Mystérieux abri de la Seconde Guerre mondiale à Fécamp (Seine-Maritime)

Il n’est pas indiqué sur les panneaux. Pour y accéder, mieux vaut être initié. Ou Fécampois. Grimper par une petite route. S’arrêter au bord d’un chemin qui s’enfonce dans un bois du côté du Val-Criquet. À quelques dizaines de mètres, à gauche, une porte en ferraille verrouillée, engoncée sous plusieurs mètres de végétation et de roche, signifie que nous arrivons au but. Voici l’entrée de l’hôpital militaire allemand. Ou plutôt du supposé hôpital. « Enfin, était-ce vraiment un hôpital ? », s’interroge Manuel Martin, qui, après avoir ouvert la porte, nous fait pénétrer dans cette étonnante cavité.

Trois immenses salles voûtées ont été creusées dans la craie. À l’intersection de ces trois espaces, une rangée de petites pièces en briques... À certains endroits, la construction des murs semble interrompue, renforçant cette impression que le lieu s’est figé dans le temps. Mais que s’est-il passé ici ?

L’une des entrées de la mystérieuse cavité du Val-Criquet, creusée par les Allemands
à Fécamp (Seine-Maritime) pendant la Seconde Guerre mondiale. © Crédit photo : Nicolas Montard

Cet impressionnant abri a été creusé pendant la Seconde Guerre mondiale sous l’ordre de l’occupant allemand. Il fait partie du fameux mur de l’Atlantique, dont on voit les vestiges, via des blockhaus sur les hauteurs de Fécamp (Seine-Maritime).

Pourquoi a-t-il été appelé « hôpital militaire », alors qu’aucune source écrite ne l’a jamais attesté ainsi ? Bonne question, qui questionne « sur la transmission des récits oraux locaux », s’amuse Manuel Martin, chef du service Archives-Patrimoine à la Ville. On a dit qu’on avait retrouvé une boîte de médicaments, mais c’est peu pour transformer définitivement les lieux en hôpital militaire. D’autant que des questions de praticité se posent. Vu sa localisation, la cavité n’était pas très accessible pour des blessés, les portes des prétendues-supposées salles d’opération — les pièces en briques — paraissent étroites pour laisser passer des brancards. Manuel Martin serait plus enclin à y voir un dépôt de munitions ou de carburant, d’autant que d’autres abris sanitaires, attestés, existaient dans le secteur.

Des pistes en Allemagne ?
Il connaîtra peut-être un jour la réponse. Il y a deux ans, une guide, Laëtitia Oliver, a trouvé un document mentionnant les lieux, à l’hôpital allemand du Havre. Dans ce rapport d’inspection du Génie de forteresse, en allemand, il est précisé que les lieux ont été victimes d’un effondrement en 1943 (ce qui pourrait expliquer la présence d’un grand mur de soutènement au fond de l’une des salles). Et il est bien fait mention d’une destination d’abri sanitaire sous la Côte de la Vierge. « C’est un document d’archives, historique, qui permet d’éviter les « il paraît que » qui ont transformé la cavité en véritable hôpital militaire, certainement une exagération... » Mais le lieu a-t-il gardé cette destination originelle ? A-t-il été utilisé pour d’autres activités ensuite ?

À l’intersection des salles voûtées, on trouve des salles en briques. © Crédit photo : Nicolas Montard

À défaut de donner toutes les réponses, cette bribe de rapport, document incomplet, ouvre des perspectives pour les Fécampois. Manuel Martin et son équipe souhaitent continuer à creuser dans les archives allemandes et dérouler le fil. « Il doit certainement exister d’autres documents. C’est un détail qui ne changera pas l’histoire de la guerre, mais qui permettra de mieux comprendre Fécamp pendant cette période, alors que les témoignages sont flous ou indirects. »

Réponses précises ou pas, la cavité attire. Depuis 25 ans et l’ouverture au public, c’est même devenu l’une des visites guidées les plus prisées de Fécamp à la belle saison, avec 200 visiteurs par semaine en été. Comme quoi, le halo de mystère, si local puisse-t-il être, fait vendre.

Nicolas Montard
Ouest France
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