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16 avril 1846 : sixième attentat commis contre le roi Louis-Philippe

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Éphéméride, événements
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16 avril 1846 : sixième attentat
commis contre le roi Louis-Philippe
(D’après « Attentat du 16 avril 1846 : rapport fait à la Cour par
M. Franck Carré, l’un des commissaires délégués par M. le duc Pasquier,
Chancelier de France, président de la Cour des Pairs, pour l’assister
dans l’instruction du procès déféré à cette Court par ordonnance
royale du 17 avril 1846 » paru en 1846, « Fontainebleau :
mille ans d’histoire de France » (par Jean-François Hebert
et Thierry Sarmant) paru en 2013, « Histoire des conspirations
et des exécutions politiques en France, en Angleterre, en Russie
et en Espagne depuis les temps les plus reculés
jusqu’à nos jours » (Tome 1) paru en 1841
et « Le Siècle » du 9 juin 1846)
Publié / Mis à jour le mardi 28 mars 2017, par Redaction
 
 
Temps de lecture estimé : 6 mn
 
 
 
Revenant vers cinq heures du soir au palais de Fontainebleau après une assez longue promenade, Louis-Philippe est victime d’un attentat commis par un ancien garde des forêts de la couronne qui parvient à tirer deux coups de fusil en direction du souverain, sans l’atteindre

On se représente volontiers le règne de Louis-Philippe comme une période de calme intérieur, de paix extérieure, de prospérité économique, de tranquillité bourgeoise. Les Français se seraient réconciliés à l’ombre du parapluie du roi-citoyen. Rien n’est plus faux. Le régime de Juillet ne cessa d’être contesté, sur sa droite comme sur sa gauche. Pour les uns, Louis-Philippe était l’usurpateur du trône d’Henri V ; pour les autres, il était l’escamoteur de la Révolution de 1830 et le principal obstacle à l’instauration de la République.

Après 1840, le régime parut se stabiliser et trouver son assiette. Ces apparences étaient trompeuses ; la monarchie d’Orléans était moins solidifiée qu’ossifiée. Sous la présidence nominale du maréchal Soult, le gouvernement était dans la main de Guizot. Le roi vieillissait. La mort du duc d’Orléans, en 1842, avait privé le régime d’une espérance de renouveau à court ou moyen terme. Elle laissait la voie ouverte à une régence du duc de Nemours, dont l’éducation avait été celle d’un cadet destiné à s’effacer.

Louis-Philippe. Lithographie de Jacques-Etienne Pannier, d'après une peinture de Franz Xaver Winterhalter de 1839

Louis-Philippe. Lithographie de Jacques-Etienne Pannier, d’après une peinture
de Franz Xaver Winterhalter de 1839

En raison des nombreuses tentatives de régicide dont Louis-Philippe avait été victime — cinq avant l’attentat de 1846 —, chaque séjour du souverain à Fontainebleau était précédé et accompagné d’importantes mesures de sécurité. Les travaux en cours sur la route nationale 7 étaient interrompus, de façon à ce qu’aucun obstacle ne se dressât sur le parcours du roi. Plusieurs jours avant l’arrivée de la famille royale, les gendarmes visitaient les hôtels, les auberges, cabarets et maisons de prostitution pour y repérer les suspects. Les étrangers — notamment Polonais, Italiens et Espagnols — séjournant irrégulièrement étaient éloignés. Des patrouilles de gendarmerie étaient organisées autour du château, dans le parc et dans la forêt.

Arrivé à Fontainebleau le15 avril, Louis-Philippe sortit se promener en forêt le lendemain entre midi et une heure. Son cortège se composait de trois voitures. Le roi se tenait dans la première, un char à banc découvert et facilement identifiable : la caisse peinte en bleu portait le chiffre royal sommé d’une couronne et était surmontée d’un pavillon en cuir vernis. Outre le souverain y étaient assis le comte de Montalivet, intendant général de la Liste civile, la reine, le prince et la princesse de Salerne, la princesse Adélaïde, la duchesse de Nemours, le prince Philippe de Wurtemberg. Dans les deux autres voitures se trouvaient les aides de camp de service, le préfet de Seine-et-Marne, le sous-préfet de Fontainebleau, et quelques autres fonctionnaires.

Le cortège, sans escorte, sortit par l’avenue de Maintenon, prit à droit le pavé de Moret, traversa le carrefour de l’Obélisque, suivit les murs du grand parquet, et, après une assez longue promenade, dont le but avait été de rencontrer la chasse des Princes, prit enfin la route de Valvins pour rentrer par la ville ; mais bientôt, et sur l’ordre même du roi, le cortège, qui s était accru d’un certain nombre d’officiers de hussards et d’agents forestiers, quitta la route de Valvins pour prendre, comme d’habitude, la route d’Avon, pénétra dans le grand parc et suivit l’allée de la porte Rouge, qui longe le mur du petit parquet d’Avon.

On était arrivé aux deux tiers environ de la route du parc : il était alors cinq heures et demie, et les voitures étaient obligées d’appuyer sur la gauche, le chemin se trouvant embarrassé, du côté droit, par une certaine quantité de bois abattus, lorsqu’un coup de fusil se fit entendre à quelques mètres de distance. Un second coup éclatait quelques secondes plus tard. Mais personne ne fut touché. Le roi donna avec calme l’ordre de continuer la marche un instant interrompue, et, bientôt après, le cortège rentrait au palais.

Au moment où les coups de fusil se firent entendre, un homme avait été aperçu au-dessus du mur du petit parquet : une blouse, dont il était revêtu, lui couvrait la tête jusqu’aux yeux ; un mouchoir cachait le bas de sa figure. Vivement poursuivi, cet homme fut bientôt arrêté dans l’enceinte même du petit parquet, l’honneur de cette arrestation appartenant au lieutenant de gendarmerie Deflandre et au palefrenier Milet.

Conseil des ministres présidé par Louis Philippe. Peinture de Henry Scheffer (1840)

Conseil des ministres présidé par Louis Philippe. Peinture de Henry Scheffer (1840)

L’assassin portait encore l’instrument de son crime ; il avoua tout d’abord qu’il en était l’auteur, et se fit reconnaître pour le nommé Pierre Lecomte, âgé de 48 ans, ancien garde général des forêts de la Couronne à Fontainebleau ; il assura de plus qu’il était seul, et qu’il avait voulu se venger, sur la personne du roi, d’injustices dont il aurait été victime. « J’ai plus de cœur, dit-il, que ceux qui me calomnieront. » Des recherches furent faites dans l’intérieur du petit parquet : on reconnut qu’à l’aide de fagots accumulés et soutenus par des bûches, Lecomte avait préparé une sorte d’échafaudage, qui lui permettait d’atteindre la partie supérieure de ce mur, haut de quatre mètres. Il avait habilement choisi la place qui correspondait précisément au carrefour extérieur.

Au moment où le bruit des chevaux apprit à Lecomte le très prochain passage du roi, la pile de fagots n’était encore ni assez élevée ni assez solide pour permettre à l’assassin d’en tirer le parti qu’il s’était promis ; en fait, il se trouva placé, pour exécuter son attentat, sur un petit mur latéral séparant le parquet d’Avon du clos Dubois ; c’est de là, qu’appuyant le canon de son fusil sur la crête du mur supérieur, il tira successivement les deux coups sur la personne du roi, dont le séparait à peine une distance de quatre mètres dix centimètres. Le premier coup renfermait une balle et un certain nombre de grains de plomb zéro, communément appelé plomb à loup ; le second coup contenait deux balles.

On sut que Lecomte avait quitté Paris la veille, à dix heures du soir, emportant son fusil démonté et caché sous sa blouse ; qu’il avait voyagé dans la voiture publique sous le nom de Lebrun, et qu’il était arrivé le matin même, à quatre heures, à Fontainebleau. Silencieux pendant toute la route, il descendit devant l’hôtel de l’Aigle Noir où s’arrête la diligence, et prit immédiatement le chemin de la forêt. On sut encore que, vers dix heures et demie, il était allé déjeuner dans une auberge près du village de Samois. Le reste de la journée s’était passé, suivant ses déclarations, dans l’épaisseur du bois et au milieu des roches d’Avon, où il avait caché son fusil.

Lecomte déclara que, depuis près de trois mois, l’effroyable pensée du crime avait occupé son esprit ; que, se trouvant arrêté, le 15 avril, devant l’échoppe d’une marchande de gravures sur la place du Carrousel, il avait entendu la conversation de trois hommes attachés à la maison du roi, et que, ce hasard lui ayant fait connaître le départ du souverain, après de longues hésitations et de terribles perplexités, il avait enfin été vaincu par la violence de ses ressentiments, et s’était décidé à l’exécution de l’attentat.

Traduit devant la cour des paris le 5 juin suivant, Lecomte ne montra ni crainte ni regret. Dans Choses vues, Victor Hugo, alor pair de France, décrit les principaux moments du procès. On trouva d’abord à Lecomte l’air d’un « bon diable » et les différents témoignages décrivent un personnage dur, orgueilleux, peu sociable, mais de moeurs paisibles et austères. On entendit de nombreux témoins, employés des maisons royales et habitants de Fontainebleau. Le char à banc du roi fut même transporté dans une antichambre du palais du Luxembourg, afin que les pairs pussent l’examiner à leur aise. Durant les plaidoiries, le chancelier Pasquier fit observer à Lecomte que son crime était sans motif. L’ancien garde général répliqua : « Comment ! J’ai écrit au roi. Une fois. Deux fois. Trois fois. Le roi ne m’a pas répondu. Oh ! alors... »

Maître Duvergier, défenseur de l’accusé, plaida ses services honorables, sa probité, l’absence de préméditation et conclut sur « l’orgueil maladif qui a détruit sa liberté morale ». En somme, l’avocat expliqua que lors de l’exécution du crime, Lecomte ne jouissait pas de la plénitude de ses facultés mentales ; il apporta même des preuves à l’appui de son opinion qui, il faut le dire, était celle de tout le monde ; mais ce ne fut pas celle de la cour, les 232 pairs le déclarant coupable.

Quand le débat passa à la discussion de la peine, Victor Hugo parla à deux reprises pour la détention perpétuelle. Seuls deux autres pairs, le marquis de Boissy et le marquis du Bouchage, se rallièrent à son opinion. Les autres membres de la Haute Assemblée votèrent la peine du parricide prévue par l’article 13 du Code pénal : le condamné irait à l’échafaud pendant la lecture de l’arrêt de condamnation.

Le lendemain, Maître Duvergier introduisit un recours en grâce et fut reçu en audience par Louis-Philippe, qui lui dit : « J’examinerai. Je verrai. Le cas est grave. Mon danger est le danger de tous. Ma vie importe à la France. C’est pour cela que je dois la défendre. » Dans le cahier où il consignait ses décisions sur les grâces, le roi nota pour le cas Lecomte : « Ancien garde général de mes forêts. L’avis unanime et fortement exprimé du Conseil des ministres, que mon devoir m’interdisait dans ce cas de ne pas laisser libre cours à la justice, m’y a déterminé malgré mon profond regret. » Les ministres avaient argué auprès du souverain des dangers d’une longue régence s’il venait à disparaître et de la nécessité de décourager les aspirants au régicide.

Note de Victor Hugo sur l'affaire Lecomte en juin 1846 : À la fois calme et farouche, il a des mouvements de bête sauvage prise qui cherche à s'échapper à travers des barreaux

Note de Victor Hugo sur l’affaire Lecomte en juin 1846 : « À la fois calme et farouche,
il a des mouvements de bête sauvage prise qui cherche à s’échapper à travers des barreaux »

Louis-Philippe fit savoir à la sœur de Lecomte que sa pension lui serait reversée, mais celle-ci refusa. L’arrêt fut exécuté le 8 juin, c’est-à-dire trois jours après le jugement. Le journal Le Siècle du lendemain rapport que Lecomte a subi sa peine le lundi matin 8 juin, à cinq heures et demie, à la barrière Saint-Jacques, lieu habituel des exécutions capitales. Le condamné avait été prévenu le matin seulement. L’abbé Grivel s’est rendu auprès de lui pour lui donner les dernières consolations de la religion. Lecomte a montré beaucoup de fermeté. Cependant, à la nouvelle du rejet de sa demande en grâce, et en apprenant que l’heure de sa mort était venue, il a éprouvé une commotion nerveuse qu’il s’est efforcé de réprimer.

Pendant la fatale toilette, il est resté pieusement résigné. Conformément à l’arrêt qui l’a condamné à la peine des parricides, Lecomte a été vêtu d’une longue chemise blanche ; un voile noir a été placé sur sa tête. Son pantalon, de couleur grise, tenait à sa ceinture par un mouchoir lié aux reins.

Le funèbre cortège s’est mis en marche pour le lieu du supplice. Le condamné était placé dans une voiture cellulaire ; il avait auprès de lui l’abbé Grivel, dont il écoutait religieusement les saintes paroles. La voiture était précédée d’un piquet de gendarmerie de la Seine, et suivie d’un fort détachement de la garde municipale à cheval.

Dès quatre heures et demie, toutes les issues aboutissant au jardin du Luxembourg et à la rue d’Enfer, à partie de la rue des Deux-Eglises, étaient gardées et fermées par la troupe en armes. L’échafaud était entouré d’un bataillon de la garde municipale à pied et de forts piquets de la garde municipale à cheval. Un nombre considérable de sergents de ville entourait aussi l’échafaud.

Lecomte est descendu de la voiture avec une fermeté toute stoïque. Il était nu-pieds. Il s’est agenouillé et est resté quelques instants dans cette posture ; il paraissait prier. Il s’est relevé et a gravi les degrés de l’échafaud, puis s’est placé en face des spectateurs, tournant le dos au fatal couperet. Il est resté ainsi pendant la lecture du jugement ; cette lecture a duré deux ou trois minutes.

Pendant ce temps, l’abbé Grivel a dit quelques mots à l’oreille du patient ; puis, la formalité légale remplie, le respectable ecclésiastique a présenté à Lecomte le christ, qu’il a embrassé à plusieurs reprises. Il a embrassé ensuite avec attendrissement son confesseur, et s’est livré aux exécuteurs, qui l’ont retourné, et qui lui ont enlevé sa chemise blanche et son voile, avant de le lier à la bascule. Un instant après, la justice des hommes était faite. Quoique l’exécution eût été tenue secrète, plus de quatre mille personnes y assistaient.

 
 
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