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Tour Perret à Amiens : plus haut gratte-ciel d'Europe jusqu'en 1967

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Tour Perret à Amiens : plus haut
gratte-ciel d’Europe jusqu’en 1967
(Source : France 3 Hauts-de-France)
Publié / Mis à jour le samedi 30 avril 2022, par Redaction
 
 
Temps de lecture estimé : 5 mn
 
 
 
En 1952, les travaux de la tour Perret à Amiens s’achèvent. Plus haut immeuble d’Europe jusqu’en 1967, l’œuvre du plus grand architecte français sera pendant longtemps l’objet des critiques des Amiénois pour finalement devenir le symbole de la ville et de sa reconstruction après sa destruction pendant la Seconde Guerre mondiale.

Quelle que soit la direction par laquelle vous arrivez à Amiens, deux choses se détachent dans le paysage, visibles à des dizaines de kilomètres à la ronde : la cathédrale Notre Dame et la tour Perret. Si la première est le symbole de la magnificence économique et spirituelle de la capitale picarde, la seconde est celui de la reconstruction de la ville après la Seconde Guerre mondiale.

La construction de « la tour Eiffel d’Amiens », comme s’en amuse Francis Levant, architecte et habitant de la tour, est indissociable de la destruction de la ville. La Somme devient la cible de l’armée allemande en mai 1940. Abbeville, Doullens, Péronne, Albert sont soigneusement bombardées. Les premières bombes tombent sur Amiens dans l’après-midi du 15 mai 1940 : si la cathédrale est préservée, le centre-ville, le quartier de l’Hôtel de ville et celui du beffroi sont quasiment rasés par les largages allemands.

Auguste Perret et le projet de reconstruction de la gare d'Amiens
Auguste Perret et le projet de reconstruction de la gare d’Amiens. © Tour Perret STO 2/ Auguste Perret

La gare et la place Alphonse Fiquet attenante, centres des communications et du ravitaillement de la ville également. « Les Allemands ont mis le feu à ce qui restait après, explique Francis Levant. Donc, il ne restait plus rien ». Après l’armistice, Émile Pelletier, qui fut le préfet de la Somme de 1940 à 1942 avant d’être écarté par le gouvernement Laval, estimera que le département est le plus sinistré de France : 25 000 bâtiments ont été détruits dont plus de 5 000 rien qu’à Amiens.

La place Alphonse Fiquet entièrement réaménagée
Après la guerre, commencent les travaux de reconstruction d’Amiens. Une reconstruction pensée et décidée sous l’Occupation, notamment par l’architecte Pierre Dufau. Le projet de la gare, dont les premières esquisses datent de la fin 1940 et les dernières de 1949, est confié à Auguste Perret.

À l’époque, l’homme n’est déjà pas n’importe qui : représentant de l’architecture moderne française, spécialiste du béton, il compte à son actif l’église du Raincy, construite entre 1922 et 1923, et l’actuel siège du conseil économique et social (initialement le musée des Travaux Publics) au palais d’Iéna à Paris terminé en 1937. Depuis 1942, Auguste Perret fait partie du comité national de la reconstruction, constitué dès 1940.

Dufau et Perret prévoient de réaménager entièrement la place Alphonse Fiquet pour en faire un immense point d’entrée sur la ville depuis les gares routières et ferroviaires. « On a donné au plus grand architecte de France, parce qu’on peut considérer que Le Corbusier était Suisse, l’entrée de la ville : la gare et la place autour de la gare », raconte Francis Levant. Selon le projet, la forme carrée de la place est permise par la construction sur deux côtés de barre de bâtiments de trois étages. La longueur de ces immeubles est précise : 112 mètres, pas un de plus, pas un de moins.

Un beffroi moderne classé « immeuble expérimental »
Bien que l’utilisation du béton armé ait eu son lot de détracteurs, les Amiénois ne voient globalement rien à redire à cette refonte de la place de la gare. Ce qui n’est pas le cas du dernier volet du projet de Perret : l’édification, en face de la place Fiquet à l’entrée de la rue de Noyon qui va vers le centre-ville, d’une tour de 25 étages et de plus de 100 mètres de haut. L’architecte voit l’édifice comme un beffroi moderne et laïc.

Les plans du nouveau quartier de la gare et de la tour Perret sont prêts dès 1949. Deux modifications importantes sont alors apportées à la demande de la SNCF : il n’y aura pas de gare routière attenante à la gare ferroviaire, la construction coûtant trop chère, et le périmètre de la tour est réduit. Reste à trouver le budget de 225 millions de francs de l’époque pour pouvoir démarrer les travaux. C’est le ministère de la reconstruction et de l’urbanisme qui va financer le projet, sur des crédits d’expérimentation : Perret a en effet obtenu le classement de sa tour en « immeuble expérimental ».

Une facture qui n’est pas du goût de la presse locale : « Oser construire au cœur de cette vaste agglomération de maisonnettes un gratte-ciel... Voilà qui dépasse l’entendement, dans une ville où l’habitation individuelle est reine, surtout si elle s’agrémente d’un jardin potager. Les 50 habitants de la Tour Perret n’auront pas la séduisante possibilité de faire pousser sur place carottes, poireaux ou navets », peut-on lire dans l’édition du 5 août 1949 du Courrier picard. Les travaux de terrassement débutent en juillet 1949. Il faudra plus de 10 mois pour finir les fondations, 18 puits de béton profonds de 19 mètres.

Des caractéristiques hors normes
C’est le ministre de la reconstruction, Eugène Claudius-Petit, qui pose la première pierre de ce qui est déjà appelé « le plus haut gratte-ciel d’Europe » le 22 mai 1950. Près de deux ans plus tard, en mars 1952, le gros œuvre de la tour est terminé.

Amiens et la tour Perret. Carte multi-vues
Amiens et la tour Perret. Carte multi-vues

Deux ans pour aligner des caractéristiques hors normes : la tour Perret culmine alors à 104 mètres de haut (110 avec l’antenne radiophonique plantée sur le toit), présente 3 sous-sols et 25 étages. C’est le premier immeuble entièrement construit en béton armé de plus de 100 mètres. Sa surface totale est de 40 000 m2.

Des étages construits en trois parties distinctes : les 19 étages inférieurs forment un carré de 15 mètres de côté ; les 4 suivants sont sur un plan octogonal et les 2 derniers reprennent une forme carrée, desservis par deux ascenseurs. Le tout surplombé d’un réservoir hydraulique de 50 000 litres utile en cas d’incendie qui finit le bâtiment en toit terrasse.

« Perret, c’est quelqu’un qui a utilisé le béton armé. C’était son credo. Mais c’est quelqu’un de néo-classique, raconte Francis Levant. Donc il ne va pas faire une tour à l’Américaine comme le World Trade Center complètement rectangulaire de haut en bas. Le début, ce sont des carrés empilés. À une certaine hauteur, ils s’arrêtent et il y a un retrait. Ensuite, ça part sur un octogone au-dessus et ça revient sur un carré, à 45°, qui est plus petit. C’est un moyen de faire une tour et de l’animer. »

Un exploit salué par Le Courrier picard dans son édition du 31 juillet 1952 : « Sans vouloir faire de comparaison, reconnaissons que la fameuse Tour Eiffel, si décriée à ses origines, en raison de la prodigieuse hardiesse de sa conception et de son esthétique, est admise aujourd’hui comme un pôle d’attraction du monde entier. La Tour Perret ne vise sans doute ni si haut, ni si loin. Mais la France entière s’est penchée sur son berceau et nous savons que le monde a surveillé attentivement sa croissance. »

Inhabitée pendant 7 ans
Mais les Amiénois regardent cet exploit technique de construction d’un drôle d’œil aux formes un peu trop futuristes. Le Courrier picard du 23 octobre 1953 estime qu’il aurait « été sans doute dix fois plus profitable d’utiliser la même somme pour la construction de maisons. »

La tour Perret, dans laquelle sont finalement installés 26 appartements au confort moderne, restera inhabitée pendant 7 ans. Il faut dire que le prix de vente au m2 est supérieur de 15% à 20% au prix du marché, tout comme le prix à la location. « Elle a coûté une vraie fortune à l’époque. Et il y avait des problèmes pour amener l’eau là-haut, à 100 mètres de haut. Les Amiénois disaient que la tour avait ruiné la ville. Donc elle avait très mauvaise réputation », selon Francis Levant.

Auguste Perret ne verra pas l’achèvement de son projet de reconstruction du quartier de la gare d’Amiens : il meurt en 1954. La même année, l’État propose au conseil général de la Somme de racheter la tour, l’idée étant d’y consigner les archives départementales. Mais le Conseil départemental refuse. D’autres projets de vente sont envisagés sans qu’aucun n’aboutisse. L’idée d’une démolition n’est plus taboue : la tour Perret est quasiment vide et personne ne sait dire à quoi elle sert.

Elle sera finalement rachetée en 1959 par une société immobilière dirigée par un architecte, François Spoerry. « Comme il avait travaillé aux États-Unis, il savait que 100 mètres de haut, c’était rien, précise Francis Levant. Il savait comment faire monter l’eau là-haut. Donc il a racheté la tour à un prix qui a fait scandale à l’époque : 15 millions de francs. Il l’a complètement réaménagée et revendu en appartements en faisant une copropriété ».

Le plus haut immeuble d’Europe, classé monument historique
L’immeuble, qui est toujours le plus haut gratte-ciel d’Europe, est enfin inauguré le 24 juillet 1960. Les premiers habitants s’y installent en 1962. En 1967, la tour Perret perd son titre de plus haut immeuble d’Europe face aux 165 mètres et aux 35 étages de la tour du Midi à Bruxelles. Des visites touristiques sont organisées jusqu’en 1974 et la tour Perret est classée monument historique l’année suivante.

Tour Perret à Amiens
Tour Perret à Amiens

En 2005, des travaux de rénovation et d’embellissement de la tour sont financés par les copropriétaires. À cette occasion, un cube de verre est installé au sommet. Chargé d’égrener les heures au moyen d’une animation lumineuse, il parachève le projet initial de Perret qui voulait installer de grandes horloges en haut de la tour. Le cube qui donne l’heure avec les couleurs de l’arc-en-ciel rehausse par ailleurs l’édifice de 6 mètres 60. 22 projecteurs sont également installés pour éclairer les façades de l’immeuble la nuit.

Aujourd’hui, la tour Perret culmine à un peu plus de 110 mètres. À deux mètres de moins que la cathédrale Notre-Dame, sa voisine ancestrale et gothique. Car à Amiens, se côtoient l’emblème médiéval des prouesses des tailleurs de pierre et le témoignage de la modernité de béton armé de leurs héritiers.

Jennifer Alberts
France 3 Hauts-de-France

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