en bonnet de velours noir, brodé en or. Il paie sur le champ les 20 000 livres, y joint le régal d’un jambon de Bayonne, de deux saucissons de Boulogne et d’un flacon de champagne mousseux.

Marchand de parapluies. Chromolithographie du XIXe siècle
Marchand de parapluies. Chromolithographie du XIXe siècle

Le caissier, étonné de la générosité d’un homme dont son principal s’était tant moqué, et épris de la gentillesse dont il accompagnait tout ce qu’il lui offrait, ne put s’empêcher de lui dire combien il était méconnu parmi les marchands, et que lui-même avait cru faire une corvée, en s’adressant à un marchand d’allumettes, pour toucher sur lui un effet de 20 000 livres. « Monsieur, lui répondit le marchand, voici ma devise. Il n’y a si petit métier qui ne nourrisse son maître. Jugez vous- même si elle est fondée. J’ai commencé avec rien, et aujourd’hui je ne puis suffire aux commandes qui m’arrivent de l’Espagne, des Indes et de la plupart des colonies anglaises et hollandaises. »

Le caissier retourna à son comptoir, tout enchanté de la découverte qu’il avait faite, et raconta de point en aiguille tout ce qu’il avait vu chez le marchand d’allumettes, sans oublier sa devise. Cette aventure, qui se déroula sous le règne de Louis XV vers 1745, passa bientôt de bouche en bouche, et finit par devenir un apophtegme, que l’expérience confirme journellement.

Il est intéressant de rapporter ici une anecdote du même genre, arrivée à un frère capucin, faisant sa quête dans le Vermandois. Un fermier de la comtesse des Armoises, trop avancé en âge pour pouvoir administrer sa ferme, la remit à son fils aîné et se retira aux Armoises, assez beau village dans le département de la Marne, pour y vivre de ses épargnes, La maison qu’il y acheta avait fort peu d’apparence, et semblait annoncer plutôt la pauvreté que l’aisance.

Notre capucin faisant sa ronde, arrive à la maison du fermier, et au moment d’ouvrir la porte, entend le maître de la maison gronder sa servante à cause d’une allumette qu’elle avait jetée au feu, quoiqu’elle eût pu s’en servir encore une fois. Le frère quêteur, persuadé qu’un homme qui faisait tant de bruit pour une allumette, ne serait rien moins que charitable, rebroussa chemin et tourna ses pas vers la maison voisine.

Le fermier l’aperçut, et s’imaginant avoir été oublié, l’appela par sa fenêtre et lui donna plus qu’aucun des villageois. « Pourquoi aviez-vous donc passé ma maison, lui demanda- t-il, d’un air de bonté ? » Le capucin lui en dit naïvement la raison : « Mon frère, reprit le fermier, si je n’avais pas l’œil partout et sur les plus petites choses, je ne pourrais avoir le plaisir de venir au secours de braves gens comme vous. Ne m’oubliez plus une autre fois et souvenez-vous que quel que soit l’état que l’on fasse, il n’y a pas de si petit métier qui ne nourrisse son maître. »

Chez les Latins, Néron affirmait qu’un artiste pouvait vivre partout, lorsqu’on lui reprochait de se livrer à l’étude du chant, comme à un art indigne de son rang. Ils ajoutaient aussi : Sua cuique ars pro viatico est, ce qui signifie : A chacun son talent est une ressource en voyage. Erasme qui cite ce proverbe ajoute : Honestissimum sane viaticum, modo ars sit honesta, ce qui veut dire : L’art, pourvu qu’il soit honnête est une provision de route très honorable.

L’histoire ancienne nous a laissé quelques exemples qui viennent à l’appui de ce proverbe. Que fit le tyran Denys, chassé de Syracuse, pour se préserver de la misère ? Il se réfugia à Corinthe où il ouvrit une école qui le fit vivre. Et l’athénien Cléanthe qui fut plus tard un philosophe si distingué, mais qui était en proie à une extrême pauvreté ? Voici, du reste, son histoire : « Le goût de la science s’étant éveillé en lui, il pria le philosophe Zénon de l’admettre dans son école où il passa toutes ses journées à l’entendre. Mais, la nourriture de l’esprit ne suffisait pas aux besoins du corps, et comme il fallait vivre et qu’il ne voulait rien retrancher du temps qu’il donnait à l’étude, il se loua, la nuit à un jardinier pour lequel il puisait de l’eau ainsi qu’à une boulangère chez laquelle il pétrissait le pain. Malgré ces fatigues du jour et de la nuit et la modicité de ses salaires, Cléanthe devint robuste et prit même de l’embonpoint.

Marchand de paillassons. Chromolithographie du XIXe siècle
Marchand de paillassons. Chromolithographie du XIXe siècle

« La loi athénienne ordonnait à tous les citoyens d’exercer un état. Comme on voyait cet homme que l’on savait pauvre, n’en exercer aucun et avoir cependant la mine d’un homme qui ne meurt pas de faim, on en conclut qu’il se procurait de l’argent par des moyens illicites et on le cita à comparaître en justice. Il produisit comme témoins de son genre de vie le jardinier et la boulangère. Non seulement on le renvoya des poursuites, mais on voulut lui donner une somme d’argent qu’il refusa. »

Pendant l’émigration, en 1793, que de membres de la noblesse française furent réduits à l’étranger à vivre du travail de leurs mains. Louis-Philippe, qui régna en France de 1830 à 1848 vécut en Suisse en donnant des leçons de mathématiques. Un proverbe arabe ou persan dit : « Qu’un cordonnier en courant le monde peut toujours écarter de lui la misère, mais qu’un roi, hors de son royaume, peut se voir exposé à mourir de faim. »

De ces deux exemples ne doit-on pas conclure qu’un des premiers devoirs des parents est de donner un état ou de l’instruction à leurs enfants ? C’est assurer pour ceux-ci le strict nécessaire de la vie et se dégager pour eux-mêmes d’une responsabilité qu’ils ont contractée envers l’humanité.

 
 
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