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Histoire du costume, costumes anciens : coiffure à la Titus. Eloge chevelure par coiffeur en 1810

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Mode, Costumes
Variations des costumes depuis les Gaulois jusqu’au XIXe siècle. Histoire du costume, vêtement, coiffures, chaussures. Mode vestimentaire
Coiffure à la Titus (Éloge de la)
par un coiffeur en 1810
(D’après « Recueil curieux de pièces originales rares ou inédites
en prose et en vers sur le costume et les révolutions
de la mode en France », paru en 1852)
Publié / Mis à jour le lundi 5 janvier 2015, par Redaction
 
 
Temps de lecture estimé : 7 mn
 
 
 
En 1810, un coiffeur s’avise de dresser l’éloge de la coiffure à la Titus, très en vogue sous la Révolution, le Directoire et l’Empire, et consistant en des cheveux courts et bouclés, de même longueur devant et derrière et à l’image de la chevelure arborée par l’empereur Titus sur les statues antiques. Au nombre des avantages recensés d’une « coiffure par excellence » que seuls les diamants sauraient ternir, celui de couvrir un front peu gracieux ou de conférer de l’expression à la physionomie par le jeu de boucles flottantes...

Pour offrir dignement au monde entier l’éloge de la plus jolie, de la plus agréable, de la plus galante de toutes les coiffures qui aient paru depuis que le monde existe, il serait bon d’abord de faire une invocation ; mais à qui l’adresserai-je, écrit le coiffeur J.-N. Palette ?... Sera-ce à Apollon ? Il ne s’est jamais occupé de la coiffure des Déesses. Dois-je l’adresser aux Muses ? Ces vierges savantes pourraient m’être utiles ; mais, puis-je me flatter d’avoir jamais aucun commerce avec elles ?

Mme Arnault de Gorse avec une coiffure à la Titus. Peinture de Louis-Leopold Boilly

Mme Arnault de Gorse avec une coiffure
à la Titus. Peinture de Louis-Leopold Boilly

J’adresse donc ma prière à Momus : O toi, Momus ! Dieu du goût et de l’enjouement, père de la gaieté qui inspira tant d’hommes illustres, je voudrais te donner un million de qualités, car j’ai le plus grand besoin de ton secours. Prends pitié de mes faibles moyens, sois content du peu d’encens que je puis t’offrir ; en échange inspire-moi, répands sur mon ouvrage cette gaieté douce, aimable, décente et surtout persuasive ; ajoute, par munificence, un grain de ce sel attique dont tu es si avare, dit-on, pour notre pauvre siècle ; songe que j’écris sur un objet très délicat, très important, et principalement pour cette moitié du monde qui voit l’autre à ses genoux ; dicte-moi mot à mot ; prends garde surtout qu’il ne s’en rencontre un seul qui choque leur doux tympan.

Après cette courte prière, j’entre en matière, non pour justifier nos dames, mais leur coiffure favorite et qui, à juste titre, mérite cette préférence, du moins comme habituelle, et pour le plus grand nombre ; car combien de personnes n’ont pas l’avantage d’avoir, pour ainsi dire, la figure encadrée par la plantation des cheveux ! Combien ont le front large et les tempes trop découvertes ! La Titus couvre agréablement ces défauts. Combien d’autres encore, n’ont ni les traits fins et réguliers, ni certains jeux de physionomie que la Titus donne à celles qui en sont dépourvues ! Combien de personnes, enfin, ont le malheur d’être nées avec des traits défectueux ou ravagés par la petite vérole, et qui deviennent très supportables par la Titus ? Pour beaucoup , elle arrête le temps, et fait croire qu’il s’est trompé.

La Titus a tous ces avantages ; ce qui le prouve, c’est sa durée ; les dames se trompent rarement sur ce qui leur est avantageux : quant à moi, j’ose prophétiser que jamais elle ne disparaîtra entièrement. Cependant, il faut en convenir, la Titus n’est pas une coiffure noble, imposante, ni de représentation, mais c’est la plus aimable : elle est celle de tous les jours, car les dames aiment mieux plaire qu’être admirées. Plaire, est le désir perpétuel des personnes du sexe, et la coiffure à la Titus est un moyen utile, pour ne pas dire indispensable, à la majorité.

L’exception n’est que pour les jeunes personnes à qui elle donne l’air femme avant le temps. Toute espèce de frisure sur le front et en avant sur les tempes produit le même effet. Cette exception s’étend encore aux figures très fraîches, qui ont les traits fins, délicats, et la physionomie pleine d’expression. De plus, il faut que la plantation des cheveux autour du visage soit exacte ; c’est-à-dîre, qu’elle prenne depuis l’os saillant, un doigt en avant de l’oreille ; qu’elle décrive un quart de cercle, en montant au-dessus du sourcil ; que là elle forme une pointe angulaire, bien nourrie de cheveux, en s’éclaircissant graduellement sur l’extrême bordure du front ; que l’autre côté soit parallèle ; alors on a quatre pointes, dont deux grandes.

Le milieu du front doit dessiner trois ou quatre extrémités d’angles, les côtés s’arrondir en quart de cercle renversé ; le goût fait l’appréciation de ce genre de beauté, sans penser même à l’analyser. La largeur du front est indéterminée ; elle doit être proportionnée à l’ensemble de la figure : c’est encore au goût à décider. Quant à l’expression, il n’y a point de règle pour l’apprécier ; l’extrême froideur et le défaut opposé ont besoin de la Titus pour être tempérés. M. Fontenelle fait la peinture d’un visage qui semble devoir plaire à beaucoup de personnes. Il dit :

Qu’on me trouve un visage
Dont la beauté soit vive, et dont l’air vif soit sage,
Où règne une douceur dont on soit attiré,
Qui ne promette rien, et qui pourtant engage ;
Qu’on me le trouve, et j’aimerai !

Une figure parfaite n’a donc pas besoin de la Titus ; ce serait même une profanation de couvrir un beau front, de belles tempes et des sourcils parfaits : les anciens nous ont appris à respecter ces genres de beauté. Mais où les trouvaient-ils réunis ? On citera tels ou tels peintres et sculpteurs qui ont employé vingt modèles pour en faire un. Ainsi, j’en reviens à mon texte : la Titus est la coiffure par excellence. Cette assertion est si vraie, que toutes les coiffures qui ont le mieux réussi dans tous les temps, sont celles qui avaient quelque analogie avec la Titus. Depuis qu’il existe des ciseaux, a-t-on conservé des cheveux longs autour du visage ?

Titus

Titus

On peut voir, sur les portraits conservés de la plus haute antiquité, qu’il n’y a que dans les siècles d’ignorance et de barbarie ; encore cherchait-on à dissimuler leur longueur, en les roulant sur des bandelettes. La première coiffure a été inventée, comme le premier vêlement, par la nécessité. En effet, quoi de moins gracieux et de plus embarrassant qu’une longue chevelure flottante ? Elle couvre sans agrément le col, les épaules, la taille et d’autres charmes encore ; elle gêne les mouvements, et par là ôte la grâce. Il ne faut qu’avoir vu de la Mort d’Adam, pour apprécier le prétendu avantage des cheveux longs. La longue chevelure sied bien à la Madeleine pénitente ; mais enfin nos dames veulent-elles être des pénitentes ? La longue chevelure convient encore pour exprimer un mouvement de désespoir ; alors on attendra, pour se désespérer, que les cheveux soient assez longs pour faire un beau désespoir. Enfin, lorsque les cheveux sont longs, on les natte, on les roule sur leurs pivots ; par là on réduit la tête à peu près comme si elle était à la Titus.

Pour donner à cette coiffure des effets pittoresques, il faut friser les bouts de nattes, ou avoir recours à de fausses boucles que l’on fait tomber à flots ; n’est-ce pas, par devant, une ressemblance de la Titus ? Presque toujours on a, autour de la figure, des cheveux courts et bouclés, des touffes plus ou moins larges ; ne sont-ce pas autant d’extraits de la Titus ? Puisque l’on a tant tourné avant de trouver cette délicieuse coiffure, pourquoi ne serait-elle pas considérée comme la plus agréable ? Elle remplit le principal but : elle rend jolie ; alors, qu’a-t-on besoin de conserver péniblement une longue et gênante chevelure qu’on peut se procurer, lorsqu’on le désire ?

Les postiches sont des ressources pour les jours de représentation. Il y a peu de personnes qui n’aient besoin, plus ou moins, de cheveux postiches ; ainsi qu’importe que toute la coiffure en soit faite, ou qu’il n’y en ait qu’une partie ? Est-il plus nécessaire que la coiffure tienne à la tête, que la robe au corps ? Va-t-on demander à une dame coiffée, si ses cheveux tiennent à sa tête par la nature ou par un effet de l’art ? Une Titus bien coupée fournit les moyens de rendre l’illusion complète (c’est pourquoi les dames ne doivent confier leurs cheveux à couper, qu’à leurs coiffeurs habituels, ou au moins à un coiffeur de femmes) ; mais en parlant de Titus, on n’entend point parler de têtes rasées, qui ressembleraient, en effet, aux roses effeuillées. Je ne veux pas dire, non plus, que les dames aient les cheveux coupés comme ceux des hommes, mais une Titus massée, qui forme des ondes que l’air puisse agiter ; des boucles flottantes auxquelles le moindre mouvement donne du jeu : voilà ce qui donne de l’expression à la physionomie, ce qui semble animer la figure la plus froide ; un arrangement désordonné où l’art se cache : il couvre un défaut et laisse voir ce qui est avantageux ; c’est alors qu’on peut dire qu’une femme à la Titus est une rose épanouie.

Dans ces masses inclinées en différons sens, les effets de la lumière et de l’air sont vraiment merveilleux et pittoresques ; le poète, avec raison, peut dire :

Zéphir, ton souffle amoureux
Se joue arec ses cheveux.

Pourrait-on en dire autant des cheveux longs, nattés et entassés en tourbillons, que les dames de Calais nomment un paillasson, d’autres un nid de pie, etc. ? On ne le dirait pas non plus de ces masses de cheveux lisses, ramassés en rond, qui forment une seconde tête. Si Dorat avait vu la Titus, l’aurait-il mieux peinte que dans ces quatre vers !

Et cette belle chevelure
Qui se joue en mille replis,
Et n’a pas besoin de rubis
Pour devenir une parure.

Quelle coiffure, en effet, a moins besoin d’ornements ? On peut dire même qu’ils sont incompatibles ; le jeu des boucles remplace celui des plumes, les reflets de lumière jettent les feux de l’inutile diamant. Quelles fleurs peut-on employer, sans déranger la fugitive ordonnance de la Titus ? Aux coiffures à cheveux longs il faut des fleurs, des perles ou des diamants qui éblouissent et font distraction à une observation trop exacte. Quelle est donc cette coiffure que les diamants seuls peuvent rivaliser ? C’est la Titus ; la Titus, que les artistes, peintres et sculpteurs anciens ne connaissaient pas, et cependant indiquaient dans leurs chefs-d’œuvre. Les Phidias et les Praxitèle introduisaient, pour ainsi dire, de l’air dans le marbre : les cheveux sont soulevés, dispersés, ondulés. Et qui rend mieux ces effets que la Titus ?

La prétendue coiffure Grecque, que l’on fait depuis huit ans, est loin de cette grâce, de cet abandon, que l’on trouve chez les antiques. Nos coiffures dites Grecques, que nous voyons tous les jours, sont serrées, entassées ; on voit qu’on y a mis plus de force que de goût. Qu’un peintre, qu’un sculpteur les copie exactement telles qu’on les fait, il sera impossible à nos derniers neveux de distinguer les cheveux. La Titus des dames est bien plus pittoresque. Quels avantages innombrables ! Elle débarrasse d’un superflu incommode, donne à la tête une forme agréable et dans l’ordre infiniment plus naturelle que cette éminence qu’on appelle chou (lisse ou naté).

Les défauts du front, des tempes et de la figure, sont couverts ou tempérés par la Titus : elle a les mêmes effets sur toute la tête et le col. Si on adopte les systèmes de physionomie, de cranologie, les protubérances et concavités sont couvertes par des flots de boucles ; elles forment des ondes semblables à celles de nos moissons, lorsque Zéphir les agite ; voit-on alors si la plaine est unie ou raboteuse ? A-t-on le col creux et la plantation trop basse, on prolonge la coiffure en frisure jusque sur la fossette , et les imperfections disparaissent.

Coiffure en porc-épice (à la Titus). Gravure du Journal des Dames et des Modes (1798)

Coiffure en porc-épic (à la Titus). Gravure du
Journal des Dames et des Modes (1798)

Quelle autre coiffure à la mode, dont les avantages soient si éminents ? Elle mérite la préférence. Ce qui est inconcevable, c’est de voir l’art de la coiffure s’appauvrir tous les jours. Cependant les modèles ne manquent point ; chaque année la France s’en enrichit de nouveaux. Peut-être, un jour, il apparaîtra un homme (peut-être existe-t-il déjà), qui, placé sous un jour plus avantageux, fera sentir à notre art sa bénigne influence ; nous verrons les dames coiffées ; enfin nous verrons, pour la coiffure, revenir le siècle de Périclès. C’est ce que je désire pour la plus grande gloire de notre art !

En attendant, la coiffure à la Titus doit être préférée : elle donne, augmente, centuple la beauté ; elle tient lieu de beaucoup d*autres charmes ; elle est tout pour les dames : c’est un présent des cieux ; c’est un trésor qu’elles ne peuvent trop apprécier. Heureuse qui, la première, a su la rencontrer ! On lui doit le bonheur philosophique de s’enrichir en se dépouillant. La Titus tient tout son mérite d’elle-même ; à elle seule, elle vaut toute sorte d’ornements : fleurs, plumes, or, draperies, perles et même les diamants ! Ce qui est plus encore , on doit à la Titus l’inappréciable don de la nature : la beauté !...

Je dois à mes Confrères une sorte de justification. Ils pourraient m’accuser d’avoir voulu tenter d’anéantir notre profession, disons mieux, notre art : je leur répondrai que cela ne peut jamais arriver, parce que ce sont les dames qui nous emploient, et que chez elles (que ceci ne soit pas pris en mauvaise part), chez elles la variété est absolument essentielle : le beau, le bon goût succède au mauvais qui fait bientôt place à un autre meilleur. Les modes ont toujours varié, et elles changeront toujours. Les plus jolies reviennent le plus souvent. Par conséquent, mes très chers Confrères, n’ayez aucune inquiétude : vos talents feront qu’on reviendra toujours à vous.

Je vous suivrai de loin sans doute. J’ai déjà copié deux cents de vos modèles, j’en cherche aussi dans les Muséum, dans les Bibliothèques : je serai peut-être assez heureux, un jour, pour vous rendre ce que je vous ai emprunté. Cependant croyez que la Titus ne nous amène pas le siècle de Fer : s’il n’est pas pour nous le siècle d’Or, il est au moins celui d’Argent. La Titus demande plus d’entretien que la longue chevelure. Qu’une femme de chambre natte et tourne à peu près, on s’en contente ; et elle ne peut tailler les cheveux à la Titus. Ensuite, pour les grandes parures, il faut des cheveux postiches, moins faciles à employer. Vous êtes donc indispensables, et même pour la Titus. Ne pouvez-vous pas dire aux dames, que c’est la coiffure des personnes riches, qu’elle exige du soin ? Dites-leur enfin :

N’abandonnez point au hasard
Tout le soin de votre parure ;
La nature seconde l’art,
Et l’art embellit la nature,
L’esprit, les champs et la beauté,
Ont toujours besoin de culture ;
Junon perd de sa majesté,
Quand elle montre à nu ses charmes ;
Minerve, à l’éclat de ses armes,
Doit un peu de sa dignité ;
Vénus plairait moins sans ceinture ;
L’Amour ajuste son bandeau,
Et les Grâces, sous un réseau,
Tressent leurs blondes chevelures.

J’accumulerais bien les citations (il est si commode de trouver de l’esprit tout fait !), mais je vous renvoie à la critique des Titus. Quant à mes intentions, elles sont bonnes, n’en doutez pas : mes intérêts et les vôtres sont les mêmes ; comme vous je vis du peigne, puisqu’enfin je suis votre confrère.

 
 
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