27 janvier 1754 : mort de Holberg

Louis de Holberg est regardé par les Danois comme le père de leur théâtre et le créateur de leur littérature moderne. Avant lui, la théologie, la jurisprudence et l’érudition classique régnaient exclusivement dans sa froide patrie. Holberg, doué d’un esprit vif, d’un instinct curieux, d’une ardeur infatigable, étudia les littératures française, italienne et anglaise, en visita même successivement les contrées natives, et rapporta dans le Danemark une imagination enrichie de connaissances tout-à-fait neuves pour ses compatriotes.

Né en 1684, la pauvreté l’avait d’abord réduit au métier de maître de langues ; Y Introduction à l’histoire générale, suivie d’un Essai sur l’histoire des rois Christian IV et Frédéric III, lui valut le titre de professeur extraordinaire à l’université de Copenhague (1714) : en 1718 il obtint une place de professeur ordinaire, et à compter de ce moment, ainsi qu’il le déclare lui-même, vainqueur de l’indigence, il n’eut plus à combattre que le mauvais goût, les pédants et les tartufes.

La guerre fut longue et les combats nombreux ; car Holberg, quoique faible et délicat, vécut soixante-dix ans, et publia une multitude d’ouvrages. Pour justifier la prodigieuse diversité des genres auxquels il se livra tour à tour, il assure qu’une infirmité héréditaire, en changeant de siège, métamorphosait complètement ses talents et ses goûts. Dans un temps il n’aimait que l’histoire ; dans un autre, il était tout à la poésie. Chez nous, Voltaire a donné l’exemple du même phénomène, sans qu’on ait jamais cherché son explication dans une infirmité.

Le génie comique dominait chez Holberg : il le porta dans l’histoire, dans la métaphysique, dans la morale : il en résulte souvent un défaut de gravité, qui choque d’autant plus que la légèreté des écrivains du Nord tombe presque toujours dans la licence.

Holberg fonda le théâtre national du Danemark, et dans l’espace de trois ans (1722-1725) y fit jouer plus de vingt pièces. La plus célèbre est le Potier d’étain, imitée dans toutes les langues, et jouissant en Allemagne d’une vogue populaire.

Le poème de Pierre Pors, peinture fidèle et plaisante des mœurs d’une classe inférieure, obtint un succès jusqu’alors inconnu aux auteurs danois : il fut réimprimé trois fois en une année.

Les travaux de Holberg et sa scrupuleuse économie lui permirent d’amasser une grande fortune, dont il fit le plus noble usage. Il en consacra une partie aux sciences et à ceux qui les cultivent ; l’autre fut réservée à la dotation de filles honnêtes et pauvres. Holberg avait reçu le titre de baron ; cette dignité lui attira des épigrammes, parce qu’il s’était moqué de la noblesse, mais ne nuisit nullement à sa gloire.