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20 mai 1834 : mort de La Fayette

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Éphéméride, événements
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20 mai 1834 : mort de La Fayette
(D’après « Biographie universelle ou Dictionnaire historique des hommes qui
se sont fait un nom par leur génie, leurs talents, leurs vertus, leurs erreurs
ou leurs crimes » (Tome 5) édition augmentée de 1849
et « Dimanche illustré » du 24 août 1924)
Publié / Mis à jour le jeudi 20 mai 2021, par Redaction
 
 
Temps de lecture estimé : 13 mn
 
 
 
Nous n’avons guère retenu de La Fayette que le souvenir de la part qu’il prit dans la lutte pour l’Indépendance américaine. Mais la vie militaire et publique en France du « marquis républicain » fut non moins fertile en péripéties lors de la Révolution française : pouvant être regardé comme la personnification la plus complète et la plus constante des idéaux républicains de 1789, il oscilla cependant un temps entre soutien à l’insurrection et protection de la famille royale.

La carrière de ce personnage fut une des plus prodigieuses de toutes les carrières humaines. Pendant de longues années et à travers les plus formidables bouleversements, il connut les ivresses de la popularité, non seulement en France, mais en Amérique. Il fut tour à tour l’idole de la foule, le protecteur des rois, la terreur des puissants, le trait d’union entre l’Ancien et le Nouveau Monde. Après avoir été adoré comme un dieu, il fut mis en accusation comme un traître et emprisonné, puis, de nouveau triomphant, devint l’arbitre des souverains.

La Fayette fit la guerre, brava les balles ennemies et les piques des émeutiers ; il fut soldat, homme politique, ambassadeur, écrivain, agriculteur, et mourut tranquillement dans son lit, chargé de gloire et d’années, citoyen des deux mondes.

Marie-Jean-Paul-Gilbert du Motier de La Fayette naquit le 6 septembre 1757 au château de Chavaniac (Haute-Loire), dans une famille recommandable par plus d’un genre d’illustration. On ne peut mieux résumer son enfance qu’il ne le fait lui-même dans ses Mémoires. « Il serait trop poétique, dit-il, de me placer d’abord dans un autre hémisphère, et trop minutieux de m’appesantir sur les détails de ma naissance qui suivit de près la mort de mon père, le colonel des grenadiers, tué à la bataille de Minden avant l’âge de vingt-cinq ans. J’ai fait mon éducation en Auvergne auprès de parents tendres et vénérés, jusqu’au moment où je fus mis au collège de Plessis, à Paris. Je ne le quittai que pour passer à l’Académie militaire de Versailles. »

Le général La Fayette en Amérique. Gravure du XIXe siècle colorisée ultérieurement

Le général La Fayette en Amérique. Gravure du XIXe siècle colorisée ultérieurement

Un détail peindra mieux le caractère de l’enfant que le plus long portrait. Ses maîtres lui donnent un jour à traiter, comme sujet de devoir : les qualités du cheval parfait. Sacrifiant le succès au désir, déjà impérieux chez lui, de proclamer ses idées, le jeune élève dépeignit dans sa dissertation un cheval qui, n’omettait-il pas de mentionner, « se cabrait sous la verge du cavalier », usant de cette métaphore pour désigner ce qui à ses yeux était la condition du peuple.

Au sortir de l’Académie, Gilbert du Motier, marquis de La Fayette, est nommé officier aux mousquetaires noirs. Ce jeune noble très riche, marié en 1774 à la comtesse de Noailles — seconde fille du comte d’Ayen, petit-gendre du chancelier d’Aguesseau mort en 1824 duc de Noailles et pair de France —, voyait s’ouvrir devant lui le plus brillant avenir. Il parut à la cour de Louis XVI ; mais, soit qu’il y gâtât, au dire de Mirabeau, par la gaucherie de ses manières, un langage obséquieux jusqu’à l’humilité ; soit qu’il y déplût, au contraire, comme il le dit lui-même, par l’indépendance de son langage et l’indocilité de ses idées, il n’y obtint aucun succès.

Ce fut, toutefois, à ce contact momentané avec l’aristocratie la plus raffinée de l’Europe qu’il dut ces habitudes d’exquise politesse et d’affabilité à toute épreuve, qui ne l’abandonnèrent dans aucune des circonstances de sa vie. Il n’avait qu’à laisser couler l’existence douce et facile des seigneurs de l’époque. Mais La Fayette n’était pas de ceux qui se contentent d’un horizon borné aux antichambres royales. En 1776, commencent à parvenir en France les nouvelles des troubles américains. Son goût d’aventures, son instinct de liberté, sa haine de l’Angleterre attirent dès lors toutes ses facultés et sa sympathie vers ce pays opprimé qui voulait conquérir son indépendance.

« À la première connaissance de cette guerre, dit-il, mon cœur fut enrôlé, et j’osai prendre comme devise à mes armes l’audacieux Curnon. » À cette époque, le capitaine La Fayette garnisonnait à Metz. Le duc de Gloucester, frère du roi d’Angleterre, vint dans cette ville et un dîner lui fut offert par le comte de Broglie, commandant le régiment. Durant ce repas, auquel assistait La Fayette, le duc reçut d’Angleterre un courrier lui annonçant la déclaration d’indépendance de l’Amérique et, avant la fin du dîner, le jeune lieutenant s’était juré à lui-même d’embrasser cette noble cause.

À partir de cet instant, il n’eut pas d’autre pensée et, pour réaliser ses desseins, il partit aussitôt pour Paris. Il se présenta à Deane, recruteur américain, qui l’admit sans enthousiasme à cause de son jeune âge : il avait dix-neuf ans. Malheureusement, il n’y avait pas de navire disponible en France pour l’emmener, lui et ses camarades ; ils étaient tous détruits depuis la dernière guerre. « J’achète un bâtiment, annonce tranquillement La Fayette. »

Tous les obstacles ne sont pas encore aplanis : les ministres, sa famille prétendent s’opposer au départ du jeune Français, on l’accuse de créer des complications diplomatiques. La Fayette, avec persévérance et habileté, triomphe de toutes ces difficultés et, le 26 avril 1777, il mettait à la voile, à Bordeaux, sur son navire. Débarqué en Amérique, il est obligé de faire neuf cents milles à cheval pour atteindre la capitale de la Pennsylvanie, où se trouvait l’état-major des troupes révoltées. On le reçoit assez mal. Au lieu de s’indigner ou de se décourager, il fait parvenir au commandant la lettre suivante :

« D’après mes sacrifices, j’ai le droit d’exiger de servir à mes dépens comme volontaire, car c’est pour apprendre que je suis ici et non pour enseigner. » Le ton à la fois digne et modeste de cette missive en imposa aux chefs américains et on le nomma major général. Alors commença pour lui cette étonnante campagne, durant laquelle il combattit avec une poignée d’hommes à l’armée du Nord et fut blessé dès la première affaire, conquérant petit à petit l’amitié de Washington et l’estime des Américains. Mais ce ne fut pas l’épée à la main qu’il fut le plus utile à son pays d’adoption. En 1779 il retourne en France, dans l’intention de demander au roi du secours pour l’Amérique.

Ce retour fut triomphal et, à Versailles, c’était à qui, parmi les plus grands seigneurs, ferait fête au jeune héros, au marquis républicain. Ce succès lui valut la bonne fortune d’obtenir qu’un corps de six mille hommes serait envoyé en Amérique, sous le commandement de Rochambeau. La guerre put se poursuivre ainsi avec l’appui officiel de la France, et La Fayette la termina par la victoire de Yorktown, qui le mit à l’apogée de la gloire.

Aussi, à son retour, Louis XVI, sous la pression de l’opinion publique, dut nommer le jeune héros maréchal de camp, en même temps que le Congrès américain lui prodiguait les plus glorieux témoignages de gratitude et donnait son nom à des villes. Ainsi se termina en apothéose cette première partie de la vie de La Fayette, qui allait se continuer sur un tout autre terrain durant les périodes tragiques de la Révolution française.

La Fayette, chef de la garde nationale, inaugure la cocarde tricolore et déclare : Cette Cocarde fera le tour du monde. Illustration de Jacques Onfroy de Bréville publiée dans Les mots historiques du pays de France, par E. Trogan (1896)

La Fayette, chef de la garde nationale, inaugure la cocarde tricolore et déclare :
Cette Cocarde fera le tour du monde. Illustration de Jacques Onfroy de Bréville publiée
dans Les mots historiques du pays de France, par E. Trogan (1896)

En 1789, la noblesse d’Auvergne le nomma député aux États généraux. Il y parla pour la première fois le 8 juillet, à l’appui de la célèbre motion de Mirabeau pour l’éloignement des troupes ; et il offrit à l’assemblée un projet de déclaration des droits de l’homme, qui fut adopté. Nommé vice-président, il occupait le fauteuil pendant les nuits terribles des 13 et 14 juillet. Le 15, il se rendit à Paris à la tête d’une députation de soixante membres de l’assemblée, et y trouva le peuple encore ému et frémissant sur les ruines de la Bastille.

Malgré ses opinions et par une sorte de contradiction sans doute atavique, La Fayette se montrait en même temps le défenseur du trône. Il écrivait à Louis XVI, après les journées de juillet, ces conseils impératifs : « Le roi doit sentir qu’il n’y a rien à faire que par et pour la liberté et le peuple. Son cœur et sa raison lui en font une loi. Tout autre système éloignerait ses serviteurs et moi le premier. »

Quand, quelques mois plus tard, le pouvoir populaire eut réussi à ébranler l’autorité royale, on chercha à l’Hôtel de Ville un chef pour le mettre à la tête de cette milice bourgeoise que Sieyès avait appelée garde nationale. Un des citoyens désigna alors un buste que l’Amérique affranchie avait envoyé récemment à la Ville de Paris. Ce buste était celui de La Fayette. Celui-ci dut encore à l’Amérique le rôle important qu’il allait être appelé à jouer dans son pays.

Il se hâta d’organiser cette armée patriotique qu’on venait de lui confier et lui donna pour insigne cette cocarde tricolore qui, annonça-t-il, devait faire le tour du monde. Pendant ce temps, la révolution suivait son cours et, le 5 octobre, le peuple, déchaîné, marchait sur Versailles dans le but d’en finir avec le pouvoir royal, mais La Fayette, à la tête de son armée, à laquelle il avait fait jurer fidélité au roi, accourut le lendemain, ramenant dans Paris la famille royale que son intervention tardive avait eu peine à soustraire à la fureur d’une multitude soulevée.

Le général se présenta seul avec les deux commissaires de la commune à la grille cadenassée du château. On finit par lui ouvrir et, tandis qu’il traversait l’Œil-de-bœuf, un courtisan s’écria : « Voilà Cromwell ! — Monsieur, lui répondit La Fayette, Cromwell ne serait pas entré seul ! » Après une entrevue assez pénible avec le souverain, il rentra, épuisé de fatigue, à son hôtel de Noailles et passa sa nuit à préparer l’action de ses troupes pour la journée du lendemain. Pendant ce travail, il se livrait aux mains de son valet de chambre, afin que celui-ci réparât le désordre de sa coiffure. Toujours le marquis républicain.

Le lendemain, les forcenés envahissaient les appartements royaux : tremblante et demi-nue, la reine se réfugiait chez le roi, les gardes du corps se faisaient tuer vaillamment, les scènes les plus sanglantes se préparaient. Mais La Fayette accourt et arrive à temps pour sauver les gardes du corps qu’on allait massacrer sur la place d’Armes. Un bandit le couche en joue, il abaisse son fusil de la main et le fait arrêter, puis il pénètre dans le château et réussit à en chasser la populace en furie.

La France soutenue par messieurs Bailly et La Fayette sort glorieuse du tombeau creusé par le despotisme ministériel. Caricature de 1789-1790

La France soutenue par messieurs Bailly et La Fayette sort glorieuse
du tombeau creusé par le despotisme ministériel. Caricature de 1789-1790

Quelques instants plus tard, cette même foule, qui venait découper des têtes, acclamait La Fayette et la reine, tandis que celui -ci baisait publiquement la main de Marie-Antoinette sur le balcon de la cour de marbre. Elle l’acclamait encore quand, toujours sur son balcon, il embrassait un garde du corps.

Il se signala par ses idées d’un libéralisme avancé, proclamant, au cours de la discussion du 20 février 1790, que l’insurrection est le plus saint des devoirs lorsque l’oppression et la servitude rendent une révolution nécessaire ; principe dangereux, qui poussant tous les mécontents à la révolte, et les faisant juges de leur propre cause, tend à bouleverser incessamment les États.

Lorsque le club des Jacobins se fut organisé, La Fayette, de concert avec Bailly, lui opposa celui des Feuillants, destiné à offrir un point de réunion aux partisans plus modérés de la liberté. Le prestige de La Fayette, son art de manier et d’impressionner les masses étaient extraordinaires, comme on put l’observer lorsque le 20 juin 1791 Louis XVI partit pour l’étranger. Cet épisode faillit coûter à La Fayette sa popularité : on songeait en effet déjà à l’en rendre responsable, mais il s’en tira encore par un trait d’esprit. Un homme lui disait en lui montrant le poing : « Vous avez ruiné la France en laissant partir le roi. — Comment ! ruiné la France ? répondit-il. La liste civile coûtait vingt-cinq millions au pays ; le roi, en s’en allant, fait gagner un franc à chaque Français. » On rit et on laissa passer le général, qui alla donner des ordres de poursuite.

Après l’arrestation de Louis XVI le 21 juin, La Fayette se vit accusé par les deux partis opposés, les uns lui reprochant d‘avoir laissé partir le roi, les autres de l‘avoir fait arrêter. Il est vrai de dire qu‘il protégea dans cette grave circonstance les jours de la famille royale ; mais il approuva la suspension de Louis XVI, et il ne reconnut les droits de ce prince qu’après qu‘il eut accepté la constitution, en septembre 1791. Le décret qui, à cette condition, rétablissait le roi sur le trône, ayant excité un soulèvement, La Fayette dissipa par la force les attroupements qui s’étaient formés au champ de Mars pour signer une pétition factieuse. Plusieurs républicains furent tués.

Le 8 octobre 1791, après avoir fait accepter l’amnistie proposée par Louis XVI, il se démit de son commandement, et prit congé de la garde nationale par une lettre où il exposait les principes qui avaient dirigé sa conduite. Lorsque la première coalition se fut formée contre la France, il fut désigné pour commander une des trois armées destinées à repousser cette agression. Son premier soin, après l‘avoir rejoint, fut d’y rétablir la discipline. Il battit l‘ennemi à Philippeville, à Maubeuge et à Florennes ; malgré ces succès, il se vit bientôt en butte aux accusations des Jacobins.

Serment de La Fayette à la Fête de la Fédération du 14 juillet 1790. Peinture de L. David (1791)

Serment de La Fayette à la Fête de la Fédération du 14 juillet 1790. Peinture de L. David (1791)

Dans une lettre écrite le 16 juin 1792 à l‘Assemblée législative, il osa dénoncer les démagogues, qui, disait-il, tuaient la liberté par les crimes de la licence. Quelques jours après, il vint lui-même à la barre de l’Assemblée appuyer sa dénonciation et demander compte de la violation de la demeure royale ayant eu lieu le 20 juin. Il risquait sa tête mais triompha de nouveau et eut les honneurs de la séance, le discours qu‘il prononça étant vivement applaudi par le côté droit. Le roi devait le lendemain passer en revue quatre mille gardes nationaux. La Fayette résolut de profiter de cette circonstance pour porter un coup décisif aux factieux. Mais peu d’hommes répondirent à l‘appel, et La Fayette repartit pour son armée avec la triste conviction que sa popularité s‘était évanouie.

Quelques jours après, son effigie fut brûlée au Palais-Royal ; et au mois d‘août suivant, sa mise en accusation fut discutée dans l’Assemblée législative. Malgré les menaces et les cris des forcenés entassés dans les tribunes, cette question fut résolue en sa faveur à une majorité de plus des deux tiers des voix ; mais tous ceux qui avaient voté pour lui furent, au sortir de la séance, hués, poursuivis et maltraités par le peuple. Indigné des scènes de désordre qui se succédaient dans la capitale, La Fayette conçut le projet de marcher sur Paris, de chasser les républicains et de rétablir le roi et la constitution ; mais il s‘aperçut bientôt que son armée était peu disposée à seconder ses desseins, et il se décida à passer en pays étranger avec un petit nombre d’officiers dont la vie était compromise.

Le 20 août 1792, le général et ses compagnons au nombre de vingt-deux, tombèrent dans un poste autrichien qui refusa de les laisser passer. La Fayette ayant été reconnu, il n‘en fallut pas davantage pour qu‘on les arrêtât. Avec trois de ses compagnons, anciens membres de l‘Assemblée constituante, il fut envoyé à Wezel comme prisonnier d‘état. Transféré à Magdebourg, il y resta un an, enfermé dans un souterrain humide et obscur, puis passa dans les cachots de Glatz, de Neiss, et enfin d’Olmütz, où l‘Autriche le fit traiter avec une grande rigueur. On le dépouilla de ce que les Prussiens lui avaient laissé, et on confisqua jusqu‘aux livres qu‘il avait avec lui.

Cependant un médecin hanovrien, nommé Bollman, et un jeune américain, nommé Huger, entreprirent de le délivrer, et profitant d‘une des promenades qu‘on lui faisait faire régulièrement à cause du délabrement de sa santé, parvinrent à l’enlever ; mais divers accidents firent échouer leur entreprise. La Fayette fut atteint à huit lieues d‘Olmütz ; et ses deux amis également arrêtés, expièrent dans les prisons leur courageux dévouement.

Après avoir passé seize mois dans les cachots de Robespierre, Mme de Lafayette vint en 1795 avec ses deux filles partager la captivité de son époux, et cette réunion compensa le redoublement de sévérité dont on usait envers lui, depuis sa tentative d‘évasion. Des membres du parlement d‘Angleterre, et des agents du gouvernement des États-Unis élevèrent en vain la voix pour demander sa liberté. L‘Autriche fut inflexible : elle ne devait céder qu‘à l‘ascendant de la victoire.

La Fayette traité comme il le mérite, par les démocrates et les aristocrates. Caricature de 1792

La Fayette traité comme il le mérite, par les démocrates et les aristocrates. Caricature de 1792

Bonaparte, à qui ses succès en Italie donnaient une si grande influence, fut chargé par le Directoire de négocier la délivrance des prisonniers d’Olmütz. Ce ne fut pourtant qu‘après cinq mois de pourparlers réitérés qu’il obtint leur mise en liberté. Bonaparte, sur les instigations de Carnot, avait fait de la libération de La Fayette une des clauses du traité de Campo-Formio. Mais le futur empereur se méfiait de cet homme, dont la popularité risquait de contrebalancer la sienne, et il ajouta une note stipulant que le général ne pourrait rentrer en France.

Sur ces entrefaites le 18 fructidor an V (4 septembre 1797) eut lieu, et La Fayette, libéré le 19 septembre suivant mais qui désapprouvait ce coup d‘État mené par trois des cinq directeurs soutenus par l’armée, contre les royalistes devenus majoritaires au Conseil des Cinq-Cents et au Conseil des Anciens, resta donc en pays étranger et s’établit à Utrecht. La prise de pouvoir par Bonaparte lors du coup d’État du 18 brumaire an VIII (9 novembre 1799) lui rouvrit les portes de la patrie.

De retour en France, La Fayette vécut éloigné du théâtre des affaires publiques, et ce fut seulement après la bataille de Marengo (14 juin 1800) qu‘il eut occasion de voir Bonaparte. Il fut accueilli très amicalement par le Premier Consul avec qui il passa trois jours à la campagne chez son frère Joseph. Cependant toutes les instances qui lui furent faites ne purent le décider à accepter une place de sénateur. Lorsque le consulat à vie eut été proposé à la sanction du peuple, La Fayette déclara qu‘il ne pouvait voter pour une pareille magistrature jusqu‘à ce que la liberté publique eût été suffisamment garantie ; ajoutant qu‘alors il donnerait sa voix à Napoléon Bonaparte.

Le vainqueur de I‘Europe s’étonnait de trouver un homme qui osât lui résister avec tant d‘obstination. « Tout le monde en France, disait-il, est corrigé des idées extrêmes de liberté ; il n‘y a qu‘un homme qui ne le soit pas, et cet homme c‘est La Fayette. Vous le voyez tranquille ! Eh bien, s’il y avait une occasion de servir ses chimères, il reparaîtrait plus ardent que jamais. »

En 1814, La Fayette se présenta chez le roi et chez Monsieur : mais quoiqu‘il eût été bien accueilli par ces princes, il ne reparut plus à la cour. Pendant les Cent-Jours il refusa la pairie, et protesta contre les articles des constitutions de l‘empire et de l‘acte additionnel qui pouvaient attenter à la souveraineté nationale. Élu par le département de Seine-et-Marne membre de la Chambre des représentants, il fit déclarer après la bataille de Walerloo (18 juin 1815) que l‘assemblée était en permanence, que toute tentative pour la dissoudre était un crime de haute trahison.

Lorsque Bonaparte, effrayé des dispositions de la Chambre, se fut décidé à abdiquer, La Fayette, exclu par une intrigue du gouvernement provisoire, fut un des commissaires envoyés près des puissances alliées pour demander une suspension d‘armes. Ses démarches et celles de ses collègues n‘ayant en aucun résultat, il revint à Paris, où déjà les armées étrangères étaient entrées par suite d‘une capitulation. Quelques jours après les portes du corps législatif furent fermées et mises sous la garde d‘un poste de Prussiens.

Le marquis de La Fayette

Le marquis de La Fayette

La Fayette, après avoir protesté avec plusieurs députés contre cette violence, se retira dans sa terre de Lagrange où il vécut dans la retraite. En 1818, élu par le département de la Sarthe membre de la Chambre des députés, il s‘y signala par une opposition dans laquelle il sut allier l’inflexible énergie des principes révolutionnaires à des formes exemptes d’aigreur et de violence.

La prédiction de Bonaparte s‘accomplissait. En reparaissant sur la scène politique, Lafayette s‘y montrait l‘ardent apôtre des doctrines les plus absolues de souveraineté du peuple et d‘insurrection, et il les développait à la tribune avec une conviction qui se fortifiait des souvenirs de deux révolutions auxquelles il avait pris une part active. Ses souffrances d‘Olmütz n’avaient en rien modifié ses principes. Le vieux député de 1820 parlait comme le jeune volontaire de 1777, et on aurait pu dire de lui ce qu‘on disait des émigrés, qu‘il n‘avait rien oublié, ni rien appris.

À l‘occasion de tous les complots qui éclatèrent sous la Restauration, le nom de La Fayette fut prononcé ; mais il fut impossible de prouver qu‘il y eût participé. Rendu à la vie privée, le compagnon d’armes de Washington sentit le désir de revoir sur le déclin de l‘âge le peuple pour lequel il avait combattu dans sa jeunesse. Plus d‘une fois ses nombreux amis d‘Amérique l‘avaient sollicité de venir les visiter. Il se rendit enfin à leur vœu, et s‘embarqua au Havre sur le Cadmus le 13 juillet 1824.

Après trente-trois jours de traversée, il débarqua sur le rivage où il avait fait ses premières armes. Le congrès lui accorda des honneurs qu‘il n‘avait jamais accordés à Washington ; il fut proclamé l’hôte de la nation, et fut successivement fêté par tous les états de l’Union. Entouré des populations qui se pressaient sur son passage, il visita le tombeau de Washington et les champs de bataille où il avait partagé les périls de ce grand homme. Ce voyage, qui dura plus d‘un an, ne fut pour lui qu‘une suite de fêtes où se retrempa son enthousiasme républicain.

La prospérité des États-Unis dont il venait d‘être témoin l‘attacha de plus en plus aux maximes qu‘il avait professées toute sa vie, et lorsqu‘en 1827 il fut envoyé de nouveau à la Chambre des députés par l‘arrondissement de Meaux, on le vit défendre avec une ardeur nouvelle les principes démocratiques. Ennemi déclaré de la Restauration, il appelait de ses vœux le moment de sa chute. Son expérience lui faisait reconnaître dans tout ce qui se passait autour de lui les symptômes d‘une révolution nouvelle, qu‘il prédisait à ses amis pour ranimer leur courage défaillant.

Quand le trône de Charles X s‘écroula en 1830, il vit sans étonnement ce mouvement populaire et se remit à l‘œuvre, comme en 1789. Après avoir repoussé toutes les propositions du frère de Louis XVI, en déclarant qu’il était trop tard, son influence contribua à rattacher à la dynastie de Louis-Philippe les hommes les plus exaltés du parti libéral. Le duc d’Orléans, adroit et fin, avait compris le parti qu’il pouvait tirer de ce vieillard symbolique. Fort habilement, il sut l’entreprendre, se présenta à lui comme un ancien garde national venant rendre visite à son général, exalta les États-Unis et arriva ainsi à le gagner à sa cause. Sur le balcon du palais royal, La Fayette embrassait publiquement et consacrait le roi-citoyen, semblant contracter une alliance solennelle avec le pouvoir né des barricades. Le mot fameux : c’est la meilleure des républiques, qu’il prononça selon les uns, et qu‘on lui attribua faussement selon les autres, répété dans toute la France, fut jeté comme un cri de ralliement à l’opinion.

Vous êtes la meilleure des Républiques : La Fayette à Louis-Philippe, le 26 juillet 1830. Chromolithographie de 1890

Vous êtes la meilleure des Républiques : La Fayette à Louis-Philippe,
le 26 juillet 1830. Chromolithographie de 1890

Mais en se faisant l‘auxiliaire de la royauté, La Fayette était loin d‘avoir renoncé aux théories de sa jeunesse. Comme au temps où il conseillait l‘infortuné Louis XVI, il prétendait allier deux choses incompatibles : la monarchie et les institutions républicaines. Mais Louis-Philippe recula devant cette carrière de concessions que lui ouvrait le vétéran de la Révolution française, et dont il craignait que le terme ne fût une catastrophe. Bientôt La Fayette s‘aperçut que d’autres avis que les siens étaient écoutés.

Investi dans les premiers jours de la révolution de Juillet, du commandement en chef des gardes nationales de France, il dut renoncer à ce titre par suite de l’amendement du 24 décembre introduit par un député dans la loi relative à la milice citoyenne. La Fayette dut donner sa démission. Dès lors sa scission avec le pouvoir devint de jour en jour plus profonde, et il vit se rallier autour de lui une opposition composée de républicains ardents, dont il tâchait de calmer les impatiences.

La marche de la royauté nouvelle I’affligeait, mais sans altérer sa confiance ; il attendait du temps bien plus que de la violence un retour aux principes qu‘il professait, et sur la fin de sa vie il croyait fermement à un dernier triomphe de la révolution dont il ne lui serait pas donné d‘être le chef ni même le témoin.

Ayant voulu, malgré son grand âge, suivre à pied le convoi du malheureux Dulong — député de l’Eure tué dans un duel avec le général Bugeaud, qu’il avait offensé à la Chambre des députés —, la fatigue que lui causa cet effort et la pneumonie qu’il y contracta, altérèrent sa santé. Après une convalescence apparente, il éprouva une rechute qui bientôt ne laissa plus d‘espoir. Il mourut à Paris le 20 mai 1834, ses restes étant inhumés au cimetière de Picpus.

 
 
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