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Coutumes et traditions : procession noire à Evreux (Eure)

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Coutumes, Traditions
Origine, histoire des coutumes, traditions populaires et régionales, fêtes locales, jeux d’antan, moeurs, art de vivre de nos ancêtres
Procession noire d’Evreux
ou cérémonie de Saint-Vital (Eure)
(D’après « Le Magasin pittoresque », paru en 1849)
Publié / Mis à jour le vendredi 9 novembre 2012, par Redaction
 
 
Temps de lecture estimé : 2 mn
 
 
 
On célébrait anciennement, à Notre-Dame d’Évreux, une fête singulière que l’on appelait la cérémonie de Saint-Vital. Le premier jour de mai, le chapitre avait coutume d’aller au Bois-l’Évêque, près de la ville, couper des rameaux et de petites branches, pour en parer les images des saints dans les chapelles de la cathédrale.

Les chanoines firent d’abord cette cérémonie en personne ; mais dans la suite ils y envoyèrent leurs clercs de chœur ; ensuite tous les chapelains de la cathédrale s’y joignirent ; enfin les hauts vicaires ne dédaignèrent point de se trouver à cette étrange procession, nommée la procession noire.

Les clercs de chœur, qui regardaient cette commission comme une partie de plaisir, sortaient de la cathédrale deux à deux, en soutane et bonnet carré, précédés des enfants de chœur, des appariteurs ou bedeaux, et des autres serviteurs de l’église, avec chacun une serpe à la main, et allaient couper ces branches qu’ils rapportaient eux-mêmes ou faisaient rapporter par le peuple, empressé à leur rendre ce service et les couvrant tous pendant la marche, d’une épaisse verdure, ce qui, dans le lointain, faisait l’effet d’une forêt ambulante.

On sonnait toutes les cloches de la cathédrale pour faire connaître à toute la ville que la cérémonie des branches et celle du mai étaient ouvertes. Il arriva, une année, que l’évêque défendît cette sonnerie. Les clercs de chœur ne tinrent point compte de cette défense.

Cathédrale d'Evreux

Cathédrale d’Évreux

Ils firent sortir de l’église les sonneurs qui, pour la garder, y avaient leurs logements, ils s’emparèrent des portes et des clefs pendant les quatre jours de la cérémonie, et sonnèrent à toute outrance.

Il paraît certain qu’ils poussèrent l’insolence jusqu’à pendre par les aisselles, aux fenêtres d’un des clochers, deux chanoines qui y étaient montés de la part du chapitre pour s’opposer à ce dérèglement. Ces deux chanoines s’appelaient, l’un Jean Mansel, trésorier de la cathédrale, l’autre Gauthier Dentelin. Ces faits se passèrent vers l’an 1200. D’autres abus s’introduisirent dans ces cérémonies. La procession noire était une occasion de toutes sortes d’extravagances : on jetait du son dans les yeux des passants, on faisait sauter les uns par-dessus un balai, on faisait danser les autres. Plus tard on se servit de masques, et cette fête, à Évreux, fit partie de la fête des Fous et de celle des Saoult-Diacres. Les clercs de chœur, revenus dans l’église cathédrale, se rendaient maîtres des hautes chaires et en chassaient, pour ainsi dire, les chanoines qui allaient jouer aux quilles sur les voûtes de l’église, et y faisaient des concerts et des danses.

Un chanoine diacre nommé Bouteille, qui vivait vers l’an 1270, fit une fondation d’un Obit, le 28 avril, jour auquel commençait la fête que nous venons de décrire. Il attacha à cet Obit une forte rétribution pour les chanoines, hauts vicaires, chapelains, clercs, enfants de chœur, etc., et, chose singulière, il voulut que l’on étendît sur le pavé, au milieu du chœur, pendant l’Obit, un drap mortuaire aux quatre coins duquel on mettrait quatre bouteilles pleines de vin, et une cinquième au milieu, le tout au profit des chantres qui auraient assisté à ce service.

Cette fondation du chanoine Bouteille avait fait appeler dans la suite le Bois-l’Évêque, où la procession noire allait couper ces branches, « le bois de la Bouteille », et cela parce que, par une transaction faite entre l’évêque et le chapitre, pour éviter le dégât et la destruction de ce bois, l’évêque s’obligea à faire couper, par un de ses gardes, autant de branches qu’il y aurait de personnes à la procession, et de les taire distribuer à l’endroit d’une croix qui était proche du bois. Durant cette distribution, on buvait, et l’on mangeait certaines galettes appelées casse-museau, car celui qui les servait aux autres les leur jetait au visage d’une manière grotesque. Le garde de l’évêque, chargé de la distribution des rameaux, était obligé, avant toutes choses, de faire, près de cet endroit, deux figures de bouteille qu’il creusait sur la terre, remplissant les creux de sable, en mémoire et à l’intention du fondateur Bouteille.

Tous ces faits étranges sont racontés avec détails dans un article du Mercure de France de 1726, qui paraît avoir été rédigé par un ecclésiastique d’Évreux.

 
 
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