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Lieux d'histoire : Mulhouse excommuniée en 1265, théâtre de lutte entre pouvoirs spirituel et temporel

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Mulhouse excommuniée en 1265, théâtre
de lutte entre pouvoirs spirituel et temporel
(D’après « Bulletin de la Société pour la conservation
des monuments historiques d’Alsace », paru en 1864)
Publié / Mis à jour le mercredi 1er février 2012, par Redaction
 
 
Temps de lecture estimé : 5 mn
 
 
 
En 1265, et tandis que Mulhouse souhaite s’affranchir du joug de l’autorité épiscopale, la ville est excommuniée, une procédure contre elle engagée, et un ultimatum fixé à ses habitants pour rentrer sous la « paternelle domination » de l’évêque de Strasbourg. Au terme d’une résistance efficace dont le point culminant est le siège mis en vain devant la ville en 1271 par l’épiscopat, celle-ci acquiert bientôt les privilèges de cité libre et impériale, la querelle n’étant toutefois définitivement vidée qu’en 1308.

Les archives départementales du Bas-Rhin contiennent le vaste dossier d’une procédure ecclésiastique contre Mulhouse. Afin d’en situer le contexte historique, rappelons qu’en 1221, un arbitrage prononcé par les abbés de Murbach et de Neubourg, et par le comte de Werde, avait attribué la ville de Mulhouse à Henri de Vehringen, évêque de Strasbourg ; mais trois ans plus tard, le successeur de Henri, l’évêque Berthold de Teck, conféra l’avouerie de la ville, à titre de fief, à l’empereur du Saint-Empire romain germanique Frédéric II (qui régna de 1220 à 1250). En 1236, enfin, le même évêque inféode Mülhausen au même souverain, avec tous les droits de patronage, tous les revenus, toutes les dépendances.

Frédéric II, empereur du Saint-Empire romain germanique

Frédéric II, empereur du
Saint-Empire romain germanique

Cette charte de 1236 constitue, pour l’histoire de Mulhouse, et même pour celle d’Alsace, l’un des documents les plus importants. On pouvait penser la paix assurée ainsi pour longtemps ; mais déjà, en 1246, la lutte renouvelée entre l’Empire et le sacerdoce amena l’excommunication par Innocent IV de Frédéric II (excommunié une première fois en 1227 par Grégoire IX), et, de ce moment, la ville de Mulhouse ayant fait retour à son seigneur direct, Henri de Stahleck, évêque de Strasbourg, on vit se rompre la digue qui contenait la jeune et turbulente cité. Henri de Stahleck prit de vive force Colmar, Kaysersberg, Mulhouse ; un prévôt (Schultheiss), placé par l’évêque dans le château de cette dernière ville, accabla les nhabitants d’exactions et de corvées.

Bientôt le joug de l’autorité épiscopale devint insupportable à ces citadins de fraîche date. L’évêque Walther de Geroldseck, surtout, provoqua parmi les Mulhousiens des mécontentements analogues à ceux qui amenèrent la crise à Strasbourg, et la victoire décisive de Hausbergen. La cité du Haut-Rhin, déjà entourée de murs par Woelfelinus, résista à l’autorité épiscopale et se donna en 1261 à Rodolphe, comte de Habsbourg, landvogt de la haute Alsace, qui assiégea et détruisit le château. Lorsque Henri de Geroldseck, successeur de Walther, voulut remettre les choses sur l’ancien pied, il rencontra une opposition qui motiva des mesures d’une extrême sévérité ; Mulhouse fut excommuniée.

Les poursuites dirigées contre la ville commencent à la date du 11 février 1265. C’est Henri, évêque de Bâle, délégué du prélat de Strasbourg, qui ouvre la campagne ; il se borne d’abord à une simple menace, en s’adressant au prévôt (Schultheiss), et aux consuls de Mulhouse. Il dit avoir reçu mission de Henri, évêque de Strasbourg, de rappeler les griefs de ce seigneur ; il répète comme un fait notoire que la localité et les habitants de Mulhouse appartiennent à la juridiction de l’église de Strasbourg, et forment une propriété de cette église ; que pendant longtemps l’évêque strasbourgeois n’avait point été troublé dans l’exercice de ses droits ; que les habitants de Mulhouse lui avaient prêté, librement, serment de sujétion et d’obéissance ; qu’à la vérité, sous Walther, prédécesseur de Henri, les habitants de Mulhouse, émus par des procédés peu loyaux et par la dureté intolérable de leur maître, s’étaient temporairement soustraits au gouvernement de l’église de Strasbourg ; mais qu’ils persévéraient sans raison dans ces errements, maintenant que l’évêque Henri, homme pacifique et clément entre tous, avait succédé à Walther ; que le délit d’une seule personne ne devait point porter dommage aux intérêts imprescriptibles de l’Église.

Sceau de l'évêque Walther de Geroldseck

Sceau de l’évêque
Walther de Geroldseck

Le prélat de Bâle continue à établir en principe, que le bon droit ne peut être refusé à aucun souverain ; il rappelle le serment prêté à l’évêque strasbourgeois par les habitants de Mulhouse, il les engage à rentrer sous une paternelle domination, en recourant à la clémence de leur seigneur ; il leur fixe un terme rapproché pour une transaction, et, en cas de refus, il laisse entrevoir des mesures de rigueur qui ne seront au surplus adoptées qu’après avoir pris conseil des chanoines du chapitre de Bâle, et. de quelques prud’hommes, de manière à concilier avec les principes d’équité, applicables aux citadins, le droit imprescriptible de l’évêque. L’effet suivit de près cette première menace ; car déjà un mois plus tard (aux ides de mars) le même prélat, usant de son pouvoir discrétionnaire, annonce à tous les ecclésiastiques de son diocèse que, Mulhouse refusant de rentrer sous l’obédience de l’évêque de Strasbourg, son seigneur, et dédaignant même d’entamer des pourparlers avec lui, évêque de Bâle, lance contre eux une excommunication qui doit plus particulièrement frapper Wezelon d’Ilzich, et Henri zum Thor, chevaliers, Pierre de Walen et son fils ; puis les seigneurs de Réguisheim, ceux de Trotenhoven, Werner de Schermenz et son frère, enfin le cellerier de Lutenbach, tous citoyens de Mulhouse. Dans le délai d’un mois, à partir de la réception de la présente, toute personne relevant du clergé bâlois aura à s’abstenir de toute communion avec les personnes frappées de cette mesure de rigueur.

L’official de Besançon s’adresse, à la même époque, aux doyens des chapitres de Murbach et de Lutenbach, pour confirmer la sentence d’excommunication, « parce que les chevaliers et citoyens de Mulhouse, ci-dessus désignés, ont persévéré dans leur désobéissance, quoiqu’ils aient été dûment avertis. » Le même juge ecclésiastique (Gui de Foulenis) mande, en sa qualité de représentant de l’autorité métropolitaine, au doyen et à l’écolâtre de Lutenbach, d’aggraver, contre lesdits habitants de Mulhouse, la sentence d’excommunication, si l’évêque de Bâle, chargé par eux de ce faire, se montrait indulgent ou retardataire ; « car l’insolence et le dédain des excommuniés ne méritent pas mieux. » Une missive spéciale, adressée à la même époque, par l’official de Besançon à l’évêque de Bâle, met ce prélat au courant de la situation, lui enjoignant d’aggraver la sentence lancée contre certains citoyens de Mulhouse, et l’informant de la mission qui compéterait éventuellement au doyen et à l’écolâtre de Lutenbach.

C’est à la date du 11 avril 1266 que l’évêque de Bâle exécute les injonctions qui lui ont été faites. Le prélat, s’adressant au cure de Mulhouse et au clergé du Sundgau, rappelle l’obstination que mettent le prévôt, les consuls, les chevaliers et citoyens susnommés de Mulhouse, à ne point rentrer sous le gouvernement de l’évêque de Strasbourg. « Non seulement ils ont affecté de ne pas se rendre aux salutaires avertissements du prélat (bâlois) ; ils ont même dédaigné d’entrer en conférence avec l’évêque de Strasbourg, leur maître et seigneur. » Les habitants de Mulhouse sont sommés de rompre dans le délai d’un mois toute liaison avec les citoyens et les magistrats excommuniés. « Et parce que lesdits citoyens, méprisant les ordres épiscopaux, ont persévéré dans leur dureté de coeur, sans aucun égard pour leur propre salut et pour leur repos, le prélat bâlois a jugé convenable d’aggraver la sentence qui devra être proclamée les dimanches et jours de fête, au son des cloches, les cierges allumés ; on interrompra toute relation avec les excommuniés, et la ville de Mulhouse avec tous ses habitants et leurs colons sera mise sous l’interdit. »

Pendant quelque temps, les chances semblent, on ne sait sous l’empire de quelle influence, tourner en faveur de la cité rebelle, qui obtient le 30 juin la suspension de l’excommunication. Cependant le 17 décembre suivant, les habitants sont replacés sous le joug de l’interdit dont ils avaient été préalablement relevés. Les années 1267 et 1268 s’écoulent encore en discussions et en procédures. Loin de se laisser intimider, les Mulhousiens avaient de nouveau interjeté appel auprès du Saint-Siège. De longs plaidoyers ou moyens de défense sont fournis par les deux partis (pancartes sans date, probablement de 1270 ou 1271). Le mémoire de la cité de Mulhouse, basé sur des faits historiques, semblait devoir faire pencher la balance en leur faveur.

Tour de Nesle appartenant aux anciens remparts de Mulhouse

Tour de Nesle appartenant aux
anciens remparts de Mulhouse
Walther de Geroldseck

« Le seigneur, évêque de Strasbourg, y est-il dit, n’ayant pas rempli les conditions de son pacte avec les citoyens de Mulhouse, ceux-ci ont pu, en toute justice, s’éloigner de lui, car les citoyens ont prêté serment de fidélité et d’obéissance au comte de Habsbourg, d’après l’avis et sous les auspices de l’évêque de Bâle ; ils ne pouvaient fausser ce serment et devenir parjures, pour obéir à un avertissement épiscopal ; même s’ils avaient, en seconde ligne, prêté serment à l’évêque, ce second serment ne pourrait infirmer le premier. Comment auraient-ils pu, de bon coeur, se laisser détourner de ce premier serment, prêté de l’aveu même de l’évêque ; comment une pareille sentence prononcée par ce prélat serait-elle juste, puisqu’elle n’est point le résultat dicté par la justice, mais par la haine et l’inimitié ? »

Ils concluent donc « à ce que ladite sentence d’excommunication soit déclarée injuste, et que la partie adverse soit condamnée aux dépens. » La victoire resta, du moins en théorie, à l’évêque de Strasbourg. Au mois de mai 1271, Henri, évêque de Bâle, parlant et agissant au nom du pape - lequel n’est au demeurant pas encore élu, les cardinaux ne parvenant pas à se mettre d’accord depuis la mort de Clément IV en 1268 -, accorde à son collègue de Strasbourg la faculté de réduire Mulhouse à l’obéissance par le bras séculier. Mais ce devait être, pour l’autorité épiscopale, une victoire stérile. Henri de Geroldseck et son collègue de Bâle mirent en vain le siège devant Mulhouse, qui fit une héroïque et efficace résistance (1271). De plus en plus intimement liée à Rodolphe de Habsbourg, la ville obtint les privilèges de cité libre et impériale, de la munificence de ce prince, qui avait été élu roi des Romains pendant qu’il assiégeait Bâle (1273).

Ainsi se trouvait terminé, de fait, le long litige entre l’autorité épiscopale et la jeune cité, protégée de Frédéric II et de Rodolphe de Habsbourg. Cependant la question de droit demeurait en suspens aussi longtemps que l’évêque de Strasbourg n’avait point, par un nouveau contrat, formellement renoncé à ses prétentions antérieures. Aucun document officiel ne nous dit à quelle époque cette terrible et cruelle sentence d’excommunication fut levée. La ville a dû rentrer à la fois dans le giron de l’Église (1273) et dans les liens constitutionnels qui la rattachaient depuis une trentaine d’années à l’empire germanique. A des intervalles rapprochés les évêques de Strasbourg rappelaient leurs droits de seigneurs ; mais en 1308, une transaction formelle régla irrévocablement les positions respectives. Henri VII, roi des Romains, et Jean Ier, évêque de Strasbourg, convinrent d’un acte d’échange, en vertu duquel Mulhouse et la moitié de Wasselonne, restaient à l’Empire, Molsheim, Mutzig, Hermolsheim et Wangen, à l’évêché. L’archichancelier de l’Empire, Pierre, archevêque de Mayence, consentit à cet acte et le corrobora par une charte émise à Francfort le 28 novembre 1308.

 
 
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