12 février 1798 : mort de Stanislas II ou Stanislas-Auguste, roi de Pologne

Placé sur le trône par une femme et renversé par elle trente ans après, Stanislas-Auguste ne sut ennoblir ni son élévation, ni sa chute. Toute sa mission politique fut de souffrir des humiliations et d’assister aux démembrements successifs d’un royaume auquel l’avait imposé le souvenir d’une maîtresse couronnée.

Fils aîné du comte Poniatowski, gentilhomme lithuanien, né le 17 janvier 1782, le monarque futur de la Pologne reçut une éducation brillante, qui aurait pu lui valoir un rang distingué dans l’empire des lettres. Joignant à un esprit cultivé tous les avantages physiques, le jeune comte quitta de bonne heure un pays où la position de sa famille, entièrement soumise à celle des Sapieha, où la modicité de sa fortune ne lui promettaient aucune influence. Il parcourut les divers États de l’Europe, séjourna à Londres, à Paris : dans cette dernière ville, il fut arrêté pour dettes : mais madame Geoffrin vint à son secours et lui rendit la liberté. Présenté à la cour de Russie par le chevalier Williams Hanbury, ambassadeur d’Angleterre, il fixa les regards de la grande duchesse, depuis Catherine II, revint à Varsovie, et reparut bientôt à Saint-Pétersbourg comme ambassadeur d’Auguste III. C’est alors que, dans l’intimité de Catherine, il conquit ce titre de roi, dont elle le décora plus tard, lorsqu’elle même eut conquis celui d’impératrice.

L’élection du comte Poniatowski au trône de Pologne eut lieu le 7 septembre 1764, et son couronnement le 25 novembre suivant. La noblesse, le peuple, les puissances européennes repoussaient le candidat impérial : sept années d’un règne prudent, mais sans éclat, ne détruisirent pas le germe des résistances. Un vaste complot en attesta la force ; Stanislas, enlevé, blessé, ne dut la vie qu’à un miracle. (voy. 3 Septembre 1771.)

Déjà se préparait le premier démembrement de la Pologne : sous prétexte de la peste, qui s’unissait à la guerre civile pour désoler le pays, la Russie, l’Autriche, la Prusse, l’investirent d’un cordon sanitaire. Bientôt elles ne dissimulèrent plus leurs vues ambitieuses, et le cordon sanitaire se changea en armée d’invasion. Par le traité du 5 août 1772 (voy. cette date), trois mille neuf cent quarante-cinq milles carrés furent détachés du royaume de Pologne et partagés inégalement entre les trois puissances. A la même époque, le pouvoir du roi subit des modifications et des restrictions notables. Cependant Stanislas essaya d’améliorer le système des finances, celui de l’éducation publique, de la justice, de l’armée. Il chargea le chancelier de la couronne de rédiger un nouveau code de lois, qui fut rejeté par la noblesse. La guerre venait d’éclater entre la Russie et la Porte (1788) : Stanislas convoqua une diète pour régler l’administration du royaume. La Russie protesta contre toute innovation ; mais la Porte promit son appui aux Polonais, et la Prusse, devenue l’adversaire de la Russie, depuis le traité conclu à Kherson entre la Russie et l’Autriche (1787), déclara que la garantie de la constitution polonaise donnée par la Russie était nulle, et qu’elle ne pouvait empêcher une nation d’exercer les droits de souveraineté qui lui appartiennent.

Alors commença le grand œuvre, dont l’adoption franche et la défense énergique auraient sauvé la mémoire de Stanislas, mais dont la lâche désertion l’accable de tout le mépris qui s’attache à la faiblesse. La nouvelle constitution de Pologne, proclamée le 3 mai 1791 (voy. cette date), tomba sous les coups de la Russie et de la Prusse réconciliées : Stanislas eut la honte d’accéder au traité des puissances qui avaient juré de la détruire (23 juillet 1792) : deux ans plus tard, la Pologne même avait cessé d’exister. (voy. 3 Janvier 1795, Déclaration relative à la dissolution dit royaume de Pologne.)

Appelé à Grodno par Catherine, Stanislas signa son abdication le jour anniversaire de son couronnement (25 novembre 1794) Ensuite il resta dans cette ville, et y vécut d’une pension de deux cent mille ducats, que lui faisaient les trois puissances dont les armes l’avaient détrôné. Après la mort de l’impératrice, Paul l’invita à venir à Saint-Pétersbourg : Stanislas s’y rendit ; il alla voir à Moscow le couronnement du nouvel empereur, et revint à Saint-Pétersbourg, où il mourut d’une attaque d’apoplexie.

Ce voyage prouve que jusqu’à son dernier jour Stanislas manqua du sentiment intime de sa propre dignité ; sentiment qui, seul, commande aux autres le respect et l’estime. Un jour qu’il se trouvait à la cour de Paul Ier, confondu dans la foule, la fatigue et les années l’ayant forcé de s’asseoir, un aide-de-camp vint l’avertir qu’il fallait rester debout, et il se soumit sans plainte à cette dure nécessité. On aimerait à voir ce roi déchu mourir en homme, et c’est en courtisan qu’il finit.

Edouard Monnais.