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Légendes, croyances, superstitions : recettes de médecine populaire du Cantal. Folklore cantalien. Anciens livres de thérapeutique

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Légendes, Superstitions
Légendes, superstitions, croyances populaires, rites singuliers, faits insolites et mystérieux, récits légendaires émaillant l’Histoire de France
Recettes de médecine populaire
du Cantal (Auvergne)
(D’après « Revue de la Haute-Auvergne » paru en 1902)
Publié / Mis à jour le lundi 9 janvier 2017, par LA RÉDACTION
 
 
Temps de lecture estimé : 4 mn
 
 
 
L’art de guérir occupe une grande place dans les légendes et les traditions populaires. Par atavisme, on croit aux sorciers, aux guérisseurs doués de dons spéciaux, aux noueurs d’aiguillettes, aux marchands d’orviétan, à tous ceux qui basent sur une foi aveugle l’efficacité de formules que certains estiment vaines et de remèdes que d’aucuns jugent impuissants...

Il serait banal de rappeler les formules bizarres consignées dans les anciens livres de thérapeutique. Les poudres d’os, de pierres précieuses, de poils, de cornes ou de sabots, les produits les plus répugnants de l’économie animale, les êtres les plus immondes de la création, tels que serpents, crapauds, limaces, y jouent un grand rôle, ainsi que les phrases cabalistiques, accompagnées de pratiques grotesques ou puériles. Mais tout cela, pensera-t-on, est de l’ancien temps.

Le progrès de la science a détruit la crédulité qui faisait le succès et la fortune des Purgon et des Diafoirus. Erreur profonde. La civilisation n’est qu’à la surface. Grattez un peu et vous trouverez l’âme populaire encore naïve et ignorante, rebelle aux vérités démontrées, mais prête à accepter sans contrôle et avec une foi aveugle, les procédés empiriques les plus absurdes. Le Folklore auvergnat pourrait s’enrichir d’un chapitre aussi étendu qu’intéressant s’il recueillait toutes les superstitions accréditées, soit dans les campagnes reculées, soit dans les centres les plus peuplés.

Coq, poules et poussins. Peinture de Melchior de Hondecoeter (XVIIe siècle)

Coq, poules et poussins. Peinture de Melchior de Hondecoeter (XVIIe siècle)

Si d’aventure, vous ressentez une vive douleur faisant craindre un point de côté, hâtez-vous d’envoyer quérir ici même, au Viaduc d’Aurillac, le chat de M. V... Ce célèbre félin, de forte taille et dodu, type superbe parmi ses congénères, possède un pouvoir magique : il suffit de lui égratigner la queue - opération à laquelle il se prête volontiers - de recueillir le sang, de le mélanger à du bouillon et d’absorber ce breuvage, pour que la douleur disparaisse aussitôt. Le sieur P... de la rue Destaing, s’est ainsi guéri ; sa femme peut témoigner de deux guérisons dans les mêmes conditions. Seulement, en vertu de l’affinité des sexes, il faut à la femme du sang de chatte et ne pas connaître l’adresse de la compagne du minet philanthrope est regrettable.

Le sieur R... de l’avenue de la République, a soulagé sa fille de violentes migraines, en lui appliquant sur la tête un pigeon tout pantelant que l’on venait d’éventrer. La douleur a cessé au dernier battement d’ailes du malheureux volatile. A l’âge lointain de la Pierre polie, on était certes moins cruel vis-à-vis des animaux ; au lieu de recourir à un tel procédé, on préférait détacher dans le crâne du malade une rondelle - qui devenait un précieux talisman - pour permettre à la cause du mal de s’échapper.

Et, puisqu’il est question des temps préhistoriques et que nous nous occupons de traditions, notons des rapprochements qui se présentent à l’esprit. Alors on se couvrait de peaux de bêtes et on ornait sa poitrine de colliers, d’amulettes et de pendeloques. Toutefois, c’étaient des coquillages, des dents ou de simples cailloux percés, au lieu des singuliers et coûteux objets fétichistes suspendus aux chaînes en sautoir de nos élégantes. Alors, tout comme aujourd’hui, le développement de certaines parties de leur personne était considéré comme un élément de la beauté des femmes et les très curieuses statuettes découvertes à Brassempouy (Landes) nous apprennent qu’on obtenait ce résultat stéatopygique sans les artifices et les tortures du corset.

Laissant de côté les cas particuliers, au risque de marcher sur les plates-bandes des médecins et de diminuer leur clientèle, indiquons d’autres recettes confiées en grand secret et dont l’efficacité est absolument garantie. Pour les maux d’yeux et d’oreilles, demandez à une nourrice, brune ou blonde, quelques gouttes de lait. Pour la migraine, si le meurtre d’un pigeon vous répugne, prenez une tête de corbeau, faites-la cuire sur des charbons, retirez-en la cervelle et mangez-la. Pour la jaunisse, armez-vous de courage, mettez de la fiente de poule, séchée au soleil, dans du vin blanc, et buvez. Vos engelures lavées avec l’eau ayant servi à la cuisson de boudins, disparaîtront comme par enchantement.

Aux enfants qui mouillent leur couchette, donnez des crottes de rats dans du bouillon. Un spécifique infaillible contre la surdité est du coton imbibé d’une huile dans laquelle vous aurez broyé des œufs de fourmis. Pour faire tomber sans douleur les dents creuses placez, dans le trou, de la cendre de vers de terre et bouchez avec de la cire vierge. Les toiles d’araignées servent à panser les coupures. Pour les maladies de poitrine, essayez une cure au bouillon de limaçons.

L’anguille a des propriétés remarquables : son sang est un remède contre l’ivrognerie et son foie, réduit en poudre, facilite les accouchements. Le crapaud, si laid qu’il soit, jouit de vertus extraordinaires : faites-le bouillir dans de l’huile et vous obtiendrez un onguent souverain contre la teigne ; appliquez-le vivant sur un chancre et vous tuerez celui-ci ; vous vous assurez de la mort en examinant si un nouveau crapaud, donné en pâture, n’est pas entamé.

L’escargot, placé sur un panaris, produit un effet semblable avec un rôle opposé, il mange au lieu d’être mangé. Le crottin de cheval mêlé avec de la graisse est souverain contre les brûlures et, si vous voulez vous débarrasser d’hôtes aussi peu agréables que les puces, ayez recours à l’urine de jument. La vache mérite également votre reconnaissance : sa bouse délayée dans du vin est un très bon topique contre l’enflure des pieds ; mélangée au beurre, elle soulage la goutte ; toute fraîche, elle combat avec succès les hydropisies les plus rebelles.

Il est naturel, après ces services rendus par les animaux, que vous trouviez en vous-même un contingent de remèdes. Les plaies, quelle que soit leur malignité, n’ont pas de meilleur baume que votre urine, et, si une épine se glisse dans votre chair, chassez-la avec du coton trempé dans ce liquide. Rappelez-vous aussi que les femmes arvernes se gargarisaient la bouche avec leur urine pour donner à l’émail des dents l’éclat chatoyant de la perle, écrit Mourguye dans Essai sur les anciens habitants de l’Auvergne.

Enfin, pour sortir de cette pharmacopée nauséabonde, empressons-nous de citer trois observations qui se rattachent à notre sujet et qui sont très concluantes au point de vue des phénomènes de l’autosuggestion. Un habitant d’Aurillac guérissait les malades de la fièvre en leur donnant une petite amulette à avaler et une grosse amulette à suspendre au cou pendant neuf jours. La première était un peloton de fil de la grosseur d’un pois ; la seconde, un morceau de papier chiffonné enveloppé de quelques tours de fil. Au dernier jour de la semaine, il fallait jeter l’amulette au feu sans l’ouvrir. L’indiscret qui enfreignait cette recommandation retombait malade.

Un paysan d’Yolet, né un vendredi avant Pâques, avait un privilège identique avec des moyens différents : il prenait une tranche de pain, faisait certains signes, murmurait certaines paroles, puis mangeait une bouchée de pain et en faisait faire autant au fiévreux, qui conservait précieusement le reste de la tranche pour en goûter chaque matin, à jeun, pendant neuf jours. Une femme de Vézac se serait débarrassée de la fièvre en prenant un morceau de lard dans lequel elle avait mis une rognure de chacun des ongles de ses doigts et de ses orteils.

 
 
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