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23 janvier 1538 : mise en oeuvre de la censure dramatique

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23 janvier 1538 : mise en oeuvre
de la censure dramatique
(D’après « Études historiques sur les clercs de la Basoche », paru en 1856)
Publié / Mis à jour le vendredi 20 janvier 2017, par LA RÉDACTION
 
 
Temps de lecture estimé : 6 mn
 
 
 
Si Louis XII laissa la plus grande liberté aux théâtres, disant que « par là, il apprenait beaucoup de choses qui étaient faites en son royaume, qu’autrement il n’eût sues », la nécessité de la censure dramatique fut constamment reconnue à peu d’exceptions près

En 1442, le Parlement rendit un arrêt, le 14 août, par lequel il condamna les basochiens — on désignait par clercs de la basoche ou basochiens les juges, avocats, procureurs et tous gens de justice, cette espèce de corporation ayant été formée au début du XIVe siècle — à quelques jours de prison, au pain et à l’eau, pour avoir joué malgré la défense qui leur en avait été faite.

Duluc mentionne cet arrêt du Parlement, mais il le donne à la date du 9 septembre 1442. Cet arrêt peut, à bon droit, être considéré comme la première manifestation de la censure dramatique. Le 12 mai 1473, il en rendit un autre dont le motif était tout contraire : il enjoignait à la Basoche la continuation de ses jeux et comédies, et de ne se départir de cet usage que par une permission de la Cour.

Le 6 mai 1475, il défendait aux basochiens de jouer une comédie nouvelle sans la permission de la Cour. En 1476, autre arrêt du Parlement qui défend à tout clerc, tant du Parlement que du Châtelet, non seulement de représenter des farces et des sotties, mais même de demander la permission de les jouer : « La Cour, pour certaines causes à cela mouvans, a deffendu et deffend à tous clercs et serviteurs, tant du Palais que du Chastelet de Paris, de quelque estat qu’ils soient, que doresnavant ils ne jouent publiquement audict Palais ou Chastelet, ni ailleurs en lieux publics, farces, soties, moralités, ne autres jeux à convocation de peuple, sur peine de bannissement de ce royaume et de confiscation de tous leurs biens ; et qu’ils ne demandent congié de ce faire à laditte Cour, ne autres, sur peine d’estre privez à tousjours, tant dudict Palais que dudict Chastelet. Faict en Parlement, le 15 may 1476 ».

Théâtre de la Basoche

Théâtre de la Basoche

L’année suivante Jean L’Éveillé, roi de la Basoche — les basochiens élisaient en effet un chef qui prenait le titre de roi et avait une cour, des grands officiers, ainsi que des armoiries —, demanda cette permission au Parlement, qui, par son arrêt du 19 juillet 1477, réitéra les défenses, sous peine, au contrevenant, d’être battu de verges par les carrefours de Paris et bannis du royaume.

Cet arrêt, assez curieux, est ainsi libellé : « Du samedy 19 juillet 1477. Vu au conseil, en la Grand’Chambre, les chambres assemblées ; vue par la Cour, la requeste baillée à icelle par les clercs des présidents et conseillers de ladite Cour, et aussi les avocats et procureurs d’icelle, la Cour a défendu et défend à Jehan L’Esveillé, soy disant Roy de la Bazoche, Martin Houssy, Théodart de Coutnaupran, et autres ayans personnages, de jouer farces, moralités ou sotises, au Palais de céans, ne ailleurs, jusques parla dicte Cour en soit ordonné, sur peine d’estre battus de verges par les carrefours de Paris et de bannissement de ce royaume. A aussi deffendu et deffend audict L’Esveillé, soy disant Roy de la Bazoche, et Martin Houssy, à leurs personnes, qu’ils ne soient si hardis de jouer farces, moralités, publiquement au Palais, ne ailleurs, sur peine d’être battus de verges par les carrefours de Paris et bannissement de ce royaume. »

Après la mort de Louis XI survenue en 1483, les clercs recommencèrent leurs représentations ; mais de nouvelles licences ne tardèrent pas à leur attirer de sévères punitions. En 1486, ils dirigèrent, dans une de leurs pièces, quelques traits satiriques contre le gouvernement de Charles VIII. Le roi fit arrêter cinq des plus coupables, qui furent emprisonnés au Châtelet, puis à la Conciergerie. L’évêque de Paris intercéda en leur faveur ; ils furent relâchés, après un mois de prison, en donnant caution. L’histoire nous conserve les noms de ces basochiens : Baude, Regnaux, Savin, Duluc et Dupuis. Interrompus sous Charles VIII, les spectacles recommencèrent de plus belle sous un monarque plus indulgent.

Louis XII, appelé le Père du peuple, rétablit les théâtres et rendit aux clercs de la Basoche toutes les libertés dont ils avaient joui antérieurement ; il aurait même souffert les satires personnelles, s’il faut s’en rapporter à son historien. Jean Bouchet raconte qu’il « permit les théâtres libres et voulut que sur iceux on jouast librement les abus qui se commettoient, tant en sa cour comme en son royaume ; pensant par là apprendre et sçavoir beaucoup de choses, lesquelles autrement il luy estoit impossible d’entendre. »

Voici la réponse que fit ce prince à ses courtisans qui se plaignaient des licences que se permettaient les clercs : « Je veux qu’on joue en liberté et que les jeunes gens déclarent les abus qu’on fait à ma cour, puisque les confesseurs et autres, qui font les sages, n’en veulent rien dire ; pourvu qu’on ne parle pas de ma femme, car je veux que l’honneur des femmes soit gardé. »

Brantôme rapporte ainsi le même fait dans sa Vie des dames illustres : « Le roi l’honorait [sa femme] de telle sorte, que lui étant rapporté, un jour, que les clercs de la Basoche du Palais et les écoliers aussi avaient joué des jeux où ils parlaient du roi, de sa cour et de tous les grands, il n’en fit autre semblant, sinon de dire qu’il fallait qu’ils passassent leur temps, et qu’il leur permettait qu’ils parlassent de lui et de sa cour, non pourtant dérèglement, mais surtout qu’ils ne parlassent de la reine, sa femme, en façon quelconque ; autrement, qu’il les ferait tous pendre. » Louis XII leur accorda, entre autres grâces, celle de jouer sur la fameuse table de marbre qui existait dans la grande salle du Palais avant l’incendie de 1618.

Il ne faudrait pas conclure de cette autorisation donnée par Louis XII que les clercs n’avaient jamais joué leurs pièces au Palais de Justice ; ce serait une grave erreur, dans laquelle on ne peut tomber à la lecture de l’arrêt du 19 juillet 1477, déjà cité. Cet arrêt dit, en effet, « qu’ils ne soient si hardis de jouer farces, moralités, publiquement au Palais, ne ailleurs ». Cette autorisation de Louis XII ne doit donc être considérée que comme la consécration d’un droit ou d’un usage en vigueur avant lui. Cette table de marbre avait été construite dans la grande salle du Palais, et servait aux festins d’apparat que les rois de France donnaient aux souverains étrangers qui venaient leur rendre visite.

Il faut donc tenir pour certain que les représentations des clercs de la Basoche se donnaient, tantôt au Palais, avec les clercs de procureurs au Parlement, tantôt au Châtelet, avec les sociétaires de sa Basoche, dans les maisons particulières comme dans les lieux publics, et, plus tard, au Pré aux Clercs. Non seulement le Parlement ne fut pas toujours rigoureux envers les basochiens, mais encore de nombreux documents émanés de lui établissent qu’il leur vint en aide fort souvent pour faire face aux frais de leurs représentations.

Sous le règne de François Ier la Société de la Basoche fut entourée d’une grande faveur. A son avènement au trône, ce monarque fit son entrée à Paris, suivi de toute sa cour, et se rendit à l’Hôtel de Ville, où il assista à un splendide festin qui lui avait été offert par le prévôt des marchands et les échevins. Les basochiens représentèrent une farce et exécutèrent des danses dont le roi fut très satisfait. Encouragés par ces succès, ils se préparaient à jouer de nouvelles pièces, mais le Parlement s’y opposa par le motif que le deuil du feu roi Louis XII n’était pas encore expiré. Cette opposition inopinée dérangea les projets des clercs qui s’adressèrent directement à François Ier, et lui présentèrent une épître que Clément Marot avait composée pour eux.

Celle-ci ayant produit le résultat qu’ils en attendaient, les clercs s’adressèrent de nouveau au Parlement, et demandèrent une gratification « pour les aider à supporter les frais qu’il leur avait convenus faire pour les préparations par eux faites pour jouer et danser la veille des Rois derniers, qu’il ne leur avait été permis faire par la Cour, au moyen du décès du feu Roi ». La Cour leur accorda plus qu’ils ne sollicitaient : elle leur fit remettre soixante livres parisis, mais à condition qu’ils danseraient et joueraient. Cet arrêt est du jeudi 1er février 1515. Du Boulay, dans son Histoire de l’Université, mentionne que semblables défenses avaient été faites aux régents et principaux des collèges de Paris. Cette remarque est précieuse en ce qu’elle indique que les collégiens jouaient aussi des comédies ou farces comme les clercs de la Basoche.

Cependant il est bon d’observer que le motif de la prohibition n’était pas la mort de Louis XII, arrivée le 1er janvier 1515, mais qu’il s’agissait seulement de protéger l’honneur du roi, des princes et des grands dignitaires de la couronne. Par un autre arrêt, du 14 mai 1522, la Cour ordonna au receveur des exploits et amendes de délivrer aux trésoriers de la Basoche soixante livres parisis pour les montres et jeux à faire en ce mois de mai. Enfin, le 16 juin 1526, soixante livres parisis furent de nouveau allouées par le Parlement pour couvrir les jeux et sottises représentés par les basochiens à l’époque du retour de François Ier. Ces citations pourraient être multipliées.

Nous venons de voir que les collégiens, comme les clercs de la Basoche, jouaient des comédies. Ces représentations au XVIe siècle étaient devenues d’un usage fréquent et général. Les associations laïques de la province suivaient l’exemple des basochiens de Paris. Fondées, pour la plupart, au XIVe siècle, et même antérieurement, elles devinrent des troupes dramatiques. La troupe des Conarts, de Rouen, de l’Abbé de Maugouvert, à Poitiers, de l’Abbé de Liesse, à Amis, étaient des associations qui jouaient la comédie , et qui se composaient en majeure partie de clercs de la Basoche.

Le Parlement avait été obligé, dans plusieurs circonstances, d’interposer son autorité pour faire respecter la morale, outrageusement attaquée dans les farces et sotties. Les mesures qu’il prenait indisposaient souvent les clercs de la Basoche. Ils cherchaient par tous les moyens possibles à éluder les difficultés sans braver ostensiblement les défenses qui leur étaient faites. Ils avaient imaginé de prendre des masques représentant les traits de la personne qu’ils voulaient mettre en scène, et ils ajoutaient des écriteaux qui donnaient le véritable sens aux phrases équivoques glissées dans leurs pièces. Ces écriteaux avaient pour objet principal l’explication de certaines situations qu’ils n’osaient pas cependant exposer aux yeux des spectateurs.

Cette tentative fut réprimée par un arrêt du Parlement du 20 mai 1536 qui punissait les contrevenants du bannissement et de la prison. En 1538, la Cour, touchée de l’obéissance des basochiens, leur permit de jouer à la manière accoutumée, avec la condition, toutefois, qu’ils remettraient au Parlement leurs manuscrits quinze jours avant la représentation. Cet arrêt est du 23 janvier 1538 ; il accorde aux basochiens la permission de faire jouer leurs pièces à la Table de marbre, ainsi qu’il est accoutumé, en observant d’en retrancher les choses rayées : « Du mercredy 25 janvier 1538. Après avoir vu par la Cour le cry ou le jeu présenté à icelle par les receveurs de la Basoche, pour jouer jeudy prochain, la dite Cour a permis auxdits receveurs iceluy cry ou jeu faire jouer à la Table de marbre en la manière accoustumée, ainsi qu’il est à présent, hormis les choses rayées ; leur a fait défenses, sous peine de prison et de punition corporelle, de faire jouer autre chose que ce qui est, hormis les dites choses rayées ; et pour l’avenir à ce que les dits receveurs ou leurs successeurs ne se mettent en frais frustratoirement, la dite Cour leur a inhibé et défendu faire faire aucun cry ou jeu que premièrement ils n’ayent la permission de ce faire de la dite Cour ; et à cette fin bailler quinze jours auparavant leur requeste à la dite Cour. »

La censure se continua par la suite, et le Parlement maintint sa prohibition à l’égard des basochiens par un arrêt du 7 mai 1540. « Toutefois, y est-il dit, n’entend leur défendre qu’ils se réjouissent honnestement et sans scandale. » Le 15 octobre de la même année 1540, les défenses se renouvelèrent, et il fut signifié au roi des basochiens de soumettre d’avance à la Cour le « jeu de leurs sotties » : « Et quant à la farce et sermon, attendu la grande difficulté par eux alléguée, de les monstrer à la dite Cour, ayant égard à leurs remontrances pour cette fois, et sans tirer à conséquence, la dite Cour leur a permis et permet de jouer la dite farce et sermon, sans les monstrer à la dite Cour ; cependant avec défense de taxer ou scandaliser particulièrement aucune personne, soit par noms ou surnoms, ou circonstance d’estoc, ou lieu particulier de demourance et autres notables circonstances par lesquelles on peut désigner ou connaître les personnes. »

 
 
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