Histoire de France, Patrimoine, Tourisme, Gastronomie, Librairie
LE 24 avril DANS L'HISTOIRE [VOIR]  /  NOTRE LIBRAIRIE [VOIR]  /  NOUS SOUTENIR [VOIR]
 
« Hâtons-nous de raconter les délicieuses histoires du
peuple avant qu'il ne les ait oubliées » (C. Nodier, 1840)
 

 
NOUS REJOINDRE SUR...
Nous rejoindre sur FacebookNous rejoindre sur XNous rejoindre sur LinkedInNous rejoindre sur VKNous rejoindre sur InstragramNous rejoindre sur YouTubeNous rejoindre sur Second Life

12 février 1712 : mort de la duchesse de Bourgogne (Marie-Adélaïde de Savoie)

Vous êtes ici : Accueil > Éphéméride, événements > Février > 12 février > 12 février 1712 : mort de la duchesse
Éphéméride, événements
Les événements du 12 février. Pour un jour donné, découvrez un événement ayant marqué notre Histoire. Calendrier historique
12 février 1712 : mort de la duchesse Marie-Adélaïde de Savoie de Bourgogne
Publié / Mis à jour le jeudi 25 mars 2010, par LA RÉDACTION
 
 
Temps de lecture estimé : 4 mn
 

La vieillesse de Louis XIV s’attristait dans la piété et dans les revers. La cour de Versailles, jadis si brillante, avait pris un aspect grave et morne ; son hypocrisie reflétait la piété du roi, comme son luxe avait reflété la gloire de ce règne.

Une seule femme avait le privilège de rompre la monotonie de ce lugubre appareil, et, pour ainsi dire, de jeter un peu de gaîté dans ce sombre dénouement d’un drame qui avait commencé avec tant d’éclat : c’était la Dauphine, l’épouse du petit-fils de Louis XIV, de ce duc de Bourgogne, l’élève de Fénelon, la fille de Victor-Amédée II, duc de Savoie, l’un des plus faibles, mais des plus opiniâtres adversaires de Louis XIV. En 1696, on le détacha de la coalition formée contre la France, en élevant sa fille à l’hymen de l’héritier de la monarchie française. Le duc, homme d’un esprit pénétrant et subtil, dépeignit à la jeune princesse la cour où elle allait entrer, et lui enseigna l’art de s’y conduire, et de s’emparer insensiblement d’une influence dont peut-être il espérait profiter plus tard pour lui-même.

En effet, elle employa toute l’influence que son amabilité lui donna sur Louis XIV pour découvrir les secrets et les desseins les plus cachés de la cour de France, et en instruire son père. A la mort de cette princesse, Louis XIV trouva, dit-on, dans une cassette la preuve des intelligences qu’elle entretenait avec la cour de Turin, et laissa s’échapper devant madame de Maintenont cette exclamation comique : « La petite coquine nous trompait ! »

Ces leçons ne furent pas perdues. La duchesse, douée d’un esprit naturel et facile, se concilia bientôt tous les cœurs. Un air de timidité couvrait en elle une adresse et des calculs qu’on devait croire étrangers à son jeune âge ! « La contrainte, dont elle sentait tout le poids, semblait ne lui rien coûter. La complaisance lui était naturelle et coulait de source : elle en avait jusque pour la cour. »

Elle était régulièrement laide ; son portrait ne se compose presque que de défectuosités ; mais elle avait « les yeux les plus parlants et les plus beaux du monde, un port clé tête galant, gracieux, majestueux, un sourire expressif, une taille longue, ronde même, aisée, parfaitement coupée, une marche de déesse sur les nues. » Louis XIV l’aima comme un souvenir de sa jeunesse.

Madame de Maintenon parut l’aimer pour flatter Louis XIV. Elle se servait de cette nouvelle venue comme d’auxiliaire pour amuser un roi qui commençait à n’être plus amusable. La duchesse, avec un instinct merveilleux, savait ménager les bienséances en public, afin de se faire pardonner son excessive familiarité dans la vie privée. C’est là qu’il faut la voir entre le vieux monarque et sa vieille maîtresse, insupportables, comme indispensables l’un à l’autre, « voltigeant autour d’eux, tantôt penchée sur les bras de leur fauteuil, tantôt se jouant sur leurs genoux ; eIle leur sautait au cou, les embrassait, les caressait, les chiffonnait, leur tirait le dessous du menton, les tourmentait, fouillait leurs tables, leurs papiers, leurs lettres, les décachetait, les lisait quelquefois malgré eux, selon qu’elle les voyait en humeur d’en rire.

Nous hésitons devant une anecdote dont la gaîté excessive rappelle les scènes de M. de Pourceaugnac. Mais après tout, l’étude des mœurs est du domaine de l’histoire, et il est curieux de connaître jusqu’à quel point la licence était permise à une jeune femme par le monarque le plus rigoureux sur l’étiquette. Un soir, qu’il y avait comédie à Versailles, la princesse, après s’être livrée à toutes ses folies, s’approche d’un paravent, le dos à la cheminée ; elle était en grande parure. Une femme de chambre entre, passe derrière elle, et se met comme à genoux. Le roi s’aperçoit de ce manège, et demande ce qu’elles faisaient là. La princesse part d’un éclat de rire, et répond qu’elle fait ce qu’il lui arrive souvent de faire les jours de comédie. Le roi insiste, et elle donne une explication dont nous supprimons les détails pleins de naïveté, mais qui fit beaucoup rire le roi et madame de Maintenon, surpris de cette manière cavalière de prendre en leur présence, ou plutôt d’escamoter un bain intérieur.

Le badinage de la duchesse couvrait souvent des intentions sérieuses, et une fois, entre autres, elle lança contre madame de Maintenon une épigramme si spirituelle que le roi s’en divertit beaucoup, et que la bonne dévote ne s’en fâcha pas, ou du moins eut l’air de ne pas s’en fâcher. C’était à l’époque où l’on espérait avoir la paix avec la reine Anne ; Louis XIV et madame de Maintenon, séduits par cette espérance, parlaient avec éloge de la cour d’Angleterre. « Ma tante, se mit à dire la duchesse, qui appelait ainsi madame de Maintenon, il faut convenir qu’en Angleterre les reines gouvernent mieux que les rois ; et savez-vous bien pourquoi, ma tante ? Puis, toujours courant, gambadant, elle ajoute : « C’est que sous les rois, ce sont les femmes qui gouvenient, et que ce sont les hommes sous les reines. »

II ne faut pas croire cependant qu’elle fût affranchie de toute contrainte ; elle payait cher par intervalles les privilèges qu’elle avait l’art d’usurper. A l’appui de cette assertion, citons une anecdote qui fait connaître le caractère de Louis XIV, et cette âme aussi impitoyablement despotique dans sa famille que dans le gouvernement de l’État. La duchesse était grosse ; et l’on craignait pour sa santé en péril la fatigue des voyages de Marly. Mais le roi ne voulait pas déranger ses habitudes ; il part, et sa petite-fille est obligée de le suivre ; elle se blesse, on vient en avertir Louis XIV, qui s’occupait alors, au sortir de la messe, à regarder des carpes dans un bassin. Cet accident l’irrite comme une résistance indirecte ; et au milieu des courtisans, qui déplorent la perte d’un héritier du trône, le roi, qui avait repris en silence son occupation, s’écrie tout-à-coup : « Qu’est-ce que cela me ferait ? Est-ce qu’elle n’a pas déjà un fils ? Et quand il mourrait, est-ce que le duc de Berri n’est pas en âge de se marier ? Eh ! que m’importe qui me succède des uns ou des autres ? Ne sont-ce pas également mes petits-enfans ? » Et tout de suite il ajoute avec impétuosité Elle est blessée, parce qu’elle avait à l’être, et je ne serai plus contrarié dans mes voyages et dans tout ce que j’ai envie de faire, par les représentations des médecins et les raisonnements des matrones ; j’irai et je viendrai à ma fantaisie, et on me laissera en repos. »

Aussi, parmi toutes les libertés qu’elle prenait, la malheureuse esclave sentait bien qu’elle ne faisait que se jouer avec ses chaînes. Encore son aimable enjouement excitait-il le blâme, c’est-à-dire la jalousie des autres princesses. Quelque temps avant sa mort, pendant qu’un soir, au souper du roi, elle tentait mille moyens extravagans pour le divertir, elle remarqua deux de ces altesses envieuses qui se regardaient, et haussaient les épaules avec un air de mépris et de dédain. Le roi se lève et passe, suivant l’usage, dans son cabinet, pour donner à manger à ses chiens. La dauphine alors prend deux de ses femmes par les mains, et leur montrant ses rivales dépitées qui n’étaient qu’à quelques pas : « Avez-vous vu, avez-vous vu ? leur dit-elle. Je sais, comme elles, qu’à tout ce que j’ai dit et fait il n’y a pas le sens commun, et que cela est misérable ; mais il lui faut du bruit, et ces choses-là le divertissent. » Et tout de suite s’appuyant sur le bras de ses confidentes, elle se met à sauter et chantonner : « Et je m’en ris, et je me moque d’elles, et je serai leur reine. » Elle ne finit que lorsque le roi rentra Hélas ! elle le croyait, la charmante princesse ! et qui ne l’eût cru avec elle ? » Cette éloquente exclamation de regret, échappée au flegmatique Saint-Simon, montre assez quel coup, frappa presque tous les cœurs, lorsque la duchesse fut enlevée en sept jours par une maladie soudaine et imprévue. Avertie de se préparer à recevoir les secours de la religion, elle refusa de faire les derniers aveux de sa conscience à son confesseur ordinaire, qui était un Jésuite. « Rien n’est indifférent dans les cours, dit encore Saint-Simon, et ce changement de confesseur occupa les esprits. » On a remarqué que la confession fut longue, et il est difficile de ne pas rapprocher ces circonstances d’un autre passage du courtisan observateur. « Elle voulait, dit-il, plaire à tout le monde ; mais elle ne put se défendre que quelques-uns ne lui plussent aussi. Son mari, qui l’adorait, ne lui survécut que de six jours. (voy. Février 1712.) Avant d’expirer, elle dit à la duchesse de Guise : « Adieu, belle duchesse, aujourd’hui dauphine et demain rien ! »

Paul Duport.

 
 
Même section >

Suggérer la lecture de cette page
Abonnement à la lettre d'information La France pittoresque

Saisissez votre mail, et appuyez sur OK
pour vous abonner gratuitement
Éphéméride : l'Histoire au jour le jour. Insertion des événements historiques sur votre site

Vos réactions

Prolongez votre voyage dans le temps avec notre
encyclopédie consacrée à l'Histoire de France
 
Choisissez un numéro et découvrez les extraits en ligne !