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Peste noire au XIVe siècle : un fléau parti de Rouen

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Événements marquants
Evénements ayant marqué le passé et la petite ou la grande Histoire de France. Faits marquants d’autrefois.
Peste noire au XIVe siècle :
un fléau parti de Rouen
(Source : GEO)
Publié / Mis à jour le jeudi 24 février 2022, par Redaction
 
 
Temps de lecture estimé : 3 mn
 
 
 
Durant l’été 1348, l’épidémie la plus meurtrière de l’histoire est arrivée en France par la Normandie, déjà affaiblie par la guerre de Cent Ans. La peste se répandra ensuite dans tout le royaume.

Personne n’a rien vu venir. En juillet 1348, des navires de commerce venus d’Angleterre, qui avaient vogué dans les mers d’Asie, accostent à Rouen. À leurs bords, quelques marins fiévreux et des rats transportant des puces contaminées par une bactérie. Ce bacille, nommé Yersinia pestis, fait des ravages sur le continent asiatique depuis le début des années 1330. Une seule piqûre de puce suffit pour contaminer un être humain. En quelques jours, le port de Rouen, sur la Seine, voit alors des personnes atteintes de terrifiants symptômes.

« Au bout d’un à six jours, les malades ressentaient une terrible fièvre. Des bubons se formaient sur la peau puis grossissaient. Puis venait une toux, laquelle se transformait en une maladie pulmonaire marquée par des crachements de sang », raconte l’historien Guy Bois, auteur de La Grande Dépression médiévale, XIVe et XVe siècles (éd. PUF, 2000). Et d’ajouter. « Si le taux de survie des malades piqués par les puces se situait entre 20 et 40%, la variante pulmonaire, dite peste bubonique, qui se transmettait d’individu à individu par le biais de postillons, fut mortelle à 100 ! »

Flagellants faisant pénitence pendant la peste noire (1348-1352). Gravure de 1860 (colorisée ultérieurement) réalisée d'après un dessin d'Adolf Ehrhardt (1813-1899)
Flagellants faisant pénitence pendant la peste noire (1348-1352).
Gravure de 1860 (colorisée ultérieurement) réalisée d’après un dessin d’Adolf Ehrhardt (1813-1899)

Une épidémie qui demeure incontrôlable
Rouen, l’une des villes les plus peuplées du royaume de France au XIVe siècle (environ 30 000 habitants), est un terrain de propagation idéal pour l’épidémie. Les historiens peinent à donner des chiffres précis sur le nombre de décès, mais la plupart considèrent qu’un tiers des Rouennais trouva la mort en l’espace de seulement six mois.

Si la cité avait autrefois connu des épidémies de dysenterie, choléra et typhus, jamais elle n’avait dû faire face à un tel fléau. Car cette fois, le mal est inconnu. Il frappe sans distinction d’âge et de classe sociale. Jeanne de Navarre, comtesse d’Evreux et fille du roi de France Louis X, est l’une des premières victimes.

Dans les quartiers populaires, où les cadavres sont nombreux, les autorités font construire de nouveaux cimetières tels que l’aître Saint-Maclou pour y enterrer les pestiférés. Mais l’épidémie demeure incontrôlable. La médecine, impuissante, accuse « la corruption de l’air » et ne prodigue qu’un seul remède : la fuite. Les commerces ferment les uns après les autres.

La peste noire gagne Rouen, Caen et Coutances
Pour la population, il ne fait aucun doute que le fléau est la manifestation d’une colère divine. Hommes, femmes et enfants se précipitent dans les églises et s’agenouillent devant des statues comme celle de saint Roch, guérisseur des pestilences et de la lèpre.

Peine perdue. Progressant le long des grands axes marchands de Normandie, l’épidémie gagne, durant l’été, la cité de Caen, qui se remet à peine d’un raid de pilleurs anglais. L’abbé de la ville, La Rue, écrit dans ses Annales de la ville de Caen (1348) que, « comme pour cause de la guerre des Anglois et de la grande mortalité que Dieu a envoyée sur son peuple, les maisons, terres et rente sont de moindre valeur ».

Au début de l’automne, c’est au tour de Coutances d’affronter l’apocalypse. « Les morts étaient si nombreux que l’on disait que le monde finissait », note le docteur Louis Porquet dans son livre La Peste en Normandie du XIVe au XVIIe siècle (1898), la plus importante somme d’informations consacrée à la peste noire dans la région. Il raconte, notamment, le passage de la maladie dans le bocage, notamment à La Graveriez, près de Vire, où la population se lamenta du décès soudain de la châtelaine. Les confins de la province, isolés, sont malgré tout préservés, à l’image du Mont-Saint-Michel, protégé par ses remparts et un strict contrôle des allers et venues. Partout ailleurs, les corps s’amoncellent.

Dans bien des paroisses, on creuse à la hâte, comme à Rouen, des fosses communes pour les inhumer. À Dieppe, le duc de Normandie en personne, Jean II (1319-1364), offre un emplacement à Saint-Martin-sur-Renelle. Des confréries de charité se créent pour prendre en charge l’enterrement des plus pauvres car « les gens mouraient sans serviteur et étaient ensevelis sans prêtre par peur de la contagion », note Louis Porquet. Dans les villages, seul le tocsin des convois mortuaires vient rompre le lugubre silence.

Pour échapper à la fosse commune, les riches rouennais et caennais achètent des sépultures dans les cimetières des églises. Et les Dominicains de Coutances reçoivent une pluie de dons d’habitants inquiets du salut de leurs âmes... Chacun tente en effet de se protéger comme il peut. Pour apaiser « la colère du ciel », les édiles rouennais interdisent le jeu, l’alcool et les jurons tandis que les habitants de Bayeux organisent des processions, une corde au cou et les pieds nus, en invoquant saint Ouen, premier évêque de Rouen, né au VIIe siècle. Partout on prie.

La peste voyage vite, mais moins que la nouvelle de son arrivée qui provoque la panique. L’instinct pousse souvent à fuir, en abandonnant ses proches à la maladie. Au XVe siècle, le chroniqueur normand Thomas Basin garde le souvenir de ces malheureux qui « se confièrent à la mer pour se rendre soit en Bretagne soit en Angleterre et y goûter le triste pain de la servitude ou la mort dans les flots marins, ou encore, déjà contaminés par leurs compagnons malades de la peste, pour mourir en abordant aux rivages espérés ».

Prêtre bénissant des moines pestiférés. Enluminure extraite de Omne Bonum, composé par James le Palmer vers 1360 (manuscrit anglais Royal 6 E VI de la British Library)
Prêtre bénissant des moines pestiférés. Enluminure extraite de Omne Bonum,
composé par James le Palmer vers 1360 (manuscrit anglais Royal 6 E VI de la British Library)

La peste noire fait 7 millions de morts en France
Faute de recensement fiable, le bilan global de la peste noire en Normandie doit être pris avec des pincettes. Saint-Lô, centre de draperie employant 8 000 ouvriers, était, en 1348, l’une des plus grandes villes du royaume. En 1365, il ne restait plus que 2 450 âmes. L’historien Guy Bois estime que la Normandie orientale a perdu la moitié de sa population entre 1314 et 1380.

Mais dans cette hécatombe pèsent aussi les exactions des Anglais qui avaient débarqué dans le Cotentin à l’été 1346, mettant fin à une paix fragile dans la région. Les déplacements de soldats et de civils fuyant les combats ont d’ailleurs accéléré la diffusion de l’épidémie. La peste noire a donc surgi sous des auspices qui lui furent favorables.

Dès l’hiver 1348-1349, elle abandonne la Normandie pour gagner d’autres régions de France puis l’Europe continentale. Se répandant jusqu’en 1352, elle tuera, selon les spécialistes, environ 7 millions de Français sur 17 millions. D’autres vagues épidémiques moins importantes, comme celle de 1362, viendront aggraver cette catastrophe démographique. Sa population décimée et son économie à terre, il faudra deux siècles à la Normandie pour se remettre de ce fléau.

 
 
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