1er janvier 1450 : prise d'Harfleur

Cette petite ville, située sur la rivé droite de l’embouchure de la Seine, dont le port est comblé depuis trois siècles, et dont l’importance politique est nulle, rappelle des souvenirs historiques du plus haut intérêt : la France reçut d’elle tour à tour le signal de sa captivité et celui de son indépendance. A l’époque la plus sombre de nos querelles intestines, quand les Bourguignons et les Armagnacs se disputaient la tutelle d’un monarque insensé, le roi d’Angleterre jugea le moment favorable pour faire valoir ses droits à la couronne de France : il demandait seulement qu’elle lui fût assurée par succession ; il demandait encore la main de madame Catherine, l’une des filles de Charles VI, en réclamant pour sa dot toutes les provinces cédées autrefois par le traité de Bretigny, et de plus la Normandie.

Ces prétentions ayant été rejetées, Henri V ne tarda pas aies soutenir par les armes. Le 14 août 1415, il descendit avec une armée considérable à l’embouchure de la Seine, et mit le siège devant Harfleur ; il eût été facile de s’opposer à ce débarquement, mais le peuple compta sur la noblesse, et la noblesse reçut l’ordre de ne pas agir. Le roi n’alla prendre l’oriflamme à Saint-Denis que le 10 septembre. La ville d’Harfleur souffrait déjà les horreurs d’un siège : elle fut prise peu de temps après, moitié par capitulation, moitié par force.

A compter de ce jour, le fléau le plus terrible qui puisse désoler un pays, l’invasion étrangère, s’étendit sur la France, et la domination anglaise y prit racine pour plus de trente années, (Voy. Bataille d’Azincourt, 25 Octobre ; Traité de Troyes, 21 Mai ; Siège d’Orléans, 8 Mai. )

Lorsqu’en 1449 dix-huit ans après les victoires et la mort de Jeanne d’Arc, on voulut profiter de la faiblesse du royaume d’Angleterre, gouverné par la reine Marguerite et par ses favoris, pour chasser les Anglais de la Normandie, Charles VII fit demander au duc de Sommerset qu’Harfleur et toutes les places du pays de Caux lui fussent restituées. « Ah ! pour Harfleur, cela ne se peut, » répondit le duc ; « c’est la première ville qui se rendit à notre » glorieux roi Henri V, il y a trente-cinq ans. »

La fortune avait changé : la ville de Rouen fut prise le 19 novembre 1449 et aussitôt le roi de France alla mettre le siège devant Harfleur, bien qu’on fût en plein hiver : « Toute cette brillante noblesse, dit M. de Barahte, dans son Histoire des ducs de Bourgogne, se tint durant quinze jours autour de la ville par la neige et la pluie, sans avoir d’autres abris que de méchantes cabanes en paille et en genêts, qu’on avait dressées à la hâte. Le siège fut poussé avec vigueur ; le roi s’y montra avec vaillance, allant dans la tranchée à la portée des canons, pour voir de plus près et encourager son artillerie. » Harfleur se rendit le 1er janvier 1450, et quelques mois après les Anglais ne possédaient plus un pouce de terrain dans toute la France. (voy. 18 Avril, Bataille de Formigny.)