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26 septembre 1423 : bataille de la Brossinière et victoire française sur l'ennemi anglais

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Éphéméride, événements
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26 septembre 1423 : bataille de
la Brossinière et victoire française
sur l’ennemi anglais
(D’après « Un épisode de la guerre des Anglais dans le Maine : la bataille
de la Brossinière, septembre 1423 » (par Jules Le Fizelier), paru en 1876)
Publié / Mis à jour le lundi 26 septembre 2022, par Redaction
 
 
Temps de lecture estimé : 9 mn
 
 
 
En pleine guerre de Cent Ans et voyant s’affronter plus de 2500 Anglais et plus de 3000 Français, la bataille de la Brossinière eut un grand retentissement car constituant, depuis l’avènement de Charles VII, la première victoire remportée par nos troupes, avec à la clef un immense butin et la libération de prisonniers et otages

L’avènement du jeune roi Charles VII (octobre 1422) avait réconforté les coeurs et relevé les courages. Dans le Maine, nos vaillants champions recommençaient gaiement la lutte. Mais vers la fin de l’été 1423, lord William de La Pole, frère du comte de Suffolk, celui que les annalistes appellent La Poule, prépara une de ces grandes expéditions militaires qui de Normandie s’abattaient chaque année sur le Maine et étaient la terreur et la ruine des campagnes. Il entraîna les capitaines et les garnisons anglaises des villes et châteaux de la Basse-Normandie, environ deux mille hommes et cinq à six cents archers, descendit dans le Maine, le traversa en le pillant, et poussa ses pilleries et ses courses jusqu’à Segré, qu’il prit et rançonna.

La belle-mère du roi Charles VII, Yolande d’Aragon, qui était à Angers, s’empresse d’en mander la nouvelle à Ambroise de Loré — qui avait participé en 1415 à la bataille d’Azincourt et était attaché de longue date au dauphin Charles VII avant même qu’il ne devînt roi de France —, au château de Sainte-Suzanne ; elle lui fait savoir que les Anglais se préparaient à regagner la Normandie et qu’ils emmenaient avec eux un immense butin, notamment 1200 bœufs ou vaches enlevés aux pâturages de l’Anjou.

La veille de l'attaque, Jean d'Harcourt, comte d'Aumale, loge à Bourgneuf-la-Forêt et y est rejoint par André de Laval (futur maréchal de France) et des hommes venus guerroyer contre les Anglais

La veille de l’attaque, Jean d’Harcourt, comte d’Aumale, loge
à Bourgneuf-la-Forêt et y est rejoint par André de Laval (futur maréchal de France)
et des hommes venus guerroyer contre les Anglais

Ambroise de Loré ne doute pas qu’il n’y ait là un beau coup à faire ; il en avertit le comte d’Aumale, Jean VIII d’Harcourt, qui se tenait à Tours, où il gouvernait, pour le roi, les pays d’Anjou, du Maine et de la Touraine. Précisément, le comte ramassait en ce moment une grande assemblée de gens pour une entreprise qu’il méditait sur la Normandie. Il envoie des chevaucheurs de toutes parts « pour faire tirer ses hommes d’armes ensemble ». Lui-même quitte hâtivement Tours avec quelques troupes et arrive à Laval où rendez-vous était donné.

Toute une brillante noblesse angevine vient l’y rejoindre : ce sont les seigneurs d’Aussigny, des Barres, de Chambellay, de Daillon, de Mirmande, de Charnacé, de la Grandière, de la Roche-Couasnon, de Carquenon, de Chanzé, de Bouillé, de Daon, etc. ; là, se trouvent avec les Angevins, nos plus intrépides capitaines Manceaux et Normands : Jacques de Montenay, Pierre Le Porc, seigneur de Larchamp, Louis de Tremigon, seigneur du Tertre, Ambroise de Loré, Pierre d’Alençon, ce brillant bâtard qui a juré de venger la mort de son père tué à Azincourt en ne faisant jamais de quartier aux Anglais et enfin Jean de la Haye, baron de Coulonges, vaillant chevalier, qui arrive de Mayenne « avec une belle et gente compaignée ».

Malheureusement, le comte d’Aumale ne voulait pas voir Coulonges et était en grande indignation contre lui, pour quelques désobéissances qu’il avait faites dans son commandement. On essaya de les remettre ; tout fut inutile. Cependant, comme le secours qu’amenait Coulonges n’était point à dédaigner, grâce à l’intervention d’Ambroise de Loré, il fut convenu qu’il prendrait part à l’expédition, mais qu’il ne se présenterait pas au gouverneur et qu’il irait devant avec sa troupe.

« Le comte d’Aumale avoit également envoyé à Vitré pardevant les dames de Laval, Jehanne et Anne, pour leur prier qu’elles lui voulsissent envoyer le plus de gens qu’elles pourroient, pour luy ayder, avecques un des fils du sire de Laval, à combattre les Anglois. Les bonnes dames incontinent, mandèrent le plus secretement qu’elles peurent les subjects de leurs terres, ce qu’elles en peurent promptement réunir et les envoyèrent au comte d’Aumale en la compaignie d’André de Laval, deuxième fils de Madame Anne (celui qui fut depuis sire de Lohéac et maréchal de France), et du sire de Montjean, Guy de Laval, son oncle à la mode de Bretagne, qu’elles luy baillèrent pour le gouverner. Auquel André au département de Vitré, la bonne dame Jehanne, qui avait été femme du bon et preux chevalier Messire Bertrand du Guesclin, ceignit l’espée du Connétable ». Ce jeune seigneur, auquel sa grand-mère confiait cette héroïque épée, avait à peine seize ans.

Son frère aîné, Guy XIV, ne put l’accompagner, se trouvant alors à la cour du duc de Bretagne ; il avait été fiancé, en 1419, à Marguerite, une des filles du duc, et vu le jeune âge des deux époux, on les avait séparés en attendant que le mariage pût s’accomplir ; suivant l’usage du temps, Guy demeurait auprès de Jean VI, son beau-père, pendant que sa petite fiancée était confiée aux soins des dames de Laval.

Le comte d’Aumale savait que les Anglais, après avoir quitté Ségré, avaient traversé le Craonnais et remontaient vers le Nord, en côtoyant les frontières de Bretagne. Voulant se mettre entre eux et la Normandie où ils retournaient, le comte, avec toute sa troupe, partit de Laval, de grand matin, le samedi 25 septembre, et vint loger à un village nommé le Bourgneuf-la-Forêt. C’est là qu’il fut rejoint par le jeune André de Laval, le sire de Montjean, et les gens des communes qu’ils amenaient avec eux.

La noblesse s’épuisait ; l’habitude prenait de convoquer pour les expéditions militaires ces « gens de commun » que les chevaliers ne méprisaient plus tant et qui, lorsqu’ils étaient bien conduits, rendaient de grands services comme soldats de pied et comme archers. Chaque paroisse, suivant son importance, en fournissait un certain nombre, et devait aider à leur armement. Ceux qui tiraient l’arc venaient avec l’arc, ou l’arbalète, la trousse remplie de scestes (flèches) et la coustille (le coutelas) à la ceinture. Les autres étaient armés de mails de plomb ou plombées, de vouges (sorte de pique épaisse et coupante d’un côté), de haches, etc. Autant que possible, ils se couvraient la tête d’une capeline de fer, le corps et les bras d’un jaque ou gambesson garni de laîches (lamelles de fer) ou de chaînes de maille et portaient de longs paniers de bois léger recouverts de peaux, derrière lesquels ils se cachaient lorsqu’ils lançaient leurs flèches et leurs carreaux.

Le comte d’Aumale avait envoyé de Laval des coureurs à la rencontre des Anglais, avec l’ordre de les côtoyer, de les surveiller de loin, et de lui donner, d’heure en heure, de leurs nouvelles. Le samedi soir, en arrivant au Bourgneuf, il apprit que l’ennemi approchait. En quittant Segré les Anglais avaient dû remonter l’Oudon, puis par Pommerieux, Craon, Cossé, Montjean, étaient arrivés au-delà de La Gravelle, sans s’arrêter à faire le siège de ces places assez bien défendues, empêtrés d’ailleurs par cet immense butin et ce troupeau de mille à douze cents bœufs qu’ils traînaient après eux. Ils s’étaient logés, pour la nuit, à trois lieues du Bourgneuf, et on dit au comte qu’ils tiraient droit pour aller passer à une lieue de là, à un endroit nommé les landes de la Brossinière.

On tient immédiatement conseil. Le bâtard d’Alençon, le jeune André de Laval, messire Guy son gouverneur, Ambroise de Loré, messire Louis de Trémigon et quelques autres chevaliers et écuyers de marque se réunissent sous la présidence du comte d’Aumale. On ne discute pas longtemps ; après diverses opinions et « imaginations », le plan de bataille est arrêté. Le lendemain matin, au soleil levant, le comte avec toute l’armée se rendra au lieu de la Brossinière.

Tous les chevaliers mettront pied à terre et placés en bonne embuscade attendront l’ennemi. De Loré et de Trémigon, à cheval, avec cent cinquante lances, iront au devant des Anglais et escarmouchant avec eux, sans toutefois engager l’action, tâcheront de les amener au gros de l’armée française. On leur dit que s’ils voulaient avoir un troisième capitaine avec eux et quelques cavaliers de plus, ils les prissent. C’était les autoriser à s’adjoindre le baron de Coulonges, dont le comte d’Aumale ne voulait pas même entendre prononcer le nom devant lui. Puis, l’ordonnance ainsi faite, on alla prendre un repos dont on avait besoin.

Le lendemain dimanche, au point du jour, la petite armée française était rendue et mise en bataille sur les landes de la Brossinière, non loin d’un village qui existe encore et qui porte le même nom. Ces landes aujourd’hui cultivées, couvraient alors une vaste étendue de terrain parsemé de bruyères et de taillis, au milieu desquels serpentait, indécise, la route venant de la Gravelle et se dirigeant vers le nord. À l’Ouest s’arrondissent les premières collines de la Bretagne couvertes de bois. Au sud le terrain se redresse et forme de légères ondulations et quelques vallées peu profondes dans lesquelles les Français, qui avaient mis pied à terre, pouvaient facilement faire leur embuscade et se dissimuler aux Anglais venant du côté de la Gravelle.

Un brouillard automnal couvrait la campagne. Les Français frissonnants, impatients, attendent l’ennemi qui ne paraît pas. Une heure, deux heures se passent. Rien encore. Enfin, Ambroise de Loré, qui était en avant avec sa cavalerie, aperçoit les coureurs Anglais qui chassaient devant eux les coureurs envoyés par le comte d’Aumale ; il part au galop avec Trémigon, Coulonges et ses cent cinquante cavaliers et se met à escarmoucher si durement contre les Anglais qu’il les force à descendre de cheval à un demi-quart de lieue du village de la Brossinière ; il les presse, les harcèle, les met dans l’impossibilité d’éclairer leur route, et grâce au brouillard, les empêche de voir la bataille du comte d’Aumale, vers laquelle les Anglais avançaient sans s’en douter.

Cependant, William de La Pole s’aperçoit qu’il va avoir affaire à forte partie. Déjà, tous ses gens d’armes ont mis pied à terre. Il ordonne de prendre ce formidable ordre de combat qui tant de fois fut fatal à nos armes. Les Anglais se forment en bataille profonde. Derrière cheminent serrés les uns contre les autres les lourds chariots qui portent les bagages et le riche butin enlevé à Segré : au centre les chevaux tenus par les écuyers avec les prisonniers et les otages, sur les ailes les archers. Ils avancent en belle ordonnance, en rangs pressés, lentement, pesamment, piquant obliquement en terre leurs paulx pointus et ferrés — herse mobile, vivante et mouvante, hérissée de pointes et de fer, contre laquelle la folle valeur française était venue si souvent se briser —, que, comme le soldat romain, ils portent toujours avec eux : ceux du dernier rang enlevant les pieux placés par ceux du premier, pour repasser devant le premier rang et les replanter à leur tour.

Malheureusement pour eux, ils sont retardés par cet interminable convoi de bœufs qui marche à leur suite et couvre une étendue d’au moins une lieue de long. Déjà des troupes de ces animaux, irritées, affolées par les coups de lance des cavaliers de Loré et par les flèches des archers des communes, se sont débandées et ont jeté le désordre sur quelques points de la bataille anglaise.

Cependant, elle marchait toujours, lourde, pesante, impénétrable, nos cavaliers se retirant devant elle, la fatiguant toutefois de leurs rudes escarmouches. Tout à coup, ils se démasquent et laissent apercevoir la bataille du comte d’Aumale. Anglais et Français sont en -présence, à distance d’un trait d’arc. À ce moment le soleil commençait à percer la brume matinale et à déchirer le rideau de brouillard étendu sur la lande. C’était merveille à voir luire gaiement aux rayons du soleil les étendards frissonnants, les aciers des armures, les ors et ces éclatantes couleurs des cottes armoriées, des pennons et des lambrequins déchiquetés qui flottent aux cimiers des casques. Les ménétriers se mettent à corner et à sonner sur leurs violes les vieux airs populaires ; les seigneurs, comme des fauves, poussent leurs cris de combat.

De Loré, de Coulonges, de Trémigon, à cheval entre les deux batailles, veulent forcer de prime saut le front des Anglais ; mais ils viennent se heurter contre les pieux solidement fichés en terre et contre la froide ténacité de William de La Pole et de ses chevaliers. Les chevaux se cabrent, se renversent avec leurs cavaliers. Mais de Coulonges et de Loré sont là ; ils ont vite reformé leur attaque ; les écuyers remettent en selle leurs seigneurs désarçonnés ; les éperons s’enfoncent dans les flancs des chevaux ; ils repartent. Au lieu d’attaquer de front, ils font un détour, tournent la bataille, aperçoivent un point moins défendu par les pieux et les chariots. Eux et leurs vaillants, la lance en avant, penchés sur le cou de leurs montures, y pénètrent comme une tempête, rompent la ligne anglaise et commencent à mettre le désordre dans les rangs.

André de Lohéac, maréchal de France. Enluminure extraite de l'Armorial de Gilles Le Bouvier, manuscrit de 1455

André de Lohéac, maréchal de France.
Enluminure extraite de l’Armorial de Gilles Le Bouvier, manuscrit de 1455

À ce moment, d’Aumale avec ses gens de pied, attaquait de front la bataille anglaise et partout le combat s’engageait corps à corps. Ce fut un beau cliquetis que celui de ces maillets de fer hérissés de pointes, de ces plombées, de ces haches anglaises frappant et refrappant sur les bassinets et les armures et menant si haut bruit qu’on eut dit tous les forgerons du Bas-Maine besognant à la fois sur leurs enclumes. Les gens des communes ne s’y épargnent pas ; ils se jettent au milieu de la sanglante poussée ; ils achèvent les gens d’armes renversés, impuissants à se relever sous leurs lourdes armures ; leurs vouges, leurs miséricordes vont chercher le défaut des cuirasses, s’y enfoncent et en sortent avec de longs jets de sang. « Il y eut très dur estour » dit Monstrelet et il s’y fit de part et d’autre de grandes vaillances d’armes. La vieille épée de Du Guesclin fit merveille dans les jeunes mains d’André de Lohéac, qui près de son gouverneur ferraillait à plaisir dans la mêlée.

Cependant, les Anglais rompus de toutes parts n’ont plus d’ordonnance. Ils se laissent acculer à un large fossé et bientôt leur défaite s’achève. Le combat ne fut pas long, mais il fut sanglant. Treize à quatorze cents Anglais restèrent couchés sur le champ de bataille. « Dont fut sur le champ l’occision nombrée à neuf cents trente-trois Anglais natifs d’Angleterre, qui tous furent mis en une fosse » (La Geste des Nobles) ; « Largement douze cents hommes » (Monstrelet) ; « Quatorze à quinze cents mis en terre et de tuez à la chasse de deux à trois cents » (Chronique de la Pucelle) ; « les François qui estoient petite compagnée, par grand hardement se frappèrent parmy Angloys, en faisant merveilleuse occision, tant que L’honneur leur demeura et là moururent de la part des Angloys de six à sept mille hommes, sans les prisonniers. De François peu y moururent, mais plusieurs furent navrez » (La Chronique de Normandie). Le chiffre de six à sept mille est évidemment exagéré.

Le héraut Alençon les compta en les faisant enterrer le lendemain, d’après les ordres de la dame de Laval, sur la terre de laquelle s’était livré le combat. D’autres périrent dans la déroute, sur la lande, dans les bas chemins, au milieu des champs, tués, assommés, soit par les gens d’armes qui remontant à cheval se jetèrent à leur poursuite, soit par ceux des communes qui, ayant de grandes misères à venger, ne faisaient nul quartier et n’avaient non plus de pitié des Anglais que si ce fussent des chiens.

Le résultat de la victoire était inespéré. L’armée anglaise était détruite. Sauf cent vingt peut-être qui échappèrent, tous furent tués ou faits prisonniers et parmi ces derniers lord Pole, Thomas Aubourg, Thomas Cliffeton, « et bien trente nobles d’Angleterre », rapporte Le Baud dans son Histoire de Bretagne. Un immense butin, ainsi que tout le convoi de vaches et de bœufs tomba aux mains des Français. Les prisonniers et les otages de Segré furent délivrés. Les Français eurent beaucoup de blessés, mais peu de morts : un seul chevalier, messire Jehan Leroux, et cent vingt environ de ces braves gens des communes qui se firent tuer dans le combat.

Le comte d’Aumale termina cette brillante journée, comme il était d’usage, en faisant plusieurs chevaliers sur le champ même de la bataille. Le jeune André de Laval fut du nombre. Il s’en était montré digne. Charles Marest, cité par Bourjoly, veut que ce soit le comte d’Aumale qui, en lui ceignant l’épée de Du Guesclin, avec laquelle il avait combattu, lui ait dit les fières paroles que d’autres prêtent à l’aïeule : « Dieu te fasse aussi vaillant que celui qui la portait. »

Le roi apprit la nouvelle de cette victoire le 28 septembre au soir, au château de Loches. Il fut si enchanté qu’il écrivit de suite au sénéchal et aux habitants de Lyon, pour la leur annoncer, et Guillaume Charrier, son receveur général des finances, fut autorisé à donner quatre mille cinquante livres tournois au comte d’Aumale pour l’aider à la fondation d’une chapelle destinée à en perpétuer le souvenir.

Anne de Laval, reconnaissante envers Dieu de la grande victoire et de la vaillance de son fils, donna à l’église Saint-Thugal de Laval, nouvellement érigée, une grande châsse d’argent où l’on déposa les reliques du saint évêque.

Tous les chroniqueurs du temps ont raconté en dé tailles péripéties du combat de la Brossinière. Les poètes aussi voulurent célébrer ces hauts faits d’armes. Charles Maucourt de Bourjolly (1645-1721) nous a conservé quelques-unes de ces productions locales : ce vers latin, par exemple, dans lequel un pédant de l’époque a trouvé moyen d’introduire un jeu de mots sur lord Pôle : « Anglorum pullos contrivit libra Gravella », ce que l’on peut traduire par : « La Balance (signe zodiacal de spetembre) a vu la déroute des poules anglaises dans les champs de la Gravelle ».

Et ces vers populaires :

Du mois tout le derrain dimaine [dernier dimanche]
Que vendangeux sont en grant peinne,
Tu sauras le mois et le jor
Qu’André de Laval mon seignor
Fut faict chevallier en bataille
Et mains Angloys tua sans faille,
Ès parties de la Brossinière
Et là déploya sa bannière.

La chapelle que le comte d’Aumale devait élever ne semble pas avoir été construite, puisqu’il il n’y en a aucune trace aujourd’hui ; à moins qu’il n’y ait quelque vérité cachée sous les légendes que débitait au XIXe siècle une vieille femme, habitante du village de la Brossinière : « Notre village, affirmait-elle, était autrefois une ville ; il y avait bien des maisons ; un jour tout s’est afondré. » Elle montrait un petit pré derrière sa masure : « C’est là qu’était l’église ; dans ma jeunesse j’ai encore vu de vieux murs et de gros tas de pierres. » Cette église détruite serait-elle la chapelle élevée par le comte d’Aumale ? Le village de la Brossinière existait certainement à l’époque du combat.

Pas une croix, pas une pierre ne conserve le souvenir du combat. On n’en saurait plus l’emplacement, si une petite lande située non loin du village n’avait gardé la forme des longs tumuli sous lesquels le héraut Alençon fit déposer côte à côte les vaillants tombés dans la bataille et où ils dorment plus d’un demi-millénaire. Ces tombelles s’étendent sur trois rangs parallèles, de l’est à l’ouest, sur une longueur de près de cent cinquante pieds. L’endroit s’appelait jadis la Lande des Caves.

 
 
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