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Coutumes et traditions : Prémices de la mise en oeuvre des tribunaux pour enfants en 1911

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Coutumes, Traditions
Origine, histoire des coutumes, traditions populaires et régionales, fêtes locales, jeux d’antan, moeurs, art de vivre de nos ancêtres
Tribunaux pour enfants : prémices
de leur mise en oeuvre en 1911
(Extrait du « Journal des débats politiques et littéraires », n° du 26 janvier 1911)
Publié / Mis à jour le dimanche 4 novembre 2012, par Redaction
 
 
Temps de lecture estimé : 3 mn
 
 
 
En 1911, avant la discussion prochaine au Sénat d’une proposition d’établir des tribunaux pour enfants sur le modèle de ceux mis en œuvre aux Etats-Unis quelques années plus tôt, le Journal des Débats présente les nombreux avantages que comporte, selon lui, cette nouvelle façon d’éviter aux jeunes délinquants un passage destructeur par la case prison et de ne pas compromettre leur avenir. Cette structure judiciaire sera instituée par la loi du 22 juillet 1912

C’est en 1906 que M. Julhiet fit connaître à Paris l’institution américaine des tribunaux pour enfants ; et voici que, dès 1911, le Sénat va discuter une proposition de M. Ferdinand Dreyfus, très sage, très bien étudiée, qui installe, dans notre pays, en l’accommodant à nos lois et à nos mœurs, l’invention dont les Etats-Unis tirèrent de si beaux résultats. Dans l’intervalle, il ne se sera écoulé que cinq ans. Cette promptitude est trop rare pour qu’on ne la signale pas. Et ce n’est pas tout. Avant même de recevoir la consécration législative, le tribunal pour enfants et la pratique qui l’accompagne, de la « liberté surveillée », existent déjà : au tribunal de la Seine, une des chambres correctionnelles, la huitième, réserve son audience du lundi aux enfants ; et, de concert avec les Sociétés de patronage, elle fait mieux que de juger ses petits prévenus ; elle choisit, d’après leur caractère, leurs antécédents et leur famille, la mesure qui pourra le mieux les sauvegarder. De toutes parts, l’idée du tribunal spécial a suscité le plus vif intérêt. La Société des Prisons l’a longuement discutée. M. Paul Deschanel, en 1909, proposait à la Chambre de l’ériger en loi.

Je ne pourrai jamais me consoler de n'avoir pu vous éviter 3 jours de prison

« – Je ne pourrai jamais me consoler
de n’avoir pu vous éviter 3 jours de prison.
« – Il y a des compensations cher Maître »

Toutes les personnes, et elles sont nombreuses, qui s’emploient à la tâche de sauver l’enfance coupable, ont reconnu qu’une voie de salut nouvelle et sage venait de s’ouvrir et qu’il fallait s’y engager aussitôt. C’est qu’en effet l’idée du tribunal pour enfants ne fait, en quelque manière, que résumer d’autres idées dont la justesse est incontestable : il importe moins de punir les enfants délinquants que de préserver leur avenir ; il ne faut donc pas leur infliger de courtes peines qui les corrompraient pour toujours, mais leur appliquer avec choix les mesures de préservation ; à cette fin, il est indispensable qu’ils soient séparés des adultes dès leur arrestation ; ils ne doivent subir ni les promiscuités du poste de police, ni celles de l’audience ; ils doivent comparaître seuls devant des magistrats qui, faisant œuvre de psychologues plutôt que de juges, s’appliqueront à gagner leur confiance et discerneront le meilleur moyen de les ramener au bien. A Chicago, au Massachussets, .à New-York, où elle commença de fonctionner, cette juridiction quasi-paternelle eut tout de suite des effets extraordinaires. En France, dans les conditions improvisées où M. le procureur de la République Meunier, M. le président Flory, Me Rollet et quelques autres la mirent en train, elle n’eut pas de conséquences moins heureuses. Elle a déjà fait ses preuves. Il est temps de lui donner la force, la régularité, l’extension qu’elle mérite.

La proposition de M. Deschanel satisfaisait largement à ces nécessités. La commission de la Chambre où elle fut renvoyée crut devoir y substituer des règles très différentes qui furent votées le 31 mars dernier. Cette proposition nouvelle présente de graves défauts ; ainsi, elle n’établit le tribunal pour enfants qu’à Paris, tandis que M. Deschanel l’instituait dans toute la France ; elle lui donne par contre la connaissance de tous les crimes et délits relatifs à l’enfance, ce qui dénature son but essentiel. M. Ferdinand Dreyfus a repris les idées principales de M. Paul Deschanel, en y ajoutant une partie originale, qui est la création de Conseils familiaux. Sa proposition comprend donc les Conseils familiaux, le tribunal spécial, la liberté surveillée.

Au-dessous de treize ans, l’enfant ne peut être considéré comme délinquant, ne peut pas être déféré à la juridiction répressive : il comparaîtra devant un Conseil familial composé de magistrats ou anciens magistrats, avocats, avoués et notaires, en exercice ou honoraires, membres de Sociétés de patronage. Ce Conseil s’entourera de tous les renseignements nécessaires ; il entendra l’enfant, les parents, des témoins, et il remettra cet enfant soit à sa famille, soit chez une personne ou dans un établissement charitable, soit à l’Assistance publique. Un recours est donné devant le tribunal, civil contre ces décisions qui, d’ailleurs, peuvent toujours être modifiées par le Conseil lui-même. Ainsi à la première période de l’enfance, celle où le discernement ne peut pas être tenu pour certain, correspond une institution strictement familiale. A partir de treize ans, l’enfant qui commet crime ou délit, devient un délinquant ; mais c’est alors, précisément, qu’il est plus délicat, plus difficile, et plus important aussi, puisque tout son avenir en dépend, de lui appliquer une mesure appropriée. Le tribunal pour enfants, qui sera chargé de cette mission, se composera du tribunal lui-même, tenant une audience spéciale là où il n’y a qu’une chambre et, quand il y en a plusieurs, d’une chambre spécialisée ; les magistrats désignés pourront d’ailleurs faire partie d’autres chambres.

Palais du Sénat, salle des séances en 1908

Palais du Sénat, salle des séances en 1908

Une question qui fut brièvement discutée est celle de la publicité de ces audiences ; on reconnaît qu’elle est détestable pour les enfants, et toutefois elle représente, dans notre procédure criminelle, une garantie si précieuse, qu’on hésite à y porter atteinte. M. Ferdinand Dreyfus admet une publicité restreinte : l’accès de l’audience ne sera permis qu’aux parents et témoins, aux avocats et magistrats, aux représentants de la presse et de l’Assistance publique, aux membres des Sociétés de patronage ; et le compte rendu des débats est absolument interdit. Enfin la proposition organise cette pratique ingénieuse qui s’appelle « la liberté surveillée », qui consiste, on le sait, à rendre l’enfant délinquant à sa famille, mais en le faisant surveiller par des délégués du tribunal : si l’enfant se conduit bien, la surveillance cesse ; sinon, il est appréhendé et confié soit à l’Assistance publique, soit à un patronage. M. Ferdinand Dreyfus, ici, pour le choix des délégués, s’en est tenu avec raison à l’idée de M. Deschanel qui est l’idée américaine : le tribunal désignera comme délégués les personnes qui lui paraîtront le mieux qualifiées, et notamment celles qui s’occupent des œuvres de patronage.

Il n’est pas possible d’entrer plus avant dans le détail des règles proposées au Sénat. Aussi bien la discussion, qui est prochaine, fournira-t-elle l’occasion d’y revenir. Du moins était-il bon de montrer dès à présent à quels besoins sociaux l’institution du tribunal spécial et la pratique de la liberté surveillée répondent heureusement, et avec quelle justesse, et quelle précision M. Ferdinand Dreyfus leur fait à l’une et à l’autre la place qui leur convient.

 
 
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