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12 février 1671 : mort de Fairfax

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Éphéméride, événements
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12 février 1671 : mort de Fairfax
Publié / Mis à jour le samedi 20 mars 2010, par LA RÉDACTION
 
 
Temps de lecture estimé : 7 mn
 

Dans se mouvement des révolutions, il y a plus d’un moyen d’arriver au pouvoir et à lu gloire ; tel s’y élève par sa sagacité, sa prévoyance, la rectitude de son jugement au milieu des illusions publiques, l’audacieuse fécondité de son esprit, la force de son caractère ; tel autre y est porté précisément parce que ces qualités lui manquent, parce qu’il est simple, crédule, aveugle, incapable de comprendre et de diriger les événements et les hommes, uniquement propre à leur servir d’instrument. C’est à la fois dans la classe des ambitieux habiles et dans celle des dupes sincères que les révolutions prennent leurs héros.

Nul n’a prouvé mieux-que Thomas Fairfax qu’on peut être, à ce dernier titre, l’un des héros d’une révolution. Je n’ai pas besoin de raconter sa vie ; elle est partout écrite dans l’histoire de son temps. Né en janvier 1611, à Denton, paroisse d’Osley, dans le comté d’Yorck, il reçut au collège de Saint-Jean, à Cambridge, une éducation soignée, dont il retint, sinon beaucoup d’instruction, du moins assez de goût pour les lettres, surtout pour l’histoire et les antiquités de son pays. Mais le goût des armes fut de très bonne heure sa passion dominante, et, ne trouvant pas à la satisfaire en Angleterre, il passa en Hollande, où il servit comme volontaire sous les ordres de lord Vere. A son retour, il épousa lady Anne Vere, fille de son patron, et vécût dans la maison paternelle, ne prenant aucune part aux affaires publiques, mais s’associant vivement à l’indignation générale qu’excitaient les maxime et les actes du roi, des évêques et de la cour. Sa femme avait embrassé avec ardeur les opinions presbytériennes ; son père, lord Ferdinand Fairfax, riche et actif, était à la tête de l’opposition patriotique du comté. Le caractère du jeune Fairfax était confiant et généreux ; la cause était juste, c’était celle, de sa patrie et de sa foi ; avant que la lutte eût éclaté entre le roi et le parlement, sa résolution était prise ; et lorsque Charles, après avoir quitté Londres, vint essayer de lever dans le comté d’Yorck une garde qui présageait la guerre, ce fut Fairfax qui se chargea de lui présenter, au nom du comté, une pétition pour le supplier de cesser tout rassemblement de troupes et d’écouter les conseils du parlement. Le roi redoutait toutes les manifestations de l’opinion publique ; il s’efforça d’éviter que la pétition lui fût remise ; mais Fairfax, s’approchant un jour de lui dans la plaine de Heyworth-Moor au milieu d’un rassemblement qui s’élevait, dit-on, à près de cent mille personnes, déposa fièrement, sur le pommeau de la selle du monarque, la remontrance de ses concitoyens. La guerre civile vint bientôt lui mettre en main des armes plus efficaces que des pétitions. De 1642 à 1644 il combattit, avec son père, à la tête du parti parlementaire dans le comté d’Yorek, et ses premiers Mémoires sont consacrés au récit des nombreuses et irrégulières expéditions qui l’occupèrent pendant ces trois années. En 1645, sa renommée militaire et Cromwell le firent appeler au commandement en chef de la nouvelle armée que les indépendants, vainqueurs enfin des presbytériens, venaient de former pour pousser jusqu’au bout la révolution qu’essayaient en vain d’arrêter ses premiers auteurs. A partir de cette époque la vie de Fairfax est l’histoire de la révolution, elle-même ; comme général, il la fit constamment triompher sur les champs de bataille ; comme personne politique, il n’y fut rien que l’instrument de Cromwell et de l’Armée dont il servit tous les desseins, d’abord par ignorance, ensuite par faiblesse et entraînement de sa situation. Les détails de sa conduite, soit dans le parlement et l’année, soit dans le procès du roi, sont racontés dans presque tous les Mémoires compris dans notre Collection. Il a timidement entrepris de les justifier dans ses seconds Mémoires que nous publions à la suite des premiers. Sa justification est facile à résumer en peu de mots ; il n’avait su ce qu’il faisait, on n’avait pas voulu ce qu’il avait fait ; c’est là tout ce qu’atteste l’histoire, tout ce que prouve son récit.

Quand son aveuglement se fut un peu dissipé, quand son honnêteté se fut enfin lassée de cette complicité à laquelle elle n’avait pu le soustraire, Fairfax se retira complètement des affaires publiques. L’invasion de l’armée anglaise en Ecosse, où Charles II venait d’être couronné (1650) fut le prétexte de sa résolution ; il déclara que sa fidélité au covenant ne lui permettait pas d’aller ainsi attaquer chez eux les cossais, et se démit de tout commandement. La mort de son père (13 mars 1648) l’avait mis en possession de son titre et de sa fortune. Il vécut dès losr dans sa terre de Nun-Appleton, dans le comté d’Yorck, recherché du parti presbytérien, qui plus d’une fois paru se rallier autour de lui, mais, dans le fait, étranger à tout ce qui se passa jusqu’à la mort de Cromwell. A cette époque, et lorsque les regards de toute l’Angleterre se tournèrent vers la restauration, les hommes qui la préparaient se flattèrent que Fairfax y concourrait volontiers : ils ne se trompaient point. Aussi désabusé qu’il avait été crédule, le général de l’armée parlementaire mit au service de Charles II la popularité, la considération et le crédit qu’il avait acquis en faisant la guerre à Charles Ier. On peut voir dans les Mémoires de Priée quelle importance attachait Monk à s’assurer de la coopération de Fairfax, et quel effet produisirent, non seulement dans le comté d’Yorck, mais dans l’armée même de Lambert, les premières démarches qui firent sentir le parti qu’allait prendre le vainqueur de Naseby. Un grand nombre de presbytériens, ses anciens compagnons d’armes, et de cavaliers jadis ses adversaires, vinrent pèle-mêle se ranger auprès de lui. Les événements marchaient avec rapidité. Le 29 mars 1660, Fairfax fut élu député du comté d’Yorck au parlement réparateur, et le 16 mai il se rendit à La Haye, à la tête du comité de la chambre des communes, chargé de rappeler Charles II. Lorsque, après la restauration, on célébra la cérémonie du couronnement, le roi y parut monté sur un cheval dont Fairfax lui avait fait don, et auquel le vieux guerrier adressa quelques mauvais vers pour le féliciter de tant d’honneur. Cependant, malgré la ferveur de son zèle royaliste et la sincérité de son repentir, Fairfax n’abandonna point ceux-là mêmes de ses anciens associés dont il n’avait pas approuvé les actes ; et lorsqu’on débattit dans le parlement l’affaire des régicides, il s’opposa à leur mise en jugement, disant que, si quelqu’un devait être puni à ce sujet, nul ne le méritait autant que lui-même ; car au moment de la mort du roi, il avait eu en main la force nécessaire pour l’empêcher et n’avait pas jugé à propos de s’en servir. Mais il n’était pas plus capable, en 1660, de résister efficacement au procès des régicides qu’il ne l’avait été, en 1649, de prévenir celui de Charles Ier. La dissolution du parlement réparateur le rendit bientôt à la vie privée, et il n’en sortit pas jusqu’à sa mort, qui arriva le 12 février 1671, après une courte maladie. Il souffrait depuis long-temps les atteintes de la goutte et de la pierre avec une patience égale au courage qu’il avait déployé dans les combats. Privé, dans ses dernières années, de l’usage de ses jambes, il demeurait toujours assis dans son fauteuil, recevant avec une physionomie grave et sereine les témoignages de respect et d’affection que lui attiraient, de la part de sa famille, de ses amis, de ses voisins, de ses clients, la pureté de ses mœurs, la douceur de son caractère, et aussi les souvenirs de sa gloire que ranimaient de jour en jour les fautes de la restauration. Les soins de la piété tenaient, à ce qu’il parait, une grande place dans sa vie ; peu d’heures avant sa mort, il demanda une Bible : « Mes yeux s’obscurcissent, dit-il en l’ouvrant ; il lut pourtant le psaume XLIIe, et tomba presqu’aussitôt dans l’assoupissement mortel. On a conservé dans le Museum de Thoresby ses traductions manuscrites des Psaumes, du Cantique des Cantiques, et de quelques autres fragments des livres saints, ainsi qu’un petit poème sur la Solitude, des notes sur quelques sermons, écrites soit de sa main, soit de celle de sa femme et de sa fille Marie, qui épousa le duc de Buckingham, et un traité sur la Brièveté de la vie. D’autres petits manuscrits de Fairfax furent également déposés dans la bibliothèque publique de Denton. Plus d’une fois, au milieu des fureurs de la guerre civile, il avait accordé aux lettres et aux établissements littéraires une utile protection ; ce fut par ses soins que les bibliothèques d’Yorck et d’Oxford furent, en partie du moins, préservées du pillage ; il contribua à la publication de la Polyglotte, et le savant Dodsworth, dans ses grands travaux sur les antiquités britanniques, l’eut constamment pour patron.

Des épitaphes, et surtout des épitaphes de famille, prouvent d’ordinaire bien peu de chose. Cependant celle que fit inscrire sur le tombeau de Fairfax le duc de Buckingam, son gendre, mérite d’être remarquée : son caractère y est peint avec assez de vérité, et elle indique non seulement l’opinion qu’avaient de lui ses amis, mais aussi l’éclat que conservait, dans son pays, sa renommée, même pendant le triomphe du parti qu’il avait combattu. Nous la rapporterons textuellement :

« Sous cette pierre repose un homme né pour la victoire, le vaillant Fairfax, le seul qui, dans la gloire de conquérir, n’ait jamais vu que l’honneur de vaincre.

En lui se réunissaient les vertus des deux sexes ; il avait la fierté du cœur le plus mâle et toute la douceur d’une femme.

Jamais il ne sut ce que c’était que la haine et l’envie ; son âme était pleine d’élévation, de droiture, et aussi d’une vertu maintenant passée de mode, la modestie.

Jamais il ne se montra audacieux que sur le champ de bataille, lieu où l’audace se montre rarement. Si un étranger l’eût observé dans une chambre, causant avec les hommes qu’il avait vaincus, et si, n’entendant pas leur conversation, il n’eût vu que leurs gestes et leurs traits, il aurait juré que Fairfax était le vaincu ; car, tandis que ses, anciens adversaires se vantaient et voulaient paraître terribles en parlant de leurs propres revers, sa modestie le portait à rougir en entendant dire combien de fois il les avait battus.

Dans toute sa vie, le rôle qu’il joua fut merveilleux et grand, mais jamais plus que dans la retraite où s’écoulèrent ses dernières années ; car c’est une chose bien plus étrange de voir un homme d’un cœur si haut mépriser le pouvoir qu’il a conquis, que de rencontrer des millions de ces audacieux insensés qui, dans, l’erreur de leur orgueil, fout tant de fracas en courant après un pouvoir qu’ils n’atteignent point.

Lorsqu’il eut conquis toute la nation, lorsqu’au prix de son sang il eut amassé, à ce qu’il pensait, une assez grande provision de renommée et de gloire, il posa les armes aussi modestement qu’eut pu le faire l’un des vaincus, ou comme s’il eût été lui-même l’un d’entre eux.

Il ne rechercha ni la richesse, ni les grandeurs ; il combattit pour les a autres, non pour lui-même ; il lui suffit de savoir, et il le savait, que, Iorsqu’il le voulait, il pouvait vaincre ; il laissa à la multitude le pillage et le butin.

Il eût pu devenir un roi ; mais il comprit qu’il y avait bien moins de mérite à être grand par l’injustice qu’à demeurer bon avec honneur.

Cela lui attira l’admiration du monde, la tendresse et le respect de ses amis ; car on se souvenait de ce qu’il avait fait dans les combats. Ses ennemis même l’aimaient, et ils le lui devaient, car il ne voulait plus combattre.

Ainsi, béni de tous, il est mort : nous serions nous-mêmes encore plus bénis du ciel, si nous étions sûrs de vivre assez longtemps pour voir encore un homme aussi grand dans la guerre, aussi juste dans la paix. »

Quelque latitude que l’on accorde aux illusions de la piété filiale et à l’éloge des morts, une telle épitaphe n’eût pu être inscrite, au vu et au su de tout un peuple, sur le tombeau d’un homme que l’opinion publique n’eût pas grandement honore. L’Angleterre honorait vraiment Fairfax ; et ce n’était pas seulement à cause de sa gloire militaire, d’autant plus brillante que sa bravoure personnelle et l’entraînement qu’elle inspirait aux soldats avaient toujours eu une part immense dans ses succès ; c’est qu’il y avait en lui ce qui, malgré toutes les méprises, toutes les fautes, commande toujours l’estime des hommes, un désintéressement et une candeur à toute épreuve. Il avait été la dupe et l’instrument des factions, et pourtant l’esprit de faction lui était absolument étranger ; non seulement il ne cherchait dans la politique et dans la guerre aucun avantage personnel, il ne leur demandait même pas le triomphe de ces intérêts et de ces passions de parti qui corrompent si souvent des âmes généreuses quand une fois elles eh ont accepté le joug. Isolé au milieu des indépendants, des républicains et de l’armée qui se servaient de lui contre les presbytériens, le parlement et la royauté, il prêtait sa sanction à leurs actes sans ; partager leurs desseins, sans s’associer à leurs manœuvres, toujours trompé, jamais trompeur, faible par crédulité et crédule par faiblesse, également incapable de résister au mal qui se commettait sous son autorité et de s’en laisser pervertir. Tant qu’il fut mêlé aux affaires publiques, les hommes habiles de tous les partis le considérèrent comme un enfant dont on se joue ; quand la révolution parut terminée, telle était l’opinion que ses concitoyens avaient de sa candeur et de sa droiture, qu’ils ne lui imputèrent rien du mal qui s’était fait sous son nom.

Guizot.

 
 
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