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Histoire du costume, costumes anciens : hommes et femmes à la fin du quatorzième siècle (XIVe)

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Mode, Costumes
Variations des costumes depuis les Gaulois jusqu’au XIXe siècle. Histoire du costume, vêtement, coiffures, chaussures. Mode vestimentaire
XIVe siècle (Costumes des hommes
et des femmes à la fin du)
(D’après un article paru en 1846)
Publié / Mis à jour le dimanche 17 janvier 2010, par LA RÉDACTION
 
 
Temps de lecture estimé : 8 mn
 

Voici ce qu’on lit dans la chronique de Saint-Denis à propos de la bataille de Crécy, qui eut lieu ; comme on sait, le 26 août 1346 : « Nous devons croire que Dieu a souffert ceste chose par les désertes (démérites) de nos péchés, jasoit (quoique) à nous n’aparteigne pas de en juger. Mais ce que nous voyons, nous tesmoignons ; car l’orgueil estoit moult grant en France, et meismement (surtout) ès nobles et en aucuns autres, c’est assavoir, en orgueil de seigneurie, et en convoitise de richesses, et en deshonnesteté de vesture et de divers habits, qui couroient communément par le royaume de France ; car les uns avoient robes si courtes qu’ils ne leur venoient que aux nasches (fesses), et quant ils se baissoient pour servir un seigneur, ils monstroient leurs braies à ceux qui estoient derrière eux ; et si estoient si estroites qu’il leur falloit aide à eux au vestir et au despouiller, et sembloit que l’on les escorchoit quant l’on les despouilloit. Et les autres avoient robes froncées sur les reins comme femmes, et si avoient leurs chaperons destranchés menuement tout autour ; et si avoient une chausse d’un drap et l’autre d’autre ; et si leur venoient leurs cornettes et leurs manches près de terre, et sembloient mieux jongleurs que autres gens. Et pour ce, ne fu pas merveille si Dieu voulut corriger les excès des François par son fléau, le roi d’Angleterre. »

Gentilhomme d'après une miniature d'environ 1360 (Recueil de Gaignières, tome III)

Gentilhomme d’après une miniature
d’environ 1360 (Recueil de
Gaignières, tome III)

Un autre auteur du même temps ajoute que la contagion gagna à la fois les nobles, les écuyers, les bourgeois et toute la valetaille des châteaux ; que l’adoption des barbes taillées comme celle des chèvres vint compléter un si ridicule et si scandaleux accoutrement ; qu’une fois lancé sur cette pente, le goût public ne sut plus s’arrêter, et que chaque année vit éclore des ajustements nouveaux, des raffinements ignorés de la simplicité des ancêtres : témoin le luxe des plumes et la mode plus coûteuse encore des perles qui en peu de temps augmenta de cent et deux cents fois la valeur commerciale de ces objets.

On croirait ces passages écrits exprès pour accompagner les trois premières figures que nous mettons sous les yeux de nos lecteurs. Rien n’y manque, ni le chaperon découpé sur ses bords, ni la cornette et les manches traînant presque à terre, ni les chausses l’une d’une couleur, l’autre d’une autre. Le surcot, coupé au-dessus du genou, est devenu une étroite tunique sous laquelle la cotte, encore plus courte et plus étriquée, disparaît entièrement pour ne se montrer qu’aux avant-bras. Là toutefois il faut remarquer que l’étoffe, moins économisée que dans les autres parties du vêtement, permet à la manche de faire des plis assez gracieux et de retomber sur la main comme un parement rabattu. C’est ce qu’on appelait une mouffle.

Seigneur en manteau, vers 1370 (Willemin, Monuments inédits, tome I)

Seigneur en manteau, vers 1370
(Willemin, Monuments inédits, tome I)

La seconde figure offre plus de rapport avec les paroles de notre deuxième auteur. Elle a la barbe de chèvre et les cheveux soigneusement retroussés au fer. Le fronteau de perles à riche fermeture qui est posé sur sa tête annonce par son éclat la position élevée du personnage. C’est un prince, en effet, que le miniaturiste du quatorzième siècle a voulu représenter, mais un prince en petite tenue d’intérieur. Il n’a qu’une cotte en étoffe brochée, sans surcot. Le manteau, jeté sur son épaule gauche est déchiqueté par le bas en manière de feuillage. Par sa coupe, ce manteau ressemble à une chape dénuée d’appendice supérieur, comme capuchon ou collet (car la pièce d’étoffe rayée qu’on aperçoit au cou de notre personnage est un chaperon postiche, ne tenant en aucune manière au manteau). D’après cela, nous croyons pouvoir lui appliquer la dénomination de rondeau, dont le sens est suffisamment établi par cette glose du juris-consulte Jean André : « Les rondeaux maintenant en usage (vers 1345) ne sont pas des chapes à proprement parler, puisqu’ils n’ont pas de capuce. » Le terme de cloche semble s’être employé concurremment avec celui de rondeau pour désigner le même objet.

Une plume décore le chaperon du varlet. C’est là un détail d’autant plus digne de remarque que rien de pareil ne se voit sur les monuments d’une époque antérieure. Jamais dame ni chevalier n’avait porté aigrette ou panache avant le règne des Valois. L’auteur précédemment cité peut donc être pris à la lettre lorsqu’il représente le luxe des plumes comme une invention de son temps. Son dire à cet égard est d’ailleurs confirmé par un fait contemporain, d’où il ressort qu’en 1368 l’importation des plumes n’était pas encore établie de manière à répondre aux besoins des consommateurs. Les capitaines de compagnie, qui donnaient sauf-conduit pour le passage de toute sorte de marchandises, refusaient d’assurer les plumes d’autruche ; tellement que, lorsqu’il leur en tombait sous la main, ils se les appropriaient purement et simplement. C’est Froissart qui raconte cela.

Damoiseau d'environ 1370 (Willemin, Receuil de monuments inédits, tome I)

Damoiseau d’environ 1370
(Willemin, Receuil de monuments
inédits, tome I)

Le surcot rayé du même varlet nous représente un produit qui, pendant un temps, fit gagner des sommes immenses aux villes de Rouen et de Montivilliers. Inventeurs du drap rayé, les Normands furent les seuls à en exploiter la fabrication tant qu’il eut la vogue. Malheureusement pour cette industrie, les moralistes par trop susceptibles au quatorzième siècle se scandalisèrent des habits bariolés, et, par leurs cris, firent tant qu’ils en restreignirent l’usage. Le drap rayé devint la marque des domestiques ou jeunes gens de famille qui faisaient leur apprentissage autour des grands seigneurs. Les secrétaires du roi ayant voulu se donner l’air délibéré des pages en portant des étoffes de cette façon, Charles V leur défendit expressément de se livrer à une pareille indécence.

Mais nous n’avons encore parlé ni des ceintures, ni des chaussures, ni des fourrures, qui sont les parties du costume à l’égard desquelles se signala surtout l’extravagance du quatorzième siècle. Toutes les fois que, sur un monument, statue, tableau ou miniature, se présente un personnage ayant le corps entouré au-dessous des hanches par une espèce de bourrelet articulé, l’âge de ce monument est manifeste : il est de l’époque du roi Jean ou de celle de Charles V. Il n’y a que sous ces deux règnes qu’on ait imaginé d’entraver par un pareil instrument de supplice tous les mouvements essentiels du corps. Ce carcan, aussi incommode pour marcher que pour s’asseoir, était pourtant la ceinture. Aussi bizarre par sa façon que par la place qu’elle occupait, elle consistait en une espèce de boudin rembourré, sur la surface extérieure duquel étaient cousues des plaques d’or ciselées, souvent avec accompagnement d’émaux et de pierreries. On y pendait la bourse et un long poignard appelé badelaire.

Pour ce qui est des souliers, la fureur des poulaines s’étant réveillée de plus belle, on les portait plus longues qu’on n’avait jamais fait dans les temps anciens. Un homme n’avait pas bon ton si la pointe de sa chaussure ne se prolongeait pas à mi bon pied au-delà de ses orteils. Quelquefois cette pointe était recourbée en dehors, « pareille aux ongles que la nature a donnés aux griffons », dit un écrivain qui certainement n’avait jamais vu de griffon. Toujours est-il que ces poulaines, fort gênantes pour la marche, avaient surtout, aux yeux des clercs, le tort très grave de rappeler l’ergot du diable.

Le pape Urbain V, qui demeurait à Avignon, et le roi Charles V, combinèrent leurs efforts pour en extirper la mode. Les considérants de l’ordonnance royale, rendue à cet effet le 10 octobre 1368, méritent d’être rapportés. « Comme, pour ce que plusieurs des notables, et autres de plusieurs estatz, qui doivent monstrer et estre exemples de bonnes mœurs à tous autres, par vanité mondaine et par folle présumpcion, et par la convoitise et volenté désordonnée des cordonniers, ouvriers ou faiseurs de souliers, estiviaux et chaussures, en nostre ville de Paris et autres de noz bonnes villes, ont porté et portent, et lesditz ouvriers, fait ou fait faire botines à long bec ou difformités controuvées, c’est assavoir de poulaine, laquelle difformité ou poulaine est en dérision à Dieu et à sainte Église, etc. » Suit une défense formelle aux particuliers d’en porter, comme aux cordonniers d’en confectionner ni mettre en vente.

Sans doute la mode des poulaines était une folie, mais une folie innocente, quoi qu’en aient dit les docteurs. Celle des fourrures, moins anathématisée, eut pour effet de ruiner les gens, non pas tant ceux qui les portaient que les taillables et contribuables qui subvenaient au luxe des grands. On est effrayé de voir suivant quelle progression augmenta la dépense des fourrures depuis l’an 1350 jusqu’à 1400. Six cent soixante-dix ventres de menu vair (martre) suffisaient pour fourrer deux habillements complets à l’usage du roi Jean, à savoir, deux surcots, deux paires de manches, deux chaperons et deux cloches.

Dix ans après la mort de ce monarque, le duc de Berry, son fils, faisait acheter d’une seule livraison neuf mille huit cent soixante-dix ventres de la même fourrure, destinés à lui garnir seulement cinq manteaux et cinq surcots, ce qui suppose, pour chaque pièce, le triple du nombre des peaux employées dans un habillement complet du père. Autres dix ans plus tard, pour la fourrure d’une seule robe de chambre commandée par le duc d’Orléans, petit-fils du roi Jean, on employait deux mille sept cent quatre-vingt-dix-sept peaux de petit-gris !

Groupe, en costume de cour, de Louis II de Bourbon recevant l'hommage d'un de ses vassaux, d'après une miniature d'environ 1375 (Recueil de Gaignières, tome III)

Groupe, en costume de
cour, de Louis II de Bourbon recevant
l’hommage d’un de ses vassaux,
d’après une miniature d’environ 1375
(Recueil de Gaignières, tome III)

Il faut dire à la louange du roi Charles V qu’il opposa une continuelle résistance à ces ruineuses prodigalités. Cherchant à convertir par l’exemple ses parents et ses sujets, il conserva toujours l’ancien costume, les robes longues sans fourrure qu’on portait du temps de son aïeul. Si sa simplicité ne fut pas imitée, au moins la gravité qu’il affectait amena quelques corrections au ridicule des habits courts. On dissimula ce qu’ils avaient d’inconvenant sous une sorte de dalmatique appelée housse, qui enfermait le corps jusqu’au milieu de la poitrine, et qui là, se divisant par des fentes latérales en deux pans d’égale longueur, tombait comme un rideau par derrière et par devant. Cet habillement devint d’un usage universel vers l’an 1370.

Notre gravure de l’hommage rendu au duc de Bourbon représente le prince vêtu d’une housse en velours et fourrée. Les pièces qu’on remarque à la hauteur de l’humérus étaient des arêtes en orfèvrerie ou en passementerie, destinées à maintenir l’étoffe pour qu’elle ne pesât pas trop sur le bras. L’écusson placé sur la poitrine du duc est le symbole d’un ordre de chevalerie, l’Écu d’or, qu’il avait fondé en 1362. Quant au costume du personnage qui met ses mains dans les siennes en signe de soumission c’est celui d’un homme de robe, avocat, procureur ou financier, chargé par délégation d’administrer la seigneurie dont il rend les devoirs.

Groupe, en costume de cour, de Louis II de Bourbon recevant l’hommage d’un de ses vassaux, d’après une miniature d’environ 1375 (Recueil de Gaignières, tome III)

Tandis que la mise des hommes, abandonnée à la fantaisie, était entrée à pleine voie dans le ridicule, celle des femmes, se modifiant aussi, n’avait fait que gagner comme bon goût et comme élégance. On peut dire que le règne de Charles V vit arriver à sa perfection ce gracieux costume sous lequel les artistes modernes ont représenté de préférence les dames du Moyen Age. Nous en donnons pour type la statue de la reine Jeanne, femme de Charles, qui était autrefois à la porte de l’église des Célestins, à Paris.

Statue de Jeanne de Bourbon, femme de Charles V (Lenoir, Statistique monumentale de Paris, tome II)

Statue de Jeanne de Bourbon,
femme de Charles V (Lenoir,
Statistique monumentale de
Paris, tome II)

Que l’on rapproche ce costume de celui de 1333. Le luxe est le même de part et d’autre, l’habillement est composé à peu près des mêmes pièces ; et cependant quelle différence dans l’effet qui résulte des modes régnant aux deux époques ! Avec ses fourrures, ses riches étoffes, et tout son attirail de princesse, la bourgeoise de 1333, enterrée sous l’ampleur de ses habits, a tout juste la physionomie d’une nonne. Le costume de la reine Jeanne, à la fois dégagé et majestueux, satisfait aux règles de l’art sans manquer à la décence. La cotte a cessé d’être ce vêtement, si malencontreusement dissimulé par la robe de dessus, qu’on ne parvenait qu’à force d’artifice à en montrer quelques coins. Elle dessine aux yeux le contour des bras, d’une partie de la poitrine et des flancs, mis en liberté par l’évidement du surcot. Cette dernière pièce, en effet, s’est réduite en quelque sorte à une ample jupe. Elle n’a gardé de son corsage que deux bandes étroites qui vont se réunir autour du cou, de manière à faire porter par les épaules presque tout le poids du vêtement.

Qu’on remarque ici une addition à l’ancien costume, dont cette singulière coupe du surcot donna certainement l’idée. C’est une mantille, très apparente sur la statue de la reine Jeanne, qui descend par devant et par derrière jusqu’à la taille, et qui rompt de la manière la plus heureuse la monotonie des lignes, de même qu’elle devait varier l’uniformité des couleurs. Cette mantille était appelée corset. On la faisait de pelleterie en hiver, de soie on de drap en été, et on l’appareillait aux dorures du surcot. Elle était garnie sur le devant d’une sorte de busc enfermé dans un galon d’or dont l’objet était de la tenir plaquée sur la poitrine.

Les surcots étaient de fantaisie ou de grande tenue. La mode réglait l’étoffe et la couleur des premiers ; mais les autres devaient être aux armes et couleurs des dames qui les portaient. Celui de notre reine Jeanne était originairement dans ce cas, car des traces de peinture se voyaient encore sur sa statue, au XVIIIe siècle, et permettaient de distinguer des fleurs de lis appliquées en or sur sa jupe. Comme les armoiries des femmes se composaient du blason de leur mari parti avec celui de leur propre famille, il résultait de cet accouplement une grande variété de couleurs et de figures. Une réunion de dames parées de la sorte était vraiment éblouissante.

La jupe du surcot étant traînante, il fallait, pour marcher, la tenir retroussée sur le bras, Cela est très clairement expliqué dans un roman du quatorzième siècle cité par Du Cange au mot surcotium. « Il me vint deux femmes portant surcots plus longs qu’elles n’estoient environ d’une aulne ; et falloit qu’elles portassent à leurs bras ce qui estoit bas, ou traînoit à terre. » C’est alors que les hautes et puissantes dames commencèrent à avoir une ou plusieurs suivantes pour leur porter la queue.

Coiffures de femmes, de 1360 à 1390

Coiffures de femmes,
de 1360 à 1390

La coiffure en cheveux resta en honneur sous le règne du roi Jean et sous celui de son fils. Cette longue faveur amena une variété infinie dans l’agencement des nattes et dans les diverses espèces de frisures. Toutefois la disposition générale resta toujours la même. Les cheveux, partagés par une raie qui allait du front à la nuque, se massaient en deux parties égales sur l’une et l’autre oreille. La coiffure à la châtelaine, qui a été essayée dans ces derniers temps, était une imitation de cette mode, mais une imitation très libre, puisque les nattes contournant l’oreille y allaient de pair avec le chignon, que le Moyen Age n’a pas connu.

De la tête nue on retourna aux crépines, qui avaient l’avantage de dissimuler le point de jonction des nattes et torsades d’emprunt que beaucoup de dames ajoutaient au trésor peu fourni de leur chevelure.

Ensuite on mit des coiffes sous les crépines, pour se donner à moins de frais l’apparence d’une tête bien garnie ; car, sous une coiffe, de l’étoupe faisait le même effet que des masses de cheveux. Une fois qu’on en fut venu à s’empaqueter la tête, les inventions absurdes ou disgracieuses allèrent grand train. Alors naquit l’escofflon, sorte de béret rembourré posé sur la coiffe déjà rembourrée. Nous en donnons un exemple des plus anciens qu’on connaisse, car il est tiré d’un tombeau de l’an 1385.

 
 
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