6 février 1778 : traité d'amitié, d'alliance et de commerce entre la France et les Etats-Unis

La reconnaissance de la république des Etats-Unis, comme puissance indépendante, forme une époque décisive dans l’histoire de ce peuple et dans la nôtre. Louis XVI eut la gloire de l’accorder, et Franklin celle de l’obtenir.

Vers la fin du 1776, le grand citoyen de l’Amérique s’était rendu en France pour suivre les négociations entamées par Silas Deane ; ainsi que le remarque Condorcet, la célébrité personnelle de Franklin lui tenait lieu des dignités dont les ambassadeurs de l’Europe sont ordinairement revêtus. Dans les premiers temps de son séjour, son attitude, son regard exprimaient la mélancolie que les revers de sa patrie devaient lui causer ; mais sa noble figure, ses beaux cheveux blancs rendaient sa douleur vénérable, et répandaient sur toute sa personne quelque chose d’imposant et de majestueux. Franklin parlait peu ; mais il s’attachait à donner à ses moindres paroles un sens fin et profond, que son silence même avait presque toujours. Sous cette forme austère et simple, on croyait voir la liberté se promener dans les salons de Paris et de Versailles.

Le choix d’un tel représentant produisit d’incalculables résultats pour la cause américaine. Pressée par les instances du congrès, par la force de l’opinion, par les intérêts de son commercera France hésita long-temps, et dut hésiter en effet, avant de prendre un parti qui la mettait en guerre avec l’Angleterre, et qui offrait le singulier spectacle d’une révolte coloniale légitimée par une puissance possédant elle-même des colonies : c’était donner le signal de l’émancipation du Nouveau Monde ; c’était appeler les réformes dans l’ancien.

Cependant le moment fatal arriva, et la résolution fut prise. Lé ministère français craignait que, s’il tardait encore, l’Angleterre effrayée par la défaite et la reddition du général Burgoyne, ne tâchât de renouer ses intelligences avec l’Amérique. Dès le 16 décembre 1777, on remit aux envoyés du congrès les préliminaires d’un traité portant en substance « que la France non seulement reconnaîtrait, mais soutiendrait de toutes ses forces l’indépendance des Etats-Unis, et que, bien que prévoyant une rupture prochaine avec la Grande-Bretagne, elle n’exigerait à cet égard aucune indemnité des Etats-Unis ; que seulement le roi attendait avec pleine confiance, que, quelle que fût la paix qui serait conclue un jour, les Etats ne rentreraient en aucun cas sous là, domination britannique. »

Le mois de janvier se passa en négociations très actives, et le 6 février suivant, toutes les difficultés étant aplanies, toutes les conditions agréées de part et d’autre, le traité d’amitié, d’alliance et de commerce fut définitivement conclu et signé par M. Gérard au nom de la France, par Benjamin Franklin, Silas Deane et Arthur Lee pour les Etats-Unis. (voy. 21 Janvier 1783.)