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Coutumes et traditions : foire Saint-Romain (Rouen)

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Coutumes, Traditions
Origine, histoire des coutumes, traditions populaires et régionales, fêtes locales, jeux d’antan, moeurs, art de vivre de nos ancêtres
Foire Saint-Romain (Rouen)
(D’après « Le Magasin pittoresque », paru en 1871)
janvier 2000, par Redaction
 
 
Temps de lecture estimé : 4 mn
 
 
 
Il se tient à Rouen, chaque année, quatre foires, qui ont lieu en février, mai, juin et octobre : c’est du moins ce qu’indique l’Almanach de la ville ; mais en réalité, de ces quatre foires, on ne doit guère aujourd’hui compter que la dernière, connue sous le nom de foire Saint-Romain, qui se tient du 23 octobre au 23&nbsnovembre

Cette foire à été de tout temps la plus importante de la contrée ; l’ouverture s’en faisait jadis avec un grand cérémonial. En souvenir des services légendaires rendus autrefois par saint Romain, on délivrait un prisonnier qui préalablement, devant le palais des ducs de Normandie, devait lever la fierte, c’est-à-dire la châsse dans laquelle étaient conservés les os du saint. On peut voir tout cela en très grand détail dans l’Histoire du privilège de saint Romain, par M. Floquet. A cause de cette délivrance d’un prisonnier, la foire Saint-Romain s’appelait au Moyen Age la foire du Pardon ; elle avait lieu sur les hauteurs Beauvoisine, dans un vaste champ qui portait le nom de champ du Pardon, et sur l’emplacement duquel on trouve encore aujourd’hui la rue du Champ-du-Pardon.

La foire du Pardon était une des plus célèbres et des plus fréquentées du royaume ; tout le pays de Caux et presque toute la Normandie y venaient faire les emplettes d’hiver : habits, meubles, bijoux, linge, chaussures, faïence, coutellerie, chaudronnerie, etc. ; s’y étalaient de tous les côtés. Au jour de l’ouverture, le 23 octobre, il s’y faisait un commerce énorme de chevaux, boeufs, vaches, moutons, ânes, porcs, etc. ; et puis, pour charmer les populations normandes, tous les théâtres ambulants du royaume s’y donnaient rendez-vous.

De nos jours encore, le 23 octobre, à Rouen, il se vend un assez grand nombre de bestiaux ; mais pour toutes les autres denrées la foire a beaucoup perdu de son importance. Ce qui pourtant ne paraît pas avoir diminué, quant au nombre, ce sont les spectacles forains. Rien ne peut donner une idée de l’étrange coup d’oeil qu’offre au promeneur, pendant un mois, le boulevard Beauvoisine, où, sur une interminable file s’établissent tous ces théâtres, avec estrades, tableau, musique, parades, etc.

Les baraques des marchands occupent sur deux rangs, jusqu’à la place Cauchoise, le boulevard Jeanne-Darc, prolongement du boulevard Beauvoisine. Mais cette partie de la foire est aujourd’hui la moins visitée ; c’est aux petits théâtres que se porte et s’entasse la foules. Aussi ne trouveriez-vous pas un poète à Rouen qui n’ait essayé de peindre ce tohu-bohu :

Voyez-vous la mère Gigogne,
Qui danse avec ses quinze enfants,
Et Polichinelle qui cogne
De sa bosse tous les passants ?
Mais voici, dans une autre loge,
Un Robert Houdin dont l’éloge,
Fait par lui-même aux assistants,
Ébaubit bourgeois, artisans...
Comme fruits d’inconnus rivages,
Vous verrez des femmes sauvages
Et des tigres apprivoisés ;
Puis des pitres très avisés,
En puissants seigneurs déguisés,
Faisant la parade à tu-têtes,
Vous verrez au bruit des trompettes,
Des milliers d’animaux vivants,
Montrés par des gens surprenants
Trois fois plus encor que leurs bêtes.
Amis, dans cette foire enfin,
Consacrée au grand saint Romain,
Pleine de rares phénomènes,
Pleine d’affamés charlatans,
Pleine de bruits et de clinquants,
Où les sots pressés par centaines
Se font berner, moquer, piller,
Duper, mystifier, voler,
Et s’en retournent dans leur case
Charmés et tout remplis d’extase,
Vous aurez de ce monde-ci
Tout le spectacle en raccourci.

Ne croyez pas cependant, cher lecteur qu’il n’y ait rien à voir de vraiment intéressant parmi ces spectacles ; car, outre que vous y trouverez les troupes équestres les plus habiles et les plus célèbres, vous y pourrez voir aussi en toutes sortes de genres des artistes d’un talent réel. Souvent nous voyons à la foire de Rouen des ménageries, des musées anatomiques, dirigés par des hommes vraiment instruits. Nous y avons eu quelquefois la comédie très bien jouée, surtout par des troupes d’enfants. Des carrières, brillantes n’en doutez pas, ont eu leurs commencements à la foire. Baron, le grand comédien Baron venait de se faire applaudir dans les foires lorsqu’il fut recueilli par Molière...

Le séjour de Molière à Rouen en 1658 avait été de tout temps connu, puisque Lagrange lui-même, le camarade de Molière, en parle dans la préface qu’il a mise en tête de la première édition complète des Oeuvres du grand comique. On savait donc parfaitement que Molière avait terminé à Rouen ses pérégrinations en province ; mais on ignorait absolument qu’il les y eût commencées, et voilà précisément ce que M. E. Gosselin, dans ces derniers temps, a mis tout à fait hors de doute. La plupart des biographes avaient supposé que Molière, au sortir du collège, était allé étudier en droit à Orléans : cette hypothèse vient d’être anéantie. Il résulte, en effet, d’un acte authentique mis au jour par M. Gosselin, que Molière, dès l’année 1643, c’est-à-dire à l’âge de vingt et un ans, faisait partie d’une troupe dramatique qui avait pris d’abord le titre de « les Enfants de famille » ; mais en 1643, année où nous y trouvons Molière, elle venait de changer ce nom contre celui de « l’Illustre Théâtre ». Le directeur de la troupe s’appelait Denis Beys, et Molière avait là pour compagnons Germain Clérin, Joseph Béjart, Nicolas Bonenfant, Georges Pinel, Madeleine Béjart, Madeleine Malingre, Catherine des Urleis, Geneviève Béjart, et Catherine Bourgeois, « tous associez pour faire la comédie soubz le tiltre de « l’Illustre Théâtre », dit l’acte retrouvé par M. Gosselin.

Monsieur Gosselin a publié cet acte tout entier dans la Revue de la Normandie du mois d’avril 1870 ; nous n’en citerons ici que les premières lignes : « Du mardy apres midy troise jour de novembre XVIe quarante-trois, devant Me Cavé, notaire royal à Rouen, furent présents Denis Beys, Jean-Baptiste Poquelin, Germain Clérin... » Et tous ont signé ; la signature de Jean-Baptiste Poquelin au milieu des autres apparaît splendide et presque monumentale ; elle rappelle par sa vigueur et sa netteté celle de François Rabelais que Montpellier conserve avec tant de soin.

Le contenu de l’acte, à part les signatures et la date, a peu d’importance : il s’agit de faire exécuter par un certain Noël Gallois, propriétaire d’un jeu de paume à Paris, des réparations qu’il avait promises. Mais avez-vous pris garde à la date ? Avez-vous remarqué que la troupe ambulante est présente à Rouen le 3 novembre ? Le 8 novembre, c’est et c’était dès lors le moment beau moment de la foire du Pardon. Nos jeunes comédiens ne s’y seraient-ils pas établis ? Molière, le grand Molière, le futur auteur du Misanthrope et de Tartuffe, n’aurait-il pas fait ses premiers débuts à cette foire de Rouen ?

Si l’on veut bien se rappeler ce qu’était le théâtre à cette époque ; si l’on veut bien se rappeler les détails si parfaitement vrais que nous fournit le Roman comique de Scarron sur les comédiens ambulants du temps de la Fronde, détails dont quelques-uns très certainement lui furent indiqués par les camarades de Molière ; si l’on veut bien encore se rappeler que le Roman comique fut publié peu de temps après une apparition de Molière à Paris en 1640, apparition après laquelle « l’Illustre Théâtre » reprit ses pérégrinations en province, qui durèrent jusqu’à la fin de 1658 ; si, dis-je, on veut bien se rappeler toutes ces circonstances, on verra combien est vraisemblable que les jeunes comédiens qui composaient en 1643 le personnel de « l’Illustre Théâtre » soient venus, sous la direction de Denis Beys, faire leurs débuts à la foire de Rouen, une des plus célèbres d’alors et des plus fréquentées par les théâtres de toutes sortes. Nous savons d’ailleurs que la ville de France où l’on aimait le plus la comédie, c’était Rouen, la patrie de Corneille. Quoi de plus naturel qu’une troupe alors inconnue, inexpérimentée, vint s’essayer dans un tel pays, qui d’ailleurs était si peu éloigné de Paris ? Dans tous les cas, une chose en ceci reste incontestable, c’est la présence de Molière à Rouen, au milieu d’une troupe de comédiens, le 3 novembre 1643.

Nous savons donc maintenant ce que Molière étudia au sortir du collège : ce ne fut ni le droit, ni la médecine, ni même la théologie, comme quelques biographies l’ont imaginé ; il étudia l’art dramatique, dans lequel, après seize années de préparation, il devait devenir un si grand maître.

Que « l’Illustre Théâtre » se soit établi dans le champ du Pardon ou ailleurs, sa présence à Rouen pendant la foire de 1643 n’en est pas moins avérée, et la célèbre foire normande peut certainement s’attribuer la gloire d’avoir eu les débuts du jeune Poquelin.

 
 
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