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Histoire de brigands au XVIe siècle. Attaque convoyeurs de fonds du receveur de Tonnerre. Vol en bande organisée en 1583

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Anecdotes insolites
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Convoyeurs de fonds (Attaque de)
par des brigands en 1583
(D’après « Bulletin de la Société d’études d’Avallon », paru en 1859)
Publié / Mis à jour le dimanche 10 janvier 2010, par LA RÉDACTION
 
 
Temps de lecture estimé : 5 mn
 

Etait-ce « pendant l’horreur de la plus sombre nuit », ou par un beau soleil, au centre d’une épaisse forêt ou bien en rase campagne ? On ne saurait le dire, mais ce que d’anciennes chroniques nous apprennent, c’est qu’un certain jour du mois de mars 1583, une bande organisée de voleurs qui, peut-être, avaient vu charger dans un fourgon les caisses du receveur de Tonnerre, attaqua de vive force, sur la route de Paris, l’escorte qui accompagnait le convoi, la mit en déroute et s’empara des fonds que Me Jean Leclère, contrôleur de l’élection de Tonnerre, conduisait au receveur de la généralité.

La France était alors divisée en vingt-cinq généralités administrées chacune par un général des finances, d’où est venu ce nom de généralité, et ces généralités étaient elles-mêmes subdivisées en un plus ou moins grand nombre d’élections. La généralité de Paris formait une sorte de coupure dans la Bourgogne, en séparant le comté d’Auxerre du reste du duché ; elle se composait de vingt-deux élections, parmi lesquelles étaient celles de Tonnerre et de Vézelay. Le contrôleur des tailles du Tonnerrois, qui remplissait à peu près les fonctions des futurs receveurs particuliers d’arrondissement, était, disons-nous, en route pour effectuer son versement dans la caisse de la généralité de l’lsle-de-France, à Paris.

Quoique depuis six à sept ans, on jouît enfin des douceurs de la paix, qui ne devait plus être troublée que par les fureurs de la Ligue, les chemins n’étaient pas toujours sûrs, et si peu même, que nous trouvons dans un Guide des chemins - imprimé vers cette époque, et où nous cherchons vainement la voie de Tonnerre -, entre autres choses, que le Goulet d’Augustine, entre Bar-sur-Seine et Mussy-l’Évêque, est un « lieu dangereux de brigands », que le Val-Suzon, auprès de Saint-Seine, est un « passage périlleux », qu’à la vallée du Gros-Bois, entre Montereau et Sens, « fait dangereux passer », ou que tels et tels autres sont « mauvais en hiver ».

Attaque d'un convoi par des brigands Peinture de Pieter Snayers

Attaque d’un convoi par des brigands. Peinture de Pieter Snayers

Etait-ce dans de pareils chemins que Jean Leclère s’était engagé avec sa caisse, ou suivait-il la belle voie romaine qui, de Tonnerre, se dirige par une ligne droite de six lieues de longueur sur l’ancien Eburobriga, en passant par Bernouil et Chéu, et le conduisait à Sens, par la foret d’Othe, ou par Joigny ?

La chronique n’en dit rien. Quelle que fut la route qu’il suivit pour se rendre à Paris, il n’en arriva pas moins que son escorte fut surprise, battue et dispersée, et que sa caisse fut saisie par une bande de voleurs. Heureusement échappé à la mort, pendant que les pillards se disputaient le butin, Jean Leclère, que le courage n’avait point abandonné, put revenir à Tonnerre prouver son malheur, et, de concert avec Jean-Baptiste de Charnpin, préposé à la recette des deniers d’augmentation, et de Me Pelletier, receveur des tailles, adresser sa plainte aux officiers judiciaires qui pouvaient en connaître.

La maréchaussée fut mise en campagne, on prit des informations, et bientôt on apprit que les brigands s’étaient retirés à Coulanges-sur-Yonne. Aussitôt des lettres royales sont expédiées au lieutenant-général d’Auxerre, au prévôt des maréchaux de France, d’Auxerre, de Vézelay, de Nevers et de Sens ; aux maires et échevins de Coulanges-sur-Yonne, pour les inviter à donner main-forte contre ces audacieux bandits réfugiés à Coulanges.

« Comme il serait malaisé, portent ces lettres, les prendre au corps sans votre ayde, secours et assistance, d’aultant qu’ilz y sont forts d’amys et moyens, à ceste cause, désirant que la force demeure à la justice et que pugnition exemplaire soit faite de ceulx qui se trouveront coulpables et délinquans dudit vol, de l’avis de notre conseil, voulons, vous mandons et expréssement enjoignons, que tous, affaires cessans, vous ayez à assister le prévôt des maréchaux qui a procédé ou procédera aux informations dudit vol, pour la capture et emprisonnement de ceulx contre lesquelz il aura décrété, et dont serez par lui requis. Vous permettant, ou ilz vouldroient tenir fort, en quelque lieu que ce soit, d’assembler force par touxin, ruptures de portes, murailles de villes, maisons, chasteaulx, places fortes et aultres lieux où ilz se seront retiréz, et user de tous remèdes nécessaires pour faire ladite assistance au gouverneur ou notre lieutenant général audit pays, et en son absence au bailly d’Auxerre ; pour mener canon, s’en aider sy besoing est, et faire en sorte que la force nous demeure et à la justice ».

Ces lettres furent données à Paris, le 14 mars 1583, signée : Par le roi, de Neufville. Voilà donc une expédition organisée avec artillerie de campagne et de siège : mais cette expédition sans doute avait fait trop de bruit, car nous ne voyons pas qu’elle ait eu à Coulanges aucun résultat. Cependant l’affaire n’est pas abandonnée, et la police est sur pied. Vint, à Troyes, la tenue des Grands jours de Champagne. Ces Grands Jours étaient quelque chose comme les assises criminelles se tenant chaque année dans les départements. C’était une sorte de diète solennelle à laquelle le roi convoquait un certain nombre de gentilshommes, d’ecclésiastiques mêmes, pour prendre part aux jugements des cours.

On y jugeait sans appel et en dernier ressort. Parmi les nobles, délégués par le roi, se trouvait le seigneur de Chassy-Corroble, dans le Nivernais. La police venait de faire au procureur du roi de Sens d’importantes révélations. Celui-ci, s’approchant de Chassy, lui dit que les voleurs de la caisse de Tonnerre étaient dans le voisinage de son château, qu’il ait à y retourner après les assises et à assembler des forces pour s’emparer des coupables. Il lui signale, entre autres, les nommés Chesnebert, Chevreau, Laqueue, Lebruslé et autres.

De Chassy reprend bientôt la route du Nivernais, et, rentré chez lui, il apprend, après quelques informations, que Chesnebert et Chevreau sont en effet réfugiés à Taigny, à une lieue de chez lui, chez un nommé Joseph Gabereau dit le Costurier. Il fait venir sans bruit quelques soldats, invite les sieurs de la Mothe, son frère, et de Bonnesson à l’assister, et le dimanche 15 mai, avant le jour, il va investir la maison de Gabereau. Soit respect du domicile, soit précaution utile, après avoir pris toutes les mesures pour que personne ne s’échappât, il attendit le jour pour pénétrer dans l’intérieur de la maison qui recélait les deux voleurs. Aussitôt que les portes en furent ouvertes, les trois gentilshommes y entrèrent et s’en furent droit au lit où était encore Chevreau, le sommer de se rendre et de les suivre.

Celui-ci, pour toute réponse, saute sur un pistolet qu’il avait à sa portée et fait feu sur Chassy, qu’il manque ; mais deux balles vont atteindre M. de Bonnesson au-dessous de l’épaule gauche. « Ledit sieur de Bonnesson », dit le procès-verbal, « pensant estre mort s’escrya ». Chassy et la Mothe coururent à leur ami, pour le secourir, et Chevreau, profitant du tumulte et de l’émotion, sauta par la fenêtre pour s’évader. Il rencontra les hommes qui cernaient la maison ; agissant des bras et des jambes, il allait leur échapper : ceux-ci se virent « contraintz de le tirer » et l’étendirent roide mort. Quant à Chesnebert, il répondit également à la sommation par un coup de pistolet, tiré du lit même où il « estoyt couché » ; mais il ne blessa personne. Pour s’en rendre maître, on fit aussi feu sur lui, il fut blessé à l’œil gauche, et dans cet état, saisi et emmené prisonnier au château de Chassy.

Chassy fit immédiatement part de cette capture au gouverneur du Nivernais, François de la Rivière, seigneur de Champlemy, ainsi qu’au prévôt des maréchaux de France dans cette province. Le prévôt envoya son lieutenant accompagné de quelques archers. Ils arrivèrent à Chassy le 23 mai. Le prévôt des maréchaux aux bailliages et élections de Sens, Saint-Florentin, Tonnerre, Vézelay et autres lieux, s’y trouvait déjà. Celui-ci, parti seul de Sens le 19 mai, avait pris, en passant à Vézelay, le procureur du roi et la maréchaussée de cette ville, et M. de Chassy lui avait déjà fait la remise de son prisonnier, qui d’ailleurs lui revenait de droit, pour qu’il fût jugé dans la juridiction où le crime avait été commis. La maréchaussée de Nevers se retira avec un certificat du prévôt sénonais, constatant qu’elle s’était acquittée de sa mission comme elle le devait.

Ce qui n’est peut-être pas le moins intéressant de cette tragique aventure, c’est l’exposé des précautions dont les voleurs usaient pour dépister la police ou tromper ceux qu’ils détroussaient. Le temps de passer derrière une haie pour retourner leurs habits, et même leurs chapeaux, et ils pouvaient se présenter en gentilhomme ou en manant, selon que la prudence leur conseillait de le faire. Lorsque Chesnebert fut arrêté, l’un des soldats dit à M. de Chassy que quelques mots qu’il avait entendus lui faisaient croire que son prisonnier avait, par précaution, du poison sur lui pour s’en administrer une dose, s’il venait à être pris, et, par ce moyen, se soustraire à la justice. Sur cet avis, M. de Chassy fit quitter à Chesnebert les habits qu’il portait, ou dont il n’avait pas eu le temps de se vêtir, pour lui faire prendre une « gaigne de gris lavande », un pourpoint de grosse toile, un chapeau gris et un manteau.

Les habits dont M. de Chassy s’empara étaient tous à deux endroits et se composaient de ceux-ci : « un pourpoingt de velours tanné, fort galbé et coltonné, une juppe de laine grise frise [étoffe grossière de laine, frisée d’un côté], bordée de gorge de regnard, doublée de frise noyre, servant, icelle à deux adroitz ; un chapeau picqué de layne grise et de l’aultre cousté, par le dedans, à long poil, servant aussy à deux adroictz, et un manteau gargasan doublé de frise grise, passemanté de soye noyre », nous révèle le procès-verbal de la saisie du prisonnier.

Ces vêtements furent également remis au prévôt de Sens. Leur détail fait voir que, d’un instant à l’autre, le même homme passait à volonté du gris au noir, il lui suffisait pour cela de retourner son habit. On ignore si le reste de la bande fut pris, si l’argent volé retourna au trésor, mais on peut penser que Chesnebert ne fut pas traité avec indulgence, et que la mort fut le prix de ses méfaits.

 
 
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