Coutumes, Traditions Origine, histoire des coutumes, traditions populaires et régionales, fêtes locales, jeux d’antan, moeurs, art de vivre de nos ancêtres Gâteau des Rois et fête des Rois :tradition séculaire et truculente (D’après « Les rues du vieux Paris : galerie populaireet pittoresque » (par Victor Fournel), édition de 1881) Publié / Mis à jour le samedi 6 janvier 2024, par Redaction Temps de lecture estimé : 11 mn Mentionné dès le début du XIVe siècle, le gâteau des Rois, partagé lors de l’Épiphanie célébrant la visite des rois mages à l’enfant Jésus, donna lieu à de bruyantes réjouissances et de curieuses croyances, la fève qu’il contient valant au convive la trouvant dans sa part d’être surnommé « roi » ou « reine », cette coutume étant observée par les véritables rois eux-mêmes au nombre desquels François Ier à qui il arriva mésaventure, ou encore Louis XIV ne boudant pas ce plaisir La fête des Rois se célébrait jadis avec infiniment plus d’appareil et de cérémonies joyeuses qu’aujourd’hui. Après les offices on représentait des mystères. Nous lisons dans les Mémoires de maître Jean de la Haye (chapitre XX), que Hugues Capet avait une prédilection particulière pour la solennité des Rois, qu’il portait ce jour-là une étoile d’or à son chapeau, et en donnait de pareilles à ceux qui l’avaient le plus favorisé dans son élévation au trône. Ce fut le point de départ de l’ordre de Notre-Dame-de-l’Étoile, fondé son fils Robert. Le continuateur de Guillaume de Nangis nous apprend que les rois de France offraient à l’autel, le jour de l’Épiphanie, de l’or, de l’encens et de la myrrhe, et il décrit l’une de ces cérémonies, qui se fit avec beaucoup de magnificence sous Charles V, en 1378. Le roi boit ou le Tirage de la fève de l’Épiphanie. Gravure publiée dansLe Petit Journal. Supplément du dimanche du 1er janvier 1907 et réaliséed’après la peinture de Jacob Jordaens (vers 1640) Un ancien ordinaire de l’église de Sainte-Madeleine de Besançon, décrit ainsi la manière dont on célébrait l’Épiphanie. Quelques jours avant la fête, les chanoines élisaient un d’entre eux auquel on donnait le nom de roi, parce qu’il devait tenir la place du Roi des rois. On lui dressait dans le chœur une espèce de trône ; une palme était son sceptre, et il officiait le jour de l’Épiphanie dès les premières vêpres. À la messe, trois chanoines, revêtus de dalmatiques de trois couleurs différentes (blanche, rouge, noire), ayant couronne en tête, palme en main, suivis chacun d’un page portant leurs présents, sortaient de la sacristie et descendaient, en chantant l’évangile, dans l’église inférieure, qu’ils parcouraient, précédés d’une sorte de lustre figurant l’étoile. À cet endroit de l’évangile où il est dit que les mages entrèrent dans l’étable et y adorèrent Jésus, ils remontaient au chœur, et venant à l’autel, se prosternaient devant le célébrant et lui offraient leurs présents, puis s’en retournaient du côté opposé à celui par lequel ils étaient venus. Le chanoine-roi, la veille et le jour de l’Épiphanie, l’office achevé, donnait à tous les confrères qui composaient sa cour une magnifique collation. Les séculiers ne voulurent pas sur ce point céder en dévotion aux ecclésiastiques : ils résolurent de faire un roi dans chaque famille et choisirent le moment du repas, avec le sort pour arbitre. Un gâteau, partagé entre tous les convives, contenait une fève, afin que celui dans la part duquel elle se trouverait fût reconnu roi. Toute la famille se soumettait à ses ordres. Afin de lui marquer quelque distinction pendant le temps du repas, on criait : Le roi boit, vive le roi ! chaque fois qu’il buvait, et pour punir ceux qui manquaient à un devoir si important, on convint de les barbouiller de noir. Souvenir de l’opinion répandue parmi le peuple que l’un des trois rois mages était noir. Il est question du gâteau des Rois dès 1311, dans une charte de Robert, évêque d’Amiens, mais nous manquons de renseignements anecdotiques sur la façon dont se célébrait cette partie de la fête dans une époque aussi reculée. Un peu plus tard, Jean d’Orrouville rapporte ainsi la manière dont Louis III, duc de Bourbon, choisissait son roi : « Vint le jour des Rois, où le duc de Bourbon fit grande fête et lie chère, et fit son roi d’un enfant en l’age de huit ans, le plus pauvre que l’on trouva en toute la ville, et le faisait vêtir en habit royal, en lui laissant tous ses officiers pour le gouverner, et faisait bonne chère à celui roi, pour révérence de Dieu, et le lendemain dînait celui roi à la table d’honneur. Après venait son maître d’hôtel, qui faisait la quête pour le pauvre roi, auquel le duc Louis de Bourbon donnait communément quarante livres pour le tenir à l’école, et tous les chevaliers de la cour chacun un franc, et les écuyers chacun demi-franc ; si montait la somme aucune fois près de cent francs, que l’on baillait au père ou à la mère pour les enfants qui étaient rois à leur tour, à enseigner à l’école sans autre œuvre, dont maint d’iceux vivaient à grand honneur ; et cette belle coutume tint le vaillant duc de Bourbon tant qu’il vécut. » Les écoliers de l’université de Paris passaient les jours des fêtes de la Saint-Martin, de Sainte-Catherine, de Saint-Nicolas, les fêtes des nations, des collèges et celles des Rois, en divertissements avec des farceurs et des comédiens qui dansaient et qui chantaient des airs tout à fait profanes. Chaque fois que l’Épiphanie revenait, les Picards qui faisaient leurs études au collège du cardinal Lemoine choisissaient un des leurs pour représenter ce prélat. L’élu assistait aux premières vêpres en habit de pourpre, avec un aumônier chargé de porter son chapeau rouge, puis il régalait ses camarades de dragées et les réunissait dans un souper joyeux. Une fête des Rois sous le duc Louis de Bourbon, à Moulins : les écuyers du duccherchant l’enfant le plus pauvre de la ville, le conduisent à la place d’honneur.Lithographie de Marcel Pille parue dans L’Illustration du 7 janvier 1899 La faculté des arts fit un statut en 1484 pour réprimer ces abus ; elle excepta néanmoins dans son décret la veille et la fête des Rois, jours auxquels elle permit aux écoliers de se réjouir honnêtement, après avoir assisté au service divin. Cette fête était tellement entrée dans les mœurs qu’on n’eût pu y toucher sans soulever des tempêtes. C’est aussi la veille de l’Épiphanie que les corporations tiraient au sort de la fève un roi qui conservait son pouvoir toute l’année. Les clercs de la chambre des comptes organisaient un cortège à travers les rues, et allaient donner des aubades et distribuer des gâteaux à tous les membres de la chambre. Ce jour-là, le voyer prélevait une redevance d’un fromage sur les fromagers du marché aux Poirées, d’un gâteau à la fève sur chacun des pâtissiers des halles, et une foule d’autres impôts en nature sur les petits artisans des rues et des places publiques. Guillaume Bouchet (1513-1594) a écrit sa quatrième serée sur la fête des Rois. Il résulte de sa description que les masques, qui couraient alors les rues depuis le 1er janvier et même depuis Noël, se présentaient dans les maisons où l’on avait tiré les Rois, pour y donner le momon. Ils portaient des défis au roi, et, comme les sujets de celui-ci se croyaient obligés de soutenir leur maître, parfois les convives perdaient tout leur argent dans une partie de dés avec ces mystérieux visiteurs. Les masques du momon jetaient souvent des dragées en entrant aux valets et aux chambrières, et ils jouaient des boîtes sèches de confitures, du cotignac et des sucreries de tout genre. Les joueurs d’instruments couraient également la ville et se présentaient dans les maisons pour y faire danser. Il semble d’ailleurs, d’après quelques détails, que l’entrée fût à peu près libre en ces bacchanales du Roi-boit, car Bouchet parle, vers la fin du chapitre, d’un homme « assez d’apparence », qui s’était trouvé plusieurs fois dans ces assemblées, sans que personne le connût. On s’avisa de lui faire présenter le bouquet par une fort honnête damoiselle, au nom de toute la compagnie, pour l’inviter à rendre aux convives la politesse qu’il en avait reçue, mais il se trouva que c’était un adroit escroc. On voit aussi dans la même serée que les Rois se tiraient, comme aujourd’hui, la veille de l’Épiphanie, au moyen d’une fève, que beaucoup de gens s’efforçaient de cacher quand elle était dans leur part de gâteau, à cause des grands frais qu’entraînait la royauté. De là le dicton moqueur : « Vous diriez qu’il a trouvé la fève au gâteau. » On commençait par tirer la part de Dieu. Celui qui était désigné par le sort devait payer sa royauté quelques jours après. On criait : Vive le roi ! et Le roi boit ! à tue-tête ; et ceux qui oubliaient de crier étaient à l’amende. À ce propos, le roi de la serée, qui devait payer de sa personne en toutes les façons, dit quelques bons contes, suivant l’usage de nos pères. Le plus joli est celui d’un brave homme dont la femme braille comme une pie dès qu’il la touche du bout du doigt. À force de rêver au moyen de la battre tout son soul sans danger, il s’avise que la meilleure époque est le jour des Rois, car elle aura beau crier, les voisins ne l’entendront pas, au milieu du tapage qu’ils font, ou, s’ils l’entendent, ils se figureront qu’on crie : Le roi boit ! Là-dessus, un bon compagnon réplique qu’il comprend enfin la signification de ce qu’il a lu dans un almanach, à la vigile des Rois : « Bon battre sa femme. » Ailleurs, un roi de la fève raconte l’historiette suivante : « Vous savez tous que l’année passée nous fîmes les Rois en notre maison ; vous savez qui fut roi, mais possible vous ne savez pas celui de mes gens qui le fut en leur table, ayant leur gâteau à part, et si pourtant leur royauté dura plus que la nôtre : car, après avoir crié et bu du meilleur, aussi bien que nous, en leur petite royauté, nous pensions qu’ils se fussent couchés et retirés comme nous ; mais, ayant les poumons échauffés de crier et de boire, mes gens descendent en la cave, et après le bussard que j’avais percé ce jour-là. « Le bon fut que leur roi commençant le premier à boire, comme il lui appartenait, sans penser en mal, ils vont crier à pleine tête : Le roi boit, le roi boit. Me réveillant en sursaut, et ma femme aussi, commençâmes à crier à notre force : Le roi boit, aussi bon qu’eux, de peur de l’amende, pensant être encore à table. Ma femme revenant à soi, se lève, et Dieu sait si elle ne cria pas plus fort que tous eux ensemble, trouvant tous nos gens à table, les pots et les verres tout pleins du vin nouvellement percé. » Fête des Rois en Normandie. Détail d’une gravure d’Edmond Morinpubliée dans Le Monde illustré du 9 janvier 1858 Pasquier nous apprend que, pendant le repas des Rois, on mettait « un petit enfant sous la table, lequel le maître interroge sous le nom de Phébé, comme si ce fut un qui, en l’innocence de son âge, représentât une forme d’oracle d’Apollon. » À cet interrogatoire l’enfant répond d’un mot latin : Domine, puis, sur la demande du maître, il désigne la personne à laquelle doit être donné le morceau de gâteau. On voit par une lettre de la princesse Palatine que les choses se pratiquaient encore de même à la fin du règne de Louis XIV : le premier morceau était pour le bon Dieu, et le deuxième pour la sainte Vierge. Si le bon Dieu avait la fève, c’est le maître de la maison qui était roi, et si c’était la sainte Vierge, elle cédait ses droits à la dame du plus haut rang qui se trouvait là. Le roi nommait des ministres et des chambellans ; il régnait sur la table comme dans un empire absolu. Jean Deslyons, docteur de Sorbonne, doyen et théologal de l’église cathédrale de Senlis, fulmina en 1664 ses Discours ecclésiastiques contre le paganisme du Roy-boit où il livre des détails extrêmement curieux sur les usages de cette fête. Pour Deslyons, le banquet des Rois et l’usage des étrennes sont, aussi bien que la fête des Fous, d’abominables restes du paganisme, et une continuation des saturnales cachée sous un voile chrétien. Au Moyen Âge, du moins au XIIIe siècle, la veille de l’Épiphanie, comme celle de la Saint-Jean, était accompagnée de feux, auxquels le peuple attachait la même idée superstitieuse : « Il faut également rapporter à l’idolâtrie, écrit Guillaume d’Auvergne, évêque de Paris, dans son livre des Lois, les feux qu’on a coutume de faire la veille de l’Épiphanie, et par le moyen desquels les insensés croient se garantir de la peste. » L’habitude de ce feu, si toutefois Guillaume d’Auvergne veut parler d’un feu public, ne survécut pas au Moyen Âge ; mais l’Épiphanie n’en persista pas moins à être célébrée dans le peuple avec un entrain extraordinaire, même après que la fête des Fous, qui l’avait déshonorée si longtemps par ses bouffonneries sacrilèges, eut disparu. Les marchands de chapels de fleurs remplissaient les rues, colportant et criant ces gracieux couvre-chefs dont les convives du festin se coiffaient et coiffaient les bouteilles ce jour-là. Le bruit retentissant des rires, des acclamations, des verres heurtés les uns contre les autres, perçait les portes et les fenêtres ; l’huis des pâtissiers resplendissait et faisait flamboyer au loin les figures bizarres de leurs lanternes vives ; les valets couraient par les rues, portant les gâteaux envoyés par le maître à ses amis ; les pauvres allaient de maison en maison chercher la part qu’on leur réservait, c’est-à-dire le premier morceau, le morceau du bon Dieu, choisi par le plus jeune des convives. Toute la nuit, la ville entière était sur pied et jusqu’au lendemain passait le temps en assemblées joyeuses, en jeux bruyants, danses, ballets, comédies et mascarades. Le roi et la reine d’un jour se présentaient à l’offrande, où l’on portait solennellement la fève trouvée dans le gâteau. C’est à la suite de la fête des Rois de 1521 que François Ier, encore jeune et passablement fou, s’étant amusé, en tête d’une bande de joyeux compagnons, à aller faire à coups de pommes, d’œufs et de boules de neige, un siège en règle de l’hôtel du comte de Saint-Pol, qui était le roi de la fève, reçut sur la tête une bûche jetée par l’un des assiégés et qui le renversa sans connaissance. Revenu à lui, il ne voulut point qu’on recherchât le coupable, trouvant juste de payer la folie qu’il avait faite lui-même. L’homme à la bûche s’appelait Montgommery, et il était père de celui qui devait blesser mortellement Henri II dans un tournoi. « Le lundi, sixième jour des Roys (1578), lit-on dans le Journal du règne de Henri III, la demoiselle de Pons de Bretagne, royne de la feve, par le roy desesperement brave, frisé et gauderonné, fut menée du château du Louvre à la messe en la chapelle de Bourbon, estant le roy suivy de ses jeunes mignons, autant ou plus braves que luy. Bussi d’Amboise s’y trouva à la suite de monsieur le duc, son maistre, habillé tout simplement et modestement, mais suivy de six pages vestus de drap d’or frisé. » Ce n’est pas là un fait isolé ; il se rattachait à une coutume générale de la cour d’Henri III, comme on le voit par un passage d’un autre historien, Du Pirat, qui complète curieusement celui-là : La fête des Rois. Peinture de Jan Steen (1668) « Du règne d’Henri III, on faisoit à la cour, la veille de la feste des Roys, au souper, une royne de la feve. Et le jour des Roys, le roy la menoit à la messe à son costé gauche ; et si la royne y estoit, elle marchoit au costé droit. Un peu au-dessous du roy, on préparoit un oratoire et un drap de pied pour la royne de la feve, au costé gauche de celuy du roy, avec son carreau à main droite. Le roy bailloit à l’offrande avec l’écu trois boulles de cire : l’une couverte de feuilles d’or, l’autre de feuilles d’argent, et la troisième couverte d’encens... Le roy, estant de retour en sa place sous le daix, la royne de la feve se levoit, et ayant fait la révérence au roy et à la royne, alloit à l’offrande. La royne n’y alloit pas, et, après la messe, Leurs Majestez et la royne de la feve, somptueusement vestues et parées, retournoient en grande pompe au Louvre, les trompettes et tambours sonnans. Cette cérémonie de la royne de la feve n’a point depuis été observée. » La cour de Louis XIV resta fidèle à la coutume de tirer la fève. Madame de Motteville raconte, à la date de 1648, qu’elle sépara un gâteau des Rois, en compagnie de sa sœur, de madame de Brégy et d’Anne d’Autriche, et qu’elles burent à la santé de celle-ci avec de l’hypocras qu’elle avait fait apporter à leur table. L’année suivante, le petit roi fut de la réunion. Anne d’Autriche fut proclamée reine, parce que la fève s’était trouvée dans la part de la Vierge. On célébra encore cette fête en buvant une bouteille d’hypocras, liqueur fort à la mode au XVIIe siècle, faite avec du vin mêlé de sucre, de cannelle, de girofle, de gingembre, et tandis qu’Anne d’Autriche buvait, tout le monde cria à tue-tête : La reine boit ! la reine boit ! En 1684, les Rois furent célébrés en grande cérémonie. On avait dressé dans la même salle cinq tables, dont quatre étaient réservées aux dames. On y tira la fève à toutes les cinq ; puis le roi et les reines se choisirent des ministres et des ambassadeurs, pour aller complimenter les puissances voisines et leur proposer des traités d’alliance. Ce jeu donna naissance à une foule de discours et de plaisanteries agréables, où quelques courtisans montrèrent beaucoup d’esprit. Il plut tellement à Louis XIV qu’il voulut recommencer la semaine suivante ; on s’arrangea cette fois pour lui faire échoir la fève, qui était d’abord tombée au grand écuyer, et il s’acquitta de sa charge en homme qui en avait l’habitude. Dans son Journal, Dangeau, comme avait fait avant lui Héroard, mentionne à peu près chaque année la célébration des Rois, presque toujours avec cinq tables, auxquelles s’asseyaient les principaux seigneurs de la cour. En 1691, il tira la fève à Versailles avec le roi et la reine d’Angleterre. Louis XIV ne manqua pas d’être favorisé par le sort à sa table. « Dans les deux tribunes, dit Dangeau, il y avait toute la musique du roi, avec des orgues, des trompettes et des timbales, et l’on criait : Vive le roi ! en musique. » Il est question plusieurs fois aussi de cette fête dans Saint-Simon. On raconte que Louis XV ayant tiré la fève avec ses trois petits-fils, celle-ci se trouva coupée en trois morceaux, ce qui fut considéré comme l’annonce prophétique du règne successif des trois frères : « La partie supérieure, séparée des premières, prédit le martyre du jeune duc de Berry, Louis XVI ; l’inférieure, brisée, fut le symbole de la monarchie rompue au règne du dernier des trois, le comte d’Artois, depuis Charle X. » Mais il s’agit d’une anecdote apocryphe arrangée après coup. Vers cette époque, ou un peu plus tôt, l’usage était de tirer les Rois avant le repas. Un jour Fontenelle avait eu la fève. On se mit à dîner : c’était au roi à présider la table et à veiller au bien-être des convives. On remarqua qu’il négligeait d’offrir à ceux-ci d’un excellent plat qu’il avait devant lui : « Le roi oublie ses sujets, lui dit-on. — Voilà comme nous sommes, nous autres, » répondit Fontenelle avec son fin sourire. Une autre fois encore, la fève lui était échue en partage : « Vous êtes roi ! fit un des convives. Serez-vous despote ? — Belle demande ! » répondit-il. L’année 1741 fut une époque néfaste dans les annales du gâteau des Rois. Une de ces disettes que ramenait si fréquemment, au XVIIIe siècle, l’organisation mal entendue de l’administration publique, avait régné toute l’année précédente, si bien que le Parlement n’imagina rien de mieux pour y remédier que de prendre, dans le courant du mois de décembre, un arrêt qui interdisait la fabrication de la galette des rois. Le gâteau des Rois. La Part à Dieu. Gravure d’Alexandre Ferlinanduspubliée dans Le Monde illustré du 8 janvier 1881 Le gâteau de l’Épiphanie a survécu à la ruine de bien des vieilles coutumes populaires. La Révolution, pourtant, avait voulu naturellement abolir cette inoffensive solennité, aussi bien que les étrennes, et elle avait poursuivi les rois jusque autour de la table de famille, comme jusque dans les tragédies et les jeux de cartes. Les Révolutions de Paris (n° 131) se lamentaient de voir que, malgré la révolution, cet usage aristocratique persistât encore en 1792, surtout dans les collèges et les maisons particulières d’éducation. Dans la séance de la Convention du 30 décembre 1792, Manuel monta à la tribune, et proposa « un décret et très court qui ne peut pas souffrir de difficulté. Je demande que la Convention décrète qu’aucun ministre, de quelque culte que ce soit, ne pourra célébrer des fêtes sous le nom de fête des Rois. Ces fêtes sont anti-civiques et contre-révolutionnaires ». Sur l’observation d’un membre, qu’il ne s’agissait pas là de rois de France, et malgré l’insistance de Manuel, la Convention eut le bon sens de passer à l’ordre du jour. Mais la Commune, qui s’appliquait à n’être dépassée par personne dans son zèle républicain, se montra plus farouche envers la fête des rois : « Nos législateurs, écrivait Prudhomme l’année suivante, dans le n° 182 des Révolutions de Paris, passèrent à l’ordre du jour, et firent bien. Ceci n’est pas de leur ressort : c’est notre affaire à nous autres citoyens. Si nous sommes aussi bons républicains que nous nous le disons, nous laisserons les prêtres morfondus psalmodier tout seuls sur leurs tréteaux sacrés des hymnes en l’honneur des trois rois. Nous bannirons à jamais ce mot et les idées qu’il rappelle de nos repas de famille. Nous abolirons la royauté de la fève, comme nous avons fait de l’autre, et nous lui substituerons le gâteau de l’égalité, en remplaçant la solennité de l’Épiphanie par une fête du bon voisinage ; la fève servirait à marquer celui des voisins chez lequel se ferait le banquet fraternel où chacun apporterait son plat, à l’exemple de nos bons aïeux. « Un arrêté de la Commune change le jour des rois en fête des sans-culottes. À la bonne heure ! mais cela ne suffit pas. Cette innovation est trop vague. Il faut, quand on veut détruire un vieil usage, le remplacer par un autre bien circonstancié, afin que l’attrait de la nouveauté serve de recommandation à la sagesse du motif. » Même rubrique > voir les 296 ARTICLES Saisissez votre mail, et appuyez sur OKpour vous abonner gratuitement Vos réactions Prolongez votre voyage dans le temps avec notreencyclopédie consacrée à l'Histoire de France Choisissez un numéro et découvrez les extraits en ligne ! Numéro ? 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