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Toucher royal des écrouelles

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Histoire des Français
L’Histoire des Français : systèmes politiques, contexte social, population, économie, gouvernements à travers les âges, évolution des institutions.
Toucher royal des écrouelles
(D’après « Des cérémonies du sacre ou Recherches historiques et critiques
sur les moeurs, les coutumes, les institutions et le droit public
des Français dans l’ancienne monarchie » (par Constant Leber) paru en 1825
et « Le Toucher des écrouelles, l’Hôpital Saint-Marcoul,
le Mal du roi » (par Louis Landouzy) paru en 1907)
Publié / Mis à jour le dimanche 3 mars 2024, par Redaction
 
 
Temps de lecture estimé : 9 mn
 
 
 
Issu d’anciennes croyances germaniques attribuant à certaines familles nées pour régner un pouvoir presque divin, et à certaines superstitions liées au pouvoir de guérison du Saint Chrême, le toucher royal des écrouelles — maladie d’origine tuberculeuse touchant les ganglions —, apparaissant sous les premiers rois capétiens et d’abord pratiqué sans régularité, devient périodique sous saint Louis puis accompagne, sous une forme spectaculaire et à partir du règne de Louis le Hutin au XIVe siècle, les cérémonies du sacre

On conservait autrefois dans le monastère de Corbeny, situé à six lieues de Reims, les reliques de saint Marcoul, dont la vertu inspirait une grande confiance aux personnes affectées d’humeurs scrofuleuses. Les rois de France avaient accoutumé d’invoquer eux-mêmes la protection de ce saint, pour se préparer à la cérémonie du toucher des écrouelles, qui suivait l’accomplissement du sacre ; mais dans les derniers temps, au lieu de se rendre à Corbeny, ils faisaient transporter la châsse de saint Marcoul à l’abbaye de Saint-Remi de Reims ; et, le plus souvent aussi, le monarque se bornait à ouvrir la neuvaine, qui était continuée par un de ses aumôniers.

C’est ainsi que Louis XVI manda aux religieux de Corbeny par une lettre de cachet :

« Chers et bien amés, nous avions espéré nous rendre à Saint-Marcoul après la cérémonie de notre sacre, et remplir dans ce pèlerinage, à l’exemple des rois nos prédécesseurs, toutes les oeuvres de piété accoutumées ; mais le sieur Rouillé d’Orfeuil, intendant de notre province de Champagne, s’étant rendu près de nous pour nous représenter, de la part de la province, que les chemins étaient impraticables et le passage de la rivière peu sûr, nous avons bien voulu nous rendre aux prières de la province sur les inconvénients du voyage.

Saint Marcoul. Gravure extraite de Le Toucher des écrouelles, l'Hôpital Saint-Marcoul, le Mal du roi, par Louis Landouzy (1907)

Saint Marcoul. Gravure extraite de Le Toucher des écrouelles, l’Hôpital Saint-Marcoul,
le Mal du roi
, par Louis Landouzy (1907)

« Cependant ne voulant pas manquer à aucune des dévotions qui s’observent en cette occasion, nous voulons et ordonnons que la châsse des reliques de saint Marcoul soit apportée dans l’église de l’abbaye de Saint-Remi de Reims, avec toute la décence convenable, ainsi qu’il en a été usé d’autres fois ; vous donnant avis que nous nous y rendrons le 14 de ce mois, pour remplir tous les exercices de piété et de charité pratiqués par les rois nos prédécesseurs ; car tel est notre plaisir. »

Après l’ouverture de la neuvaine, le roi, revêtu du manteau et du collier de l’ordre du Saint-Esprit, était conduit dans le parc de l’abbaye pour y toucher les malades, qu’il trouvait rangés par classes de nations dans les allées, et dont la réunion était ordinairement fort nombreuse. Accompagné des princes du sang et entouré des gardes de la manche, le roi était précédé des gardes de la prévôté, des Cent-Suisses et des gardes du corps. Les deux huissiers de la manche portant leurs masses marchaient devant elle, ainsi que son premier médecin ; et dès que le roi était arrivé, la cérémonie commençait dans l’ordre suivant :

Le premier médecin appuyait sa main sur la tête de chacun des malades, dont un des capitaines des gardes tenait les mains jointes. Le roi, la tête découverte, les touchait, en étendant la main droite, du front au menton, et d’une joue à l’autre, formant le signe de la croix, et prononçant ces paroles : Le Roi te touche, Dieu te guérit — à partir de 1722 et du sacre de Louis XV, la formule devient : Le Roi te touche, Dieu te guérisse. Les Espagnols, quand il y en avait, étaient touchés les premiers en vertu d’un ancien privilège auquel ils tenaient beaucoup.

Le grand-aumônier, qui se tenait toujours près du monarque pendant la cérémonie, distribuait, par ses ordres, des aumônes aux malades qui avaient été touchés. Trois chefs de gobelet se trouvaient à l’endroit où finissait le dernier rang des scrofuleux, ayant trois serviettes fraisées et mouillées différemment, qu’ils tenaient entre deux assiettes d’or, et dont le roi se lavait les mains.

Après le toucher des malades, le roi rentrait dans l’église et faisait sa prière auprès de la châsse de saint Remi, que l’on tirait de son tombeau pour le placer dans le chœur, du côté de l’Évangile. Les tambours des Cent-Suisses battaient et le fifre jouait sans interruption pendant l’acte du toucher, qui remplissait quelquefois la plus grande partie de la journée.

Plus anciennement, lorsque le roi avait entendu la messe, on apportait un vase plein d’eau, et le monarque, après avoir prié devant l’autel, touchait le malade de la main droite et le lavait dans cette eau. Le malade portait de la même eau pendant neuf jours, et jeûnait rigoureusement jusqu’à la fin de cette neuvaine. C’est ainsi que la cérémonie se pratiquait sous Charles VI (1380-1422), suivant ce qu’en rapporte Étienne de Conti, religieux de ce temps. Les scrofuleux se présentaient alors en très grand nombre. On prétend que Philippe de Valois (1328-1350) en guérit quatorze cents.

Ce n’était pas seulement à Reims, ou même en France, que les rois exerçaient ce pieux privilège. Charles VIII (1483-1498) en usa dans son expédition d’Italie ; et François Ier (1515-1547) opéra, dit-on, des cures miraculeuses à Madrid, pendant sa captivité. Charles IX (1560-1574) toucha aussi un grand nombre de scrofuleux à Bordeaux. Jacques Boissard, écrivain allemand, a prétendu que cette grâce était demeurée sans effet depuis Henri II (1547-1559). Mais son assertion n’a aucun fondement solide ; et il est permis de croire que les choses n’ont pas changé au XVIe siècle, ni depuis.

Robert II le Pieux, roi de France (996-1031). Gravure de Delannoy (1845) d'après une peinture de Merry-Joseph Blondel (1837)

Robert II le Pieux, roi de France (996-1031). Gravure de Delannoy (1845)
d’après une peinture de Merry-Joseph Blondel (1837)

Les historiens ne sont pas d’accord entre eux sur l’origine de cette pratique, qui est fort ancienne. Les moins judicieux la font remonter à Clovis, comme une conséquence directe de l’onction sainte, où les rois francs auraient puisé la vertu miraculeuse qui leur était attribuée. Voici comment le fait est rapporté d’après les manuscrits de Saint-Remi :

« La première expérience de cette merveille se fit en la personne d’un écuyer de Clovis nommé Lanicet. Ce gentilhomme ayant usé sans succès de toutes sortes de remèdes pour se guérir des scrofules, le désespoir le fit résoudre à quitter la cour pour cacher sa difformité. Comme il était dans cette résolution , Clovis songea, la nuit, qu’il touchait doucement le mal de Lanicet, et que son lit étant éclairé d’une vive lumière, le mal se desséchait sans qu’il y demeurât aucune cicatrice. Le roi, se souvenant peu après de cette vision, voulut passer le lendemain chez son écuyer, duquel il toucha la plaie, et non sans effet, car à même temps les douleurs s’adoucirent et les ulcères furent entièrement guéris. »

Suivant Meurier, c’est saint Remi qui aurait conseillé au roi de toucher Lanicet ; mais rien n’est moins prouvé que ce fait. Les premières traces certaines que l’on trouve dans l’histoire, du toucher des écrouelles, ne vont pas au-delà du pieux Robert II le Pieux — qui régna de 996 à 1031 —, fils de Hugues Capet. Ce prince avait une bonté angélique pour les malades, et la charité chrétienne lui faisait surmonter toutes les répugnances que pouvait inspirer l’état de ceux qu’il visitait. Il ne craignait pas d’approcher des malheureux couverts d’ulcères ; il les pansait lui-même, en leur prodiguant les consolations spirituelles et temporelles ; il distribuait aux plus pauvres d’abondantes aumônes ; et l’on prétend qu’il les guérissait en faisant sur eux le signe de la croix.

On sait aussi, d’après le témoignage de Guibert, abbé de Nogent, qui écrivait sous Louis VI (1108-1137), que ce dernier prince et Philippe Ier, son père (1060-1108), touchèrent les malades ; mais qu’une faute grave fit perdre à Philippe le don de guérison qu’il avait heureusement exercé. Louis le retrouva et le transmit à ses successeurs : « Le roi Louis notre Sire fait ordinairement des prodiges ; il guérit les personnes affectées d’écrouelles au col, ou en tout autre endroit, en ajoutant à son attouchement le signe de la croix ; étant près de lui, j’ai vu les malades accourir, et j’ai contribué, comme les autres personnes de sa suite, à écarter la foule ».

Il paraîtrait même que les rois en faisaient quelquefois l’objet d’une recommandation toute particulière, et qu’à l’instant de quitter la vie, ils enseignaient à l’héritier de leurs obligations et de leurs droits, les moyens d’accomplir cette œuvre de charité, en y intéressant également sa conscience et son cœur. C’est ainsi que, suivant les expressions de du Tillet, « Philippe le Bel, approchant de sa mort, fit appeler le roi Louis Hutin, son fils aîné ; luy apprit la manière de toucher les malades, luy enseignant saintes et dévotes paroles qu’il avait accoutumé de dire en les touchant ; le prêcha de sainte vie pour faire cet attouchement, luy remonstrant que, selon l’Écriture, Dieu n’oyt ny exauce les vicieux, et par eux ne fait miracle. » (Du Tillet, Recueil des rois de France, chapitre des Sacres)

Saint Louis guérit les écrouelles. Enluminure extraite des Grandes Chroniques de France (vers 1340)

Saint Louis guérit les écrouelles. Enluminure extraite des Grandes Chroniques de France (vers 1340)

Alors, ce n’était pas seulement après le sacre et dans les occasions rares, que les rois remplissaient cette pieuse obligation. Louis XI touchait les malades une fois la semaine ; et nous apprenons de Claude de Seyssel, historien de Louis XII, que ce prince dévot et catholique sans « hypocrisie ni simulation, qui se réconciliait avec Dieu par confession (...) sept ou huit fois l’an, usait en même temps de la grâce (...) de guérir les écrouelles, ainsi qu’avaient fait les autres rois de France, ses prédécesseurs. » (Histoire singulière du roi Louis douzième)

Le toucher des écrouelles ne survivra pas en France au sacre de Louis XVI. Après avoir été pratiqué à Reims, le 11 juin 1775, il subira une longue éclipse de cinquante ans, en dépit qu’il ait été donné, au milieu d’un immense concours de peuple, avec un éclat qui ne le cédait en rien à la pompe qu’on avait vu déployer aux sacres de Louis XIV et de Louis XV. L’empereur Napoléon, se faisant par le pape en personne, le 2 décembre 1804, sacrer à Notre-Dame de Paris, supprime la guérison des écrouelles du cérémonial dont, avec un soin méticuleux, il ordonne lui-même tous les détails afin d’emprunter le moins possible au rituel monarchique.

Napoléon Ier, pas plus que n’y avait songé Cromvvell, protecteur de la République anglaise, n’éprouve le besoin d’évoquer les privilèges miraculeux de la royauté. Il place, lui-même, sur sa tête la couronne de Charlemagne, marquant ainsi qu’il la tient du droit de son épée. Si sur certains sacres il veut se régler, c’est à l’empereur Charlemagne. plutôt qu’au roi Clovis qu’il veut ressembler. Si Napoléon, qui vient de signer le Concordat, rêve de l’investiture sacerdotale que les saintes huiles conféraient aux rois de France, c’est, omnipotent, pour la donner et nullement pour la recevoir.

Louis XVIII règne sans pratiquer le toucher royal. Quand Charles X sera, le 29 mai 1825, couronné à la cathédrale de Reims, la cérémonie des écrouelles tiendra moins de place dans les fêtes du sacre (y attirant à coup sûr moins de monde) que la Revue de la Garde Nationale et des troupes passée au camp Saint-Léonard, par le roi, au sortir de l’hospice de Saint-Marcoul, où la centaine d’écrouclleux rassemblés laisse bien loin derrière elle le souvenir des milliers de malades touchés par les derniers rois.


Henri II guérit les écrouelles dans le prieuré de Saint-Marcoul de Corbeny (Aisne)
après son sacre à Reims. Enluminure extraite du Livre d’Heures du roi (1547)

Le lendemain du sacre, rapporte Alexandre Lenoble dans sa Relation du sacre de Charles X (1825), « accompagné du Dauphin, de la Dauphine, de la duchesse de Berri, des princesses d’Orléans, du duc d’Orléans, d’une longue suite et d’un nombreux état-major, le roi s’est rendu à l’hôpital de Saint-Marcoul, où Sa Majesté, après avoir fait sa prière à la chapelle, est montée dans la grande salle où se trouvaient rangés environ 120 malades attaqués d’écrouelles. et qui lui ont été présentés par MM. Alibert et Dupuytren. Sa Majesté les a touchés en leur disant : Le Roi te touche, Dieu te guérisse, et un aumônier de service leur a distribué des aumônes ».

Charles X, ne prononçant plus les paroles rituelles des premiers sacres : Le Roi te touche, Dieu te guérit, ne semble-t-il pas douter lui-même de sa délégation divine, de son pouvoir miraculeux de guérison ? N’aurait-il plus simplement que la grâce d’intercession, tout comme saint Marcoul ?

De fait, les écrouelleux sont, en 1825, « rangés pour le toucher du roi » aussi rares qu’ils étaient accourus nombreux, au-devant du Béarnais à Paris, au-devant de Louis XIV et de Louis XV à Corbeny, au-devant de Louis XVI à Reims. Et pourtant, combien nombreux étaient les scrofuleux ganglionnaires, au début du XIXe siècle, à l’époque même où le baron Alibert, médecin du roi. rentrant du sacre de Charles X, décrivant la scrofule, la disait endémique, tout comme l’avait fait déjà André du Laurens. Ajoutons que le même Alibert, médecin de l’hôpital Saint-Louis, professeur de Thérapeutique à la Faculté de Médecine de Paris, reste, et pour cause, dans son enseignement, muet sur le pouvoir de guérison des mains royales, contrairement à tant d’autres archiâtres qui avaient « tenu la tête des écrouelleux » lors du toucher.

Si l’usage s’est perpétué jusqu’au renversement de l’ancienne monarchie, sans interruption, quel en est le principe et la cause réelle ? Est-il vrai, comme on le suppose assez généralement, que, dans l’origine, le roi Robert, ou tout autre prince de sa dynastie, n’ait fait que céder à une inspiration divine et toute spéciale, en touchant les malades pour la première fois ? Devons-nous penser qu’il se soit réellement cru le pouvoir de les guérir comme oint du Christ, et, ainsi que l’ont écrit et répété tous les historiens du sacre, par une grâce singulière attachée au baume de la sainte ampoule ?

N’est-ce pas plutôt dans les pratiques et les préjugés communs du Moyen Age, qu’il faut rechercher l’origine et la raison de cette coutume ? Il faut savoir que nos ancêtres portaient beaucoup de respect au Saint Chrême, et, en général, à toutes les huiles préparées et bénies par l’église pour l’observation de ses rites. Ils attribuaient à ces huiles différentes vertus ; et comme ils avaient plus de foi que de lumières, leur croyance dégénéra en préjugé, et le préjugé, en abus dans son action.

Nombre de chrétiens se servaient du Saint Chrême comme d’un remède ordinaire contre diverses maladies ; il y en eut même qui l’employèrent dans les maléfices, faute grave que les conciles furent obligés de réprimer par les peines les plus sévères (notamment le concile d’Arles de 813). Les prêtres reçurent l’ordre de tenir le Saint Chrême sous le sceau, et de n’en donner à aucun de ceux qui en demanderaient comme remède, sous peine de déposition.

Henri IV touchant les écrouelles. Estampe du temps

Henri IV touchant les écrouelles. Estampe du temps

Il fut décrété, en même temps, que l’ecclésiastique qui fournirait l’huile sacrée pour empêcher le jugement ou la recherche d’un crime, serait déposé et aurait la main coupée. C’est qu’on portait la superstition au point de se persuader que si un criminel trouvait le moyen de se frotter d’huile sainte, la justice ne pouvait découvrir ses crimes quelque enquête qu’elle fît faire. Cette étrange imagination ne s’était point encore effacée de l’esprit des peuples à la fin du XIe siècle : on en trouve la preuve dans le recueil de Burchard de Worms, où, entre autres articles sur lesquels le confesseur devait interroger son pénitent, on lit celui-ci : « Avez-vous bu du chrême pour empêcher l’effet du jugement de Dieu ? »

Il y a plus : les constitutions synodales que publia le savant Isidore Clarius, moine du Mont-Cassin, dont l’érudition étonna le concile de Trente, font voir que l’abus du Saint Chrême avait laissé des traces profondes en Italie, où il se manifestait encore de son temps. « Que l’on garde honorablement, dit cet écrivain, le corps de Notre-Seigneur dans une boîte propre et décente, et qu’on le tienne sous clef avec la sainte huile, dans un lieu spécialement destiné à ce dépôt (...) afin que personne n’en puisse emporter pour l’employer à des enchantements. »

Nous avons déjà précisé que l’usage du toucher des écrouelles paraît ne remonter qu’au roi Robert, selon l’opinion la moins contestable. Nous avons vu aussi que Robert était naturellement pieux ; son humilité égalait en lui cette charité chrétienne qui marque toutes les circonstances de sa vie. Indépendamment du toucher des malades, c’est encore lui qui introduisit l’usage où sont nos rois de laver les pieds à treize pauvres le jeudi-saint, et de les servir à table, aidés des princes et des seigneurs de la cour. Il portait l’abnégation de lui-même au point de permettre aux malheureux de le voler.

Robert était savant, dit-on ; mais le savoir n’excluait point alors l’influence des préjugés. Il toucha les plaies rebelles, non pas comme roi de France, ni en supposant dans sa qualité de monarque une vertu singulière, mais parce que le préjugé dominant attribuait à toutes les huiles saintes la vertu de guérir, et qu’ayant été oint d’une huile divine, Robert pensait semble-t-il que la même grâce était attachée à son onction.

Ainsi l’usage du toucher des écrouelles, considéré depuis longtemps comme dérivant d’une grâce toute particulière aux rois de France, n’aurait été, dans l’origine, qu’un acte commun à tous les chrétiens qui avaient, à cet égard, les mêmes principes de charité et de croyance. Nous voyons, en effet, que cette grâce était réputée s’attacher à l’attouchement de princes qui n’ont jamais occupé le trône de France, et même de personnes qui n’eurent jamais rien de commun avec les princes.

On croyait, par exemple, que de jeunes filles avaient la vertu de guérir les écrouelles et les squirres, pourvu qu’elles fussent réellement vierges, et qu’elles prononçassent à jeun et toutes nues, cette formule : Negat Apollo pestem posse recrudescere quam nuda virgo restringat. On attribuait le même pouvoir au septième enfant mâle de chaque famille, né en légitime mariage et sans mélange de filles. Il est vrai que la cure ne confirmait pas toujours le préjugé.

 
 
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