Éphéméride, événements Les événements du 2 février. Pour un jour donné, découvrez un événement ayant marqué notre Histoire. Calendrier historique 2 février 1789 : mort d’Armand-LouisCouperin, organiste et compositeur (D’après « Une dynastie de musiciens français : les Couperin,organistes de l’église Saint-Gervais » (par Charles Bouvet), paru en 1919) Publié / Mis à jour le vendredi 2 février 2024, par LA RÉDACTION Temps de lecture estimé : 13 mn Petit-cousin du « grand » Couperin, Armand-Louis, qui porta loin le talent de l’exécution sur l’orgue, au point d’officier en des lieux prestigieux de la capitale, se voyant également confier par Louis XVI la charge de premier organiste de la Chapelle royale et étant ordinairement choisi pour la réception des orgues nouvelles, nous laissa notamment des sonates pour le clavecin, ainsi que plusieurs motets et morceaux d’église Né le 25 février 1727, Armand-Louis Couperin, unique enfant de Nicolas Couperin — lequel est un cousin du célèbre François Couperin dit « le Grand » — et de Marie-Françoise Dufort de La Coste, son épouse, mourut d’un accident de circulation le lundi 2 février 1789, âgé de 62 ans, sa mise au tombeau ayant lieu en présence de ses fils, Pierre-Louis Couperin, organiste du roi, et Gervais-François Couperin, organiste de la Sainte-Chapelle. Voici comment les Affiches, du jeudi 5 février 1789, annonçaient cette inhumation : « Enterrements. — Du 4. — M. Armand-L. Couperin, Organiste de la Chapelle de Paris, de St Barthélemy, de Ste Marguerite et de S. Gervais. Homme du plus rare mérite, et jouissant de la réputation la mieux établie, dans son Art, où il avoit peu de rivaux dont le talent fut égal au sien, décédé rue du Pourtour. A. S. Gervais. (...) La manière affreuse dont il est mort, ajoute encore aux regrets de sa perte : il a péri par un de ces cruels accidens, devenus si communs dans les rues de cette Capitale, qu’on ne pourra bientôt plus y aller à pied. » Armand-Louis Couperin. Peinture réalisée en 1766 par Charles-Nicolas Noël (1728-1798) Un contemporain d’Armand-Louis Couperin, l’abbé de Feller, nous donne sur sa mort les détails assez précis que voici : « Le premier février 1789 [dimanche], comme il revenait de l’église Notre-Dame, il fut renversé et foulé par un cheval ; il mourut le lendemain, dans les douleurs les plus aiguës. » Un autre témoignage confirme le récit de l’abbé Feller, sur les particularités lamentables de cette mort ; le 15 février 1789, comme suite à une lettre datée du 11 février de la même année, lettre écrite par le duc de Villequier à M. de Villedeuil, secrétaire d’État, une supplique était adressée au roi, pour faire accorder une pension à Élisabeth-Antoinette Blanchet, « veuve du Sr Couperin ». Nous donnerons la copie de cette supplique au Roy : « Le Sr Couperin organiste de la musique du Roy, vient de mourir malheureusement, il jouissait d’un traitement de 2 400tt, et avoit près de 20 ans de service. M. le Duc de Villequier supplie Votre Majesté d’accorder à sa veuve une pension de 600tt. Il représente que l’accident qui a occasionné la mort de son mari, la supériorité de ses talens, son zèle et son exactitude rendent sa veuve susceptible de cette grâce. » Cette pension fut accordée « sur le Trésor Royal » par une décision du même jour, 15 février 1789, avec jouissance du même mois. Voici, maintenant, la copie d’une note écrite au bas de l’Avis de l’exemplaire des Pièces de Clavecin composées par Armand-Louis Couperin, et dédiées à Madame Victoire de France, exemplaire appartenant à la Bibliothèque du Conservatoire de Paris. Cette précieuse note nous fournit des détails précis et importants sur le talent d’Armand-Louis Couperin, sur sa vie, sur les circonstances dramatiques de sa mort, et sur ses fils ; de plus, elle nous indique, très exactement, la date du décès d’Élisabeth-Antoinette Blanchet, épouse d’Armand-Louis Couperin : « On reconnoit les grands talens et la modestie de leur auteur : celui-cy était le plus sublime organiste qu’on ait entendu, et peut-être de lontemps verra-t-on son égal, il mourut ayant été terrasé par un cheval sur le port au blé le Dimanche 1er février 1789 en revenant des 1res vèpres de la Purification de la Vierge de la Ste Chapelle du Palais dont il était organiste, ainsi que chez le Roi, de la Métropole, de St Gervais ; il l’avoit été de St Barthelemi jusqu’à l’époque que l’Eglise fut abbatue (sic) en 1770. Son fils ainé qui marchoit sur les traces de son Père, mourut de chagrin de la perte qu’il fit d’un aussi bon Père au mois d’octobre de la même année. Madame Couperin la mère qui était aussi une habile organiste, mourut à Versailles le jeudi jour de la fête-Dieu 25 mai année 1815. Son second fils, M. Gervais Couperin, est en ce moment organiste de la paroisse St Gervais depuis la mort de son frère ». Orgue de l’église Saint-Gervais à Paris, construit par le facteur flamand Matthieu Langhedulentre 1599 et 1601. © Crédit photo : Johann Vexo (https://inventaire-des-orgues.fr) Enfin, un grand article nécrologique nous montre Armand-Louis Couperin comme un artiste d’une loyauté et d’une probité absolues, et comme un homme d’un caractère admirable ; de plus il précise et confirme la plupart des choses que nous avons apprises sur Armand-Louis, et donne au personnage tout son relief. Pour ces diverses raisons, il mérite d’être transcrit in-extenso : « Mort remarquable « Les Arts et la Société viennent de perdre un homme distingué, l’accident affreux qui l’a fait périr a causé une sensation extrême et générale : il portoit un nom que deux cens ans de célébrité dans la musique ont rendu si fameux. A ces traits on reconnoitra aisément Armand-Louis Couperin, organiste, comme plusieurs de ses aïeux, de la Chapelle du Roi, de la Sainte Chapelle de Paris, de l’Eglise de Paris, et de celle de St Gervais, etc. A des talens supérieurs qui, en le plaçant au premier rang dans son état, le rendoient si précieux aux amateurs de son art, il réunissoit des qualités personnelles qui le rendoient bien plus cher encore à ses amis. Il n’avoit pas besoin de l’illustration de son nom pour être aimé et admiré. « Eh ! que pouvoit ajouter à sa gloire les suffrages dont Louis XIV honora les talens de François Couperin, son organiste ? M. Couperin avoit tout ce qu’il falloit pour se faire, lui seul, un grand nom. Admirable comme ses ancêtres, par la science et le charme de ses compositions, par l’exécution la plus brillante, ainsi que par l’art d’enseigner et de former des élèves, art héréditaire dans sa famille, il étoit recommandable par les qualités du cœur les plus estimables, par une piété vraiment exemplaire ennemie de tout faste et de tout apparat, par l’aménité d’un caractère sensible et bienfaisant, par la simplicité et la régularité de ses mœurs, par la délicatesse de ses sentiments, qui a nui (sic) plus d’une fois à sa fortune, et surtout par sa modestie qui lui faisoit cacher, avec le plus grand soin, tout ce qui pouvoit dérober au public de l’éclat de son mérite, témoin les motets qu’il a composés pour des maisons religieuses, et qui auroient fait à un musicien la plus belle réputation, mais qu’il n’a jamais voulu livrer au grand jour de l’impression, ni de la publicité. Il a constamment refusé de travailler pour le théatre, malgré les vives sollicitations des maîtres de l’art qui l’assuroient du succès le plus brillant. « Il épousa en 1752, Elisabeth-Antoinette Blanchet, fille de M. Blanchet, Facteur des Clavecins de la Cour, à qui sa probité et son intelligence ont fait la plus haute réputation dans son art. M. Couperin, pendant 37 ans, a formé avec elle l’union la mieux assorti, par la conformité des talens et des sentimens ; il a trouvé dans sa société tout le bonheur qu’une femme procure à son époux, par ces qualités qui sont d’autant plus solides, qu’elles sont moins brillantes. « L’accident cruel qui a terminé ses jours, à l’âge de 62 ans, ajoute encore aux regrets de sa perte. Le premier Février, vers les cinq heures du soir, M. Couperin, en rentrant chez lui, et passant par le Port-au-Bled, fut renversé par un cheval fougueux qui s’étoit échappé de dessous son cavalier ; il reçut une blessure mortelle à la tête ; et le cheval lui brisa deux côtes au dessus du cœur : on le transporta chez lui, où, sans proférer une seule parole, et sans presque donner aucun signe de vie, il expira au bout de 24 heures. Il fut enterré avec un concours de monde et un cortège qui attestoient la grande estime qu’on avoit pour lui. « Il laissa trois enfans, une fille et deux fils. Héritiers des vertus et des talens de leur père, ils en occupent toutes les places, tous deux organistes du Roi, l’un à Versailles, l’autre à la Ste Chapelle de Paris. Article communiqué. » Article communiqué, très certainement, par l’abbé de Feller, qui en a donné un extrait, mot à mot, dans le Dictionnaire historique des musiciens. Sonates en pièces de clavecin dédiées à Mademoiselle de Beauvau, composéespar Monsieur Couperin, organiste de l’église de Paris, de Saint-Gervais, etc. Cette fois, nous voici exactement renseigné sur tous les détails de l’accident qui provoqua la mort d’Armand-Louis Couperin, et sur les causes qui la déterminèrent. D’après ce que nous savons déjà, et par ce qu’on va lire, il est aisé de se rendre compte qu’Armand-Louis Couperin était un organiste extrêmement remarquable. Un de ses collègues, Ferdinand-Albert Gautier, organiste de l’abbaye de Saint-Denis, avait une admiration enthousiaste pour le talent instrumental de son confrère. Écoutons le ton dithyrambique des éloges qu’il lui adresse : « M. Couperin, étoit le plus célèbre organiste de son siècle et peut-être de tous ceux qui l’ont précédé et de tous ceux qui le suivront. » L’Anglais Charles Burney entendit Armand-Louis Couperin au cours du voyage d’études qu’il fit en France et en Italie, en 1770, et ne lui ménagea pas non plus les louanges. Voici comment il s’exprime à son sujet, dans son journal de route : « Lundi 18 Juin. — J’allai l’après diner à St Gervais pour entendre M. Couperin neveu du fameux Couperin, organiste de Louis XIV et du Régent le Duc d’Orléans. Comme c’était la veille de la Dédicace [fête patronale], il y avait un grand concours de monde. J’y rencontrai M. Balbâtre avec sa famille. J’eus lieu de remarquer que le tems des fêtes annuelles était aussi celui où les organistes peuvent déployer leurs talens. « M. Couperin accompagna le Te Deum qui ne fut que chanté, et il le fit avec beaucoup de goût. Les morceaux entre chaque verset furent admirables. Il montra dans son exécution beaucoup d’art et de talent variant souvent dans son jeu et dans son style le genre de son exécution. Je remarquai qu’à la connaissance de son instrument, il joignait un doigté égal en force et en rapidité aux difficultés qu’il rencontrait. Il joua plusieurs morceaux d’effet avec les deux mains, sur le dessus, tandis qu’il jouait la basse avec les pédales. « M. Balbâtre me mena chez M. Couperin après le service. J’eus du plaisir à voir deux hommes aussi distingués dans la même profession également unis par les liens de l’amitié. « M. Couperin me paraît avoir 40 à 50 ans [il avait alors 43 ans] ; son goût dans la musique n’est pas aussi moderne qu’il pourrait l’être ; mais cependant vu son âge, le goût de sa Nation, les changemens que la musique a éprouvés depuis son enfance, il est fort bon organiste, brillant dans son exécution, varié dans sa mélodie, et consommé dans ses modulations. « On donne une grande latitude à l’artiste dans les intermèdes ; rien n’est trop léger ni trop grave ; tous les genres sont admis, et quoique M. Couperin ait le vrai doigté de l’orgue, cependant il essaya avec succès des passages de clavecin qu’il prononçait vivement, et dont il détachait les notes en les rendant distinctement. » (De l’état présent de la musique, traduction de Ch. Brack) Nous voyons là un exemple probant de la transposition, à l’orgue, de la musique de clavecin, transposition dont la pratique, qui s’exerçait depuis le XVIIe siècle, fut si néfaste, nous ne saurions trop le répéter, au style de la musique d’orgue. En outre, la constatation que fait le pèlerin musical Burney, de l’amitié qui unissait l’organiste réputé, Claude Balbastre, à Armand-Louis Couperin, semble donner pleinement raison au suprême éloge qui fut adressé à ce dernier, quelques années seulement après sa mort, c’est-à-dire quand le souvenir précis de ses mérites était encore vivace : « Il était tellement impossible d’atteindre à la supériorité de son talent, que ses rivaux n’ont pu en être jaloux. » Que dire de plus, après cela, pour glorifier qui que ce soit ? Il ne restait plus qu’à louer Armand-Louis avec le secours de la poésie... C’est ce qui arriva. Un autre Te Deum, également exécuté à l’orgue par Armand-Louis Couperin, en fut l’occasion, car il produisit une grande impression, du moins sur l’un de ses contemporains, dont la verve poétique s’alluma, s’enflamma, au feu d’une admiration enthousiaste. Armand-Louis Couperin. Gravure extraite de Une dynastie de musiciens français :les Couperin, organistes de l’église Saint-Gervais (par Charles Bouvet), paru en 1919 Dans le courant d’octobre 1769, M. Plaisant de la Houssaie, avocat au Parlement, écrivait la lettre suivante à l’abbé Aubert, directeur du Journal des Beaux-Arts et des Sciences : « Le nom des hommes célèbres faits pour passer à l’immortalité est toujours favorablement accueilli dans votre journal, c’est la raison qui m’a déterminé à vous adresser ces vers que le désir de rendre hommage à M. Couperin m’a inspiré. « Jamais Te Deum n’a peut-être été exécuté avec plus de pompe, de majesté et de richesse d’harmonie que celui des Matines de la veille de St Barthélemi [23 août] par ce grand homme. Surtout il s’est surpassé dans les différents tableaux qu’il nous a présenté des circonstances du jugement dernier. « Vous vous apercevrez aisément, Monsieur, que je me suis efforcé de suivre dans mes vers les idées et les images de ce célèbre musicien, le Rameau de nos jours pour l’orgue [Jean-Philippe Rameau était mort en 1764]. Mais que n’a-t-il plutôt eu pour auditeur dans un pareil moment ou Corneille, ou M. de Voltaire : « Vers à M. Couprin, en sortant de son Te Deum de la veille de St Barthélemi sur son jugement dernier à l’occasion du Verset Judex crederis esse venturus. Grand Dieu, quel jugement Couprin nous fait entendre ! Ne quittes-tu ta gloire et le trône des cieux Que pour réduire en cendre Ce superbe univers trop coupable à tes yeux ? Déjà le feu de ta colère, La désolation de la nature entière Annoncent ta vengeance ; et les faibles mortels Rassemblés devant toi, justes ou criminels, Redoutent le courroux de leur Juge suprême. La trompette effrayante a donné le signal : C’est l’Arrêt du Très Haut ; la mort à l’instant même Représente à ton tribunal Ceux qui dans les tombeaux n’étaient plus que poussière. Tu t’avances... mon Dieu ! Quels éclats de tonnerre ! Le dernier jour du monde est un spectacle affreux Que de gémissements ! que de cris douloureux ! Veux-tu nous perdre tous, et le Dieu de la vie N’adoucira-t-il point la justice infinie, Que deviendront les Saints ? la troupe des Elus ?... Tu la rends au néant et la terre n’est plus. Mais qu’entends-je ? quels chants de pompe et d’allégresse S’épandent dans les airs et m’entrouvrent les cieux ? Couperin tu nous ravis au séjour bienheureux En peignant du Seigneur la Gloire enchanteresse. Trois ans après, le 18 juin 1772, encore à l’occasion de la fête patronale, Armand-Louis Couperin fit entendre, en l’église Saint-Gervais, au cours d’un Te Deum, une symphonie d’orgue très développée, à en juger par le compte rendu de cette composition. Outre qu’il nous montre, à nouveau, Armand-Louis Couperin comme un organiste de premier ordre, ce compte rendu nous donne de précieuses indications sur la registration employée par lui ; et cela n’est pas un des moindres intérêts que présente la narration suivante : « Te Deum. — On a surtout paru satisfait d’une symphonie non moins agréable par le choix du sujet que par l’heureux mélange des jeux qu’a imaginé M. Couperin. Ce musicien faisait ses tutti sur le grand jeu, et les solo sur le Hautbois avec accompagnement de Nazard au positif. On croyait entendre un orchestre composé de divers instrumens très distincts et très reconnaissables, ce qui n’a pas fait moins d’honneur à M. Clicquot auteur de ce jeu qu’à M. Couperin qui scait si bien s’en servir. « Le dernier solo a été terminé par un point d’orgue ; ce savant badinage a fait gouter avec un nouveau plaisir le retour de la symphonie sur le grand jeu. On a également gouté une fugue dont toutes les parties se répondaient très bien, et dont le concours formait un tout harmonique intéressant ; un duo très riche en modulations ; une musette agréable par sa naïveté et sa variété ; un quatuor dont l’exécution n’était pas plus contrainte que s’il y eût eu quatre instrumens séparés. » Clavecin construit à Anvers en 1646 par Andreas II Ruckers (Andreas le Jeune),transformé puis ravalé par le Français Pascal Taskin en 1780.© Crédit photo : Musée de la musique (https://collectionsdumusee.philharmoniedeparis.fr) Il ressort de l’analyse assez fouillée de notre narrateur anonyme, que cette grande pièce d’orgue devait être fort bien composée et très variée. Il est aisé de se rendre compte, aussi combien la registration d’Armand-Louis Couperin est différente de celle de son ancêtre, François ; c’est que le style de la musique d’orgue s’était déjà sensiblement modifié : à style nouveau, il fallait une coloration nouvelle. Les Affiches ne manquent pas d’annoncer, comme un événement et un attrait artistique de premier ordre, qu’à la fête patronale de Saint-Gervais et de Saint-Protais, ainsi qu’à quelques autres grandes fêtes : Saint-Laurent, patron des Clercs de cette paroisse, etc. : « M. Coupperin, père, organiste du Roi, touchera l’orgue à tout l’office, ainsi que la veille au Te Deum ». Nous relevons des annonces analogues, pour les années 1783, 20 juin ; 1784, 8 août ; dimanche 18 juin 1786 ; et jeudi 19 juin 1788. Le registre des dépenses de la Fabrique de Saint-Gervais, pendant l’année 1759, nous renseigne, chapitre neuvième, sur le traitement alloué à Armand-Louis Couperin, pour les fonctions d’organiste qu’il remplissait à cette église : « Art. 1er. — fait défense, le rendant [pour ordre de compte], de la somme de quatre cent huit livres païée au S. Couperin pour l’année 1759. de ses appointemens en la ditte qualité et compris 6tt pour la feste de la Providence et 2tt pour le salut de St Jean Baptiste suivant ses quatre quitance des vingt huit juillet, 10 octobre 1759, 11 janvier et 11 avril 1760. — ci... 408tt. » Il est à remarquer que, trente ans plus tard, les fils d’Armand-Louis Couperin touchaient exactement le même traitement d’organiste 2, auquel venait s’ajouter le Casuel, c’est-à-dire les cérémonies en dehors du service ordinaire. À son talent transcendant d’organiste, Armand-Louis Couperin joignait une connaissance approfondie du mécanisme et de la construction de son instrument ; cela lui constituait une compétence et une autorité qui faisaient qu’on le choisissait ordinairement pour la réception des orgues nouvelles. Avec ses trois collègues de Notre-Dame, Balbastre, Séjan et Charpentier, nous le voyons figurer comme arbitre, et toujours en première ligne : le 14 décembre 1770, à la réception de l’orgue de Saint-Roch, réparé par Clicquot ; le 22 octobre 1779, à la réception de celui de l’église Saint-Martin-des-Champs : « qui vient d’être augmenté d’un nouveau jeu de bombarde à la pédale, et de quelques autres, par le Sieur Ferrand, Facteur » ; enfin, le 10 février 1781, à la réception de l’orgue des R. P. de Nazareth. Clicquot, qui se parait du titre de facteur d’orgues du roi, et auquel on pourrait décerner, justement, celui de roi des facteurs d’orgues, avait été chargé de construire un instrument important à Saint-Sulpice ; l’inauguration et la réception de l’orgue qu’il édifia eut lieu le 15 mai 1781. Ce furent encore Armand-Louis Couperin et ses collègues de Notre-Dame que l’on chargea de juger la nouvelle œuvre de Clicquot, ainsi qu’en témoigne le compte rendu de cette solennité, compte rendu qui figure dans l’Almanach Musical, année 1782 : « 1781, 15 mai, réception de l’orgue de la paroisse Saint-Sulpice. Le Public a écouté, avec une espèce d’ivresse, tous les morceaux que Messieurs Couperin, Balbâtre, Séjan et Charpentier ont joués sur ce précieux instrument. Ce jour étoit une espèce de triomphé pour M. Clicquot. La critique n’a rien trouvé à relever dans son ouvrage : elle s’est retirée sans humeur d’une fête dont l’amour des Arts a fait les honneurs, dans une des plus belles églises de Paris. » Un autre important ouvrage de Clicquot, l’orgue de Notre-Dame, fut également contrôlé par Armand-Louis Couperin et ses collègues habituels. Les affiches nous disent : « On fera auj. 8, à 4 heures précises, la réception de l’orgue de l’église de Paris, refait et augmenté par le sieur Clicquot, Facteur d’orgues du Roi. Les arbitres nommés par le Chapitre sont MM. Couperin, Balbâtre, Séjan et Charpentier, tous quatre organistes de Notre-Dame. » Élisabeth-Antoinette Couperin. Peinture réalisée en 1766 par Charles-Nicolas Noël (1728-1798) En 1752, Armand-Louis avait épousé Élisabeth-Antoinette Blanchet (née en 1729), fille de François-Étienne Blanchet, facteur de clavecins de la cour de Louis XV. La lettre qui fut adressée, le 16 septembre 1815, soit un peu moins de quatre mois après la mort d’Élisabeth-Antoinette Blanchet, aux directeurs de la Gazette de France par Gervais-François Couperin, son plus jeune fils et le seul qui lui ait survécu, est intéressante par les détails qu’elle nous fournit sur le talent que cette femme possédait encore à la fin de sa vie : « Messieurs, accordez-moi, je vous prie, une place dans votre journal, pour faire connaître au public, amateur des arts, la grande perte qu’ils viennent de faire dans la personne de Madame Couperin, veuve d’Armand-Louis Couperin, organiste du roi. Mme Couperin, née Blanchet, fit ses études en musique comme aurait fait un jeune homme destiné à cet art. Elle acquit un talent supérieur pour l’exécution, pour l’harmonie et pour improviser sur l’orgue des morceaux d’une composition remarquable. Elle épousa, en 1751 [en réalité, le 7 février 1752, ainsi que l’atteste le registre des mariages de la paroisse Saint-Merry à Paris], M. Couperin, organiste du roi (comme l’avaient été ses ancêtres depuis deux cents ans) ; elle eut de ce mari quatre enfants, dont un seul lui survit dans ce nom. Elle a fait d’excellents élèves. « (...) Il y a cinq ans que se, trouvant à Saint-Louis de Versailles, lorsqu’on essayait l’orgue, Monseigneur l’évêque, M. le préfet et les autorités l’invitèrent à en toucher, et elle enleva tous les suffrages. Elle avait alors quatre-vingt-deux ans. Sa modestie la fit se cacher, au point qu’on ne put jamais la retrouver pour la complimenter. Huit jours avant l’attaque qui vient de la conduire au tombeau, elle fit les délices d’une société qui l’avait priée de toucher un piano que l’on voulait juger ; elle avait pour lors quatre-vingt-sept ans. Ses vertus, ses qualités aimables et ses rares talents la font vivement regretter. Sans que mon témoignage soit suspect, je crois qu’il est difficile de trouver une femme plus accomplie. » Cette femme remarquable fut-elle compositeur ? On peut le présumer, quoique aucune œuvre d’elle, imprimée ou manuscrite, ne nous soit encore parvenue. En tous cas, à en juger par les témoignages relatifs à sa science harmonique et à ses mérites d’improvisatrice à l’orgue, il est impossible de douter qu’elle n’ait été parfaitement capable d’écrire des œuvres musicales présentant un intérêt certain. Si l’on ajoute à ses facultés créatrices, qu’elle avait un talent supérieur pour l’exécution, qu’elle étonnait et faisait les délices de ses auditeurs, par la légèreté de son toucher, on voit qu’Élisabeth-Antoinette Blanchet était tout à fait digne de la famille à laquelle elle s’était alliée. Armand-Louis et sa femme Élisabeth-Antoinette eurent quatre enfants : deux filles prénommées Antoinette-Angélique et Antoinette-Victoire, et deux fils prénommés Pierre-Louis (1755-1789) — devenu organiste et signant « Couperin l’aîné — et Gervais-François (1759-1726) — devenu également organiste et signant « Couperin le Jeune ». Les Archives de la Seine nous apprennent que leur première fille, née en 1754, mourut le 23 mars 1758, âgée de quatre ans. Lorsque, à cette époque, on perdait un enfant en bas âge, s’il en survenait un du même sexe, on lui donnait couramment le même premier prénom que celui porté par le disparu. C’est ainsi que la seconde fille du couple Couperin — née en 1756, 1757, 1758 ou 1760 — reçut le premier prénom d’Antoinette, qui était celui de la première fille. La raison pour laquelle ils donnèrent Victoire comme second prénom à leur seconde fille, tient en quelques mots. En 1760, son père Armand-Louis avait déjà publié son Livre de pièces de clavecin, op. 1 (1751), qu’il avait dédié à Mme Victoire de France (1733-1799), fille de Louis XV et de Marie Leczinska ; dès lors, on conçoit fort bien que, par déférence, par courtoisie, et même par adresse, Armand-Louis Couperin ait été amené à donner à sa seconde fille le nom d’une princesse qui, à n’en pas douter, était une de ses protectrices, sûrement la plus haut placée, élève de sa cousine Marguerite-Antoinette Couperin, et qui, peut-être, ne dédaigna pas d’être la marraine de la nouvelle venue. Qu’une telle faveur ait été accordée à Armand-Louis, il n’y a là rien de très surprenant, si l’on considère l’énorme réputation dont jouissait celui qui en aurait été l’objet, son irréprochable honorabilité qui le faisait grandement apprécier, et l’auréole de l’admiration sans bornes dont il était entouré. Pièces de clavecin dédiées à Madame Victoire de France, composéespar Monsieur Couperin, organiste de Saint-Gervais Voici comment s’expriment, au sujet d’Antoinette-Victoire, le musicien Alexandre Choron (1771-1834) et le musicologue François Fayolle (1774-1852) dans leur Dictionnaire historique des musiciens, qui furent ses contemporains : « Antoinette-Victoire, actuellement vivante, élève de son père et de sa mère, à seize ans touchait l’orgue de Saint-Gervais, et remplissait très bien les offices de l’église. Elle y joint le talent de la harpe et possède une très belle voix, qu’elle a souvent fait entendre dans des concerts et dans différentes églises de religieuses. Elle a épousé en 1780 le fils de M. Soulas, Trésorier de France et propriétaire de la manufacture de damas de Tours. Elle a une fille qui touche agréablement du piano, et qui, douée d’une jolie voix, la conduit avec infiniment de goût » (). Une note, écrite au crayon par Armand-Louis Couperin, sur une copie manuscrite d’une de ses symphonies de Clavecins, provenant du Fonds Ch. Malherbe légué à la Bibliothèque du Conservatoire de Paris, nous révèle qu’Antoinette-Victoire était la copiste attitrée de son père. Quel charmant tableau, la phrase, qui constitue cette note, ne fait-elle pas revivre à nos yeux ! Nous y voyons Armand-Louis faire le fâché, et, prenant un petit ton grondeur, dont il nous semble entendre le son de voix un peu grossi pour la circonstance, dire à sa chère enfant : « Étourdie qui a encore passé une mesure » ; nous y voyons aussi la jolie moue de la pauvre petite, toute honteuse de s’être attiré une réprimande pareille. La date du décès d’Antoinette-Victoire ne nous est pas connue ; toutefois, nous constatons qu’elle vivait encore, en 1817, lors de la seconde édition du Dictionnaire historique des musiciens, où il est dit, comme dans la première édition de 1810 : « actuellement vivante ». 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