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Les féministes raillées par un Académicien en 1906. Appellations « Mademoiselle » et « Madame »

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Anecdotes insolites
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Féministes (Les) raillées
par un Académicien en 1906.
Appellations « Mademoiselle »
et « Madame »
(D’après « Le Mois littéraire et pittoresque », paru en 1906)
Publié / Mis à jour le lundi 26 juin 2023, par Redaction
 
 
Temps de lecture estimé : 4 mn
 
 
 
En 1906, l’académicien Emile Faguet raille l’indignation de certaines femmes de voir la société opérer une différence entre l’appellation « Mademoiselle » et l’appellation « Madame », soulignant cependant les situations embarrassantes pouvant en découler, et proposant une solution... pittoresque

Dans Le Mois littéraire et pittoresque, l’écrivain et critique littéraire s’étonne « que ces dames « féministes » (et je ne parle que de celles qui sont un peu ridicules, laissant de côté avec le plus grand respect celles qui sont des esprits très sérieux et très élevés, précise-t-il) s’insurgent de nouveau contre le mot « Mademoiselle » qui leur fait horreur. Je dis de nouveau, car j’ai eu connaissance, il y a trois ou quatre ans, d’une campagne menée par elles en ce sens, dont je crois que je me suis un peu égayé.

Tant y a que ces dames sont révoltées de cette différence entre l’appellation « Mademoiselle » et l’appellation « Madame ». « Quoi ! disent-elles, vous appelez « Mademoiselle » une femme qui ne s’est pas mariée ? Vous semblez ainsi la mettre à part, avec un insolent mépris ; la mettre au-dessous de celle qui a eu la chance ou le malheur de trouver un mari ; vous l’insultez, vous l’outragez, vous l’injuriez du mot « Mademoiselle ». C’est monstrueux. On doit appeler « Madame » toute femme, quelle qu’elle soit ».

Faguet poursuit : « Je veux subir des supplices raffinés si j’ai jamais eu, appelant une femme « Mademoiselle », la moindre intention de lui témoigner du mépris ou seulement de la pitié. Je l’appelle « Mademoiselle » parce qu’il est d’usage d’appeler « Mademoiselle » les femmes qui ne sont pas mariées ; et certes, voilà bien tout, et je n’en cherche pas si long. Je suis tout à fait de l’avis de la deuxième Chambre du tribunal de Genève, qui, dans le même dispositif du jugement, vient de déclarer : « 1° qu’on ne saurait, en principe, refuser à une femme non mariée le droit de se décerner à elle-même le titre de Madame ; 2° que le titre de Mademoiselle adressé à une célibataire d’un certain âge ne peut être accueilli que comme un compliment discret ». Ce tribunal très libéral et très éclectique est toujours content sur cette question. Il donne l’exemple, qu’on devrait suivre, d’une souriante indifférence.

L'action féministe. Les suffragettes envahissent une section de vote et s'emparent de l'urne électorale. Illustration de couverture du Supplément du dimanche du Petit Journal du 17 mai 1908
L’action féministe. Les « suffragettes » envahissent une section de vote et s’emparent de l’urne
électorale. Illustration de couverture du Supplément du dimanche du Petit Journal du 17 mai 1908

Et Faguet d’ajouter : vous saviez, du reste, qu’il y a eu, mais qu’il n’y a plus depuis longtemps, une différence hiérarchique entre « Madame » et « Mademoiselle ». Au XVIIe siècle on appelait « Madame » la femme de qualité, qu’ « elle fût femme ou fille, et « Mademoiselle » la bourgeoise, qu’elle fût fille ou femme. C’est ainsi qu’Alceste appelle « Madame », Eliante, qui est une jeune fille ; et c’est ainsi que Molière lui-même appelle sa femme « Mademoiselle Molière », encore qu’il doive savoir qu’elle est mariée ; et c’est ainsi que la femme de La Fontaine est appelée par tout le monde « Mademoiselle La Fontaine ». Mais, depuis le XVIIIe siècle, l’usage s’est établi d’appeler « Madame » toute femme mariée et « Mademoiselle » toute femme non mariée, et il n’y a à cela aucune insulte, ni même dans cela aucune idée de hiérarchie, aucune. C’est une des billevesées de nos féministes agitées.

C’est à un tout autre point de vue que je me place pour trouver qu’il y aurait peut-être une réforme à faire. La question des appellations est très gênante. En présence d’une femme que l’on ne connaît pas, on est souvent très empêché. Faut-il dire « Madame » ? Si elle est jeune fille, elle sera peut-être flattée, peut-être vexée, et cela dépend du caractère ; et l’on ne connaît pas le caractère. Il y a des signes, oui, dans la bourgeoisie surtout. Il y a l’alliance au doigt et les brillants aux oreilles. Mais il y a des dames qui ne portent pas de boucles d’oreilles. C’est même la tendance moderne, que je suis assez porté à approuver ; et l’on ne voit pas toujours l’alliance. On ne la voit même que très rarement. On ne peut pas prier une dame de se déganter pour que l’on puisse savoir de quel qualificatif la saluer. D’autant que pour la prier de se déganter il faudrait déjà l’appeler d’une façon ou d’une autre. Le plus souvent on ne sait si l’on doit donner du « Madame » ou du « Mademoiselle ». C’est très gênant.

Pour les actrices, c’est même insupportable. Comme presque toujours, quand elles se marient, elles gardent leur nom de jeunes filles pour bénéficier de la notoriété qui y est attachée, il est presque toujours absolument impossible de savoir si elles sont dames ou demoiselles. On parle au hasard : aux débutantes on donne instinctivement le nom de « Mademoiselle » ; aux illustres, celui de « Madame » ; mais encore une illustre peut se plaindre et dire : « Madame ! Madame ! Ai-je donc quarante ans ? » Et quand elle en a cinquante, cette idée qu’on lui en donne trente-huit lui est, naturellement, insupportable.

Une habitude s’est établie depuis environ vingt ans, qui s’applique à toute une catégorie de dames. Toute dame employée ou fonctionnaire, serveuse de restaurant, employée de banque, portière, télégraphiste, téléphoniste, est appelée « Mademoiselle ». Et je prie les féministes échauffées de ne pas croire qu’il y a là une marque de mépris, C’est simplement l’influence de l’idée de majorité. La plupart des employées ou fonctionnaires étant des jeunes filles qui se marieront plus tard et qui alors, abandonneront leurs fonctions, mais qui, en attendant le mariage, occupent lucrativement leurs loisirs, on donne à toutes le nom qui s’applique exactement à la plupart. Pour toutes les personnes du sexe aimable qui sont dans ces conditions, « Mademoiselle » est un uniforme. Elles sont « Mademoiselle » en tant qu’employées pour tous ceux qui ne les connaissent pas individuellement, Ici, au moins, comme il y a convention établie, il ne peut pas y avoir d’erreur. Dans tous les autres cas, il peut y avoir erreur, par conséquent il y a embarras.

Je serais donc très bien partisan d’une réforme. Je voudrais qu’on donnât le nom de « Madame » à toute personne du sexe aimable qui ne serait pas évidemment une jeune fille, et qu’on donnât celui de « Mademoiselle » à toute personne du même sexe qui serait jeune fille à n’en pas douter. « Mais quel criterium ? Vous avez dit vous-même que brillants aux oreilles et alliance sont criterium qui manquent presque toujours à l’observateur, et il n’y en a pas d’autre ». Pardon ! Et la robe courte ! Voilà qui est net, décisif et visible, même aux myopes. Voilà sur quoi il n’y a pas à discuter ni à hésiter. Je serais partisan d’appeler « Mademoiselle » toute petite fille, et « Madame » toute dame et toute grande fille. Dès que la petite fille aurait revêtu la robe longue : « Bonjour, Madame ! » Et comme elles seraient contentes ! Et donc on appellerait « Madame » une jeune fille de seize ans ! Pourquoi non ? Comme Alceste appelle Eliante.

On appellerait une jeune fille « Madame » tout aussitôt qu’elle pourrait l’être, ce qui est logique, sans s’inquiéter si elle l’est ou si elle ne l’est pas, ce qui est une sorte d’enquête où il entre de l’indiscrétion. Cette habitude ne serait rien autre que très distinguée. Quant aux féministes agitées que le nom de « Mademoiselle » irrite comme une sanglante injure, j’ai pour elles aussi une solution. Comme elles affichent la prétention d’être exactement les égales des hommes et de vivre en parfaite parité relativement aux barbus, je suis pour qu’on les appelle : « Monsieur ».

– Nous valons les hommes, nous valons mieux et plus que les hommes. Nous sommes des hommes, Nous sommes des surhommes.
– Oui, Monsieur », conclut Faguet.

 
 
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