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Réveillon de fin d'année au restaurant et savoir-vivre

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Anecdotes insolites
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Réveillon de fin d’année
au restaurant et savoir-vivre
(D’après « Les Modes : revue mensuelle illustrée des Arts décoratifs
appliqués à la femme », paru en 1921)
Publié / Mis à jour le samedi 31 décembre 2022, par Redaction
 
 
Temps de lecture estimé : 3 mn
 
 
 
En décembre 1921, Maurice de Waleffe, créateur l’année précédente de La plus belle femme de France, concours national de beauté aujourd’hui connu sous le nom de Miss France, prodigue quelques conseils relatifs à la toilette et la conduite qu’à ses yeux les femmes doivent adopter si elles optent pour un réveillon de fin d’année au restaurant

L’année parisienne se termine par tradition devant des tables somptueuses, écrit Maurice de Waleffe. La semaine qui débute par le réveillon de Noël et finit par le réveillon du Nouvel An est la grande semaine de l’estomac. Comme il y a la saison des toilettes de courses ou des toilettes de plages, voici celle des toilettes de restaurants. Elle s’annonce cette année, éblouissante.

La toilette pour dîner au restaurant n’est pas la toilette pour dîner chez des amis. Il y a une nuance. Si luxueuse que soit une salle à manger d’hôtel chic ou de cabaret à la mode, la présence de convives étrangers commande une légère discrétion dans le décolleté. En revanche, l’entrée permet des effets de fourrure. L’éclosion rose des épaules émergeant lentement de leur écrin de zibeline ou de chinchilla, ressemble à la germination d’un lotus filmée au cinéma. On reste en demi-peau, mais on garde l’ombre du grand chapeau à la Gainsborough, comme on poserait un abat-jour sur une clarté trop vive. Et le fourreur et la modiste y trouvent leur compte.

Il y a des dames qui dépouillent alors leurs longs gants blancs — elles ont raison — mais qui les roulent en boule dans leur verre à eau, et elles ont tort. Un verre n’est pas un vide-poche, et la place d’un vide-poche n’est pas sur une table où l’on dîne. Quant aux dames qui allument une cigarette entre chaque plat, c’est autre chose. Le geste n’a rien que de joli et je n’y vois, pour ma part, aucun mal. J’en dirai autant du geste de se repoudrer devant la glace à main. Pour le bâton de rouge sur les lèvres, dans votre intérêt, attendez pourtant d’avoir fini de manger.

Mais le pire détail, que les plus élégantes oublient trop souvent, est la pose des jambes sous la table, affirme Maurice de Waleffe. Ne ramenez pas les pieds sous la chaise, cela est disgracieux. Soyez toujours assise comme s’il n’y avait point de nappe, et que toute la salle croie vous voir trôner sur un nuage ! Les hommes ont licence de poser les pieds carrément sur le parquet. La femme, plus onduleuse, ne doit pas écarter les genoux, mais finir en pointe, comme les sirènes, en croisant les chevilles.

Quant le romancier Maupassant publia Bel Ami, ce livre fit de lui le lion du jour. On l’invitait à dîner dans tous les mondes. Mais il racontait à l’une de ses amies — dont je tiens l’anecdote — qu’il lui fallait dès le potage garder les jambes sous sa chaise, par crainte que ses voisines ne lui fissent du pied sous la nappe. C’est un danger que les hommes qui n’ont pas écrit Bel Ami ne courront guère. Je veux croire que la jupe courte aujourd’hui en défend même les femmes. D’ailleurs, au malotru qui sortirait son pied de l’escarpin pour appuyer sur votre bas de soie une chaussette indiscrète, il y a d’autres défenses à opposer. D’un coup de pied sournois, chassez au loin l’escarpin vide, et jouissez silencieusement de l’embarras du déchaussé ! Il faut être bien sot pour faire la cour à une femme avec les pieds !

Il y a encore des mijaurées qui croient poétique de ne toucher aux mets que du bout des lèvres. Je les plains ! Mangez lentement, mais savourez ce que vous mangez ! Le contraire est l’indice d’un mauvais estomac. Qui a mauvais estomac aura souvent mauvaise haleine. Pascal vous dirait : Qui veut faire l’ange fait la bête ! À qui voulez-vous donc plaire ? À des dyspeptiques ? Ils ont un caractère fâcheux.

Certes, rappelle Maurice de Waleffe, nous n’avons plus le royal appétit de Louis XIV, qui commençait son dîner par quatre chapons bouillis, en guise de hors-d’œuvre, ni même l’appétit de ces abbés musqués de l’Ancien Régime, que Brillat-Savarin nous montre, quand ils mangeaient des huîtres, n’en commandant jamais moins d’une grosse (douze douzaines), après quoi ils dînaient solidement, et dans les mêmes proportions.

Mais si nous mangeons moins gloutonnement que nos aïeux, j’ai la conviction qu’en cela, comme dans le reste, nous avons raffiné. Je parle pour les rôtisseurs qui rôtissent sur feu de braise, et non pour les gargotiers qui font la cuisine au gaz ou à l’électricité. M. Cornuché, qui a édifié à Deauville et à Cannes des palais de toute succulence, me disait à quels signes il reconnaît en voyage, un honnête restaurateur : « Je commande un consommé et une sauce hollandaise. Ces deux plats jugent une maison. On ne les truque pas ! »

Pour moi, je m’avoue gourmet, et je pense qu’une pointe de gourmandise est inséparable de gaîté, loyauté, générosité, bonne humeur, toutes qualités d’aimable compagnie. Je me souviens encore de certaine tarte aux pommes, au buffet de Stuttgart, d’un coq de bruyère à Marienbad, d’un gigot de pré-salé à Belle-Isle-en-Mer, d’un poulet rôti à Nuremberg, où Guillaume II avait fini par élever des volailles étonnantes, qu’il doit regretter aujourd’hui... Et je vous en souhaite autant à souper pour vos réveillons de l’an 1921.

Car les Grecs, peuple qui connut le mieux la joie de vivre, n’en ont jamais inventé d’autre pour leurs Immortels que celle de manger des mets succulents devant des femmes parées comme des déesses.

 
 
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