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Légendes de l'origine des noms de Laval et Châteaubriant

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Légendes, Superstitions
Légendes, superstitions, croyances populaires, rites singuliers, faits insolites et mystérieux, récits légendaires émaillant l’Histoire de France
Laval et Châteaubriant
(Légendes de l’origine des noms de)
(D’après « Mémoires de Jean de Laval, comte de Châteaubriant ».
Écrits en 1538 et publiés en 1868)
Publié / Mis à jour le samedi 2 juillet 2016, par Redaction
 
 
Temps de lecture estimé : 4 mn
 
 
 
Dans ses Mémoires achevés de rédiger en 1538, Jean de Laval, comte de Châteaubriant, rapporte « deux antiquités bien curieuses » qu’il a apprises d’un vieux moine de l’abbaye de Vitré, touchant l’origine des familles de Laval et Châteaubriant, fort éloignée de celle communément et de nos jours admise

Dans une première chronique, Jean de Laval s’exprime ainsi : « Croyez le, ne le croyez mie, je ne l’ai point vu. Peu après le déluge universel (ce n’était point hier), un fils du chasseur Nembrod s’en vint avec femme et enfants, j’ignore pourquoi ni comment, demeurer aux lieux où depuis a été érigée la bonne ville de Laval, que Dieu conserve. En ce temps là, tout le pays n’était que forêts et marais pleins d’hydres et de dragons. Pour ce, le veneur [chasseur] Nembrodien en avait de la viande fraîche pour soi nourrir, et des peaux de bêtes pour soi vêtir, autant qu’il lui plaisait de tendre son arc ou de lever sa masse.

« Il vivait là, heureux comme un prince, sans penser à mal, et ne songeant qu’au repeuplement de la terre déshabitée. Il fit si bien, et quant et quant [en même temps] ses fils et petits fils, qu’il fut chef d’une famille plus numéreuse que celle d’Abraham, ainsi qu’il est écrit. Plus croissaient les hommes chasseurs, plus gibier décroissait ; la cause se conçoit de reste. Déjà famine aux longues dents se montrait emmi [parmi] ces braves gens ; car la chasse ne valait pas une obole, cependant la vertu prolifique multipliait encore les bouches.

Laval. Le château et le vieux pont

Laval. Le château et le vieux pont

« Pour lors, eux, sevrés de venaison, cherchèrent nourriture dans le grand fleuve poissonneux qui coulait là auprès comme à présent. La pêche aussi ne donnant plus de quoi mastiquer [manger], ceux-ci avisèrent, pour ne mourir de male [cruelle] faim, de détrousser les passants et viateurs [voyageurs]. La hart n’était encore inventée. Donc ils suivaient le cours de la rivière jusqu’à l’endroit qu’elle se perd en la marine, et jamais ne remontaient devers la source, d’autant que le poisson de ce côté était moins fréquent, comme aussi le butin et la curée larronique.

« Ils n’usaient pourtant de ruses et embûches pour rançonner le pauvre monde ; mais allaient à l’encontre visière levée, invoquant le combat de ceux-là qui violaient leur territoire. Bientôt furent en haine et effroi par toute la contrée et passa en proverbe que de ce fleuve insidieux fallait surtout craindre l’aval [le bas]. De là furent nommés les Nembrodiens : les hommes de l’Aval. De là le beau nom que je porte et que nul ne me peut disputer. »

Puis Jean de Laval livre une seconde chronique, se rapportant à Châteaubriant. « Régnant le roi Arthus, seigneur de la Table ronde, au temps des héros, géants, enchanteurs, fées et miracles, le non trop fameux sorcier Mélin ou Merlin, duquel a tiré son nom l’amiable poète abbé Mellin de Saint-Gelais, fit édifier, une nuit, par des lutins, au lieu même de mon château de Bretagne, une habitation aérienne, non de pierres et de chaux, comme il est accoutumé [d’usage] présentement, mais de diamants, de perles insignes et rubis balais. Si je faux [mens], allez-y voir. De vrai, ce palais céleste était chose admirable, jetant des myriades de rayons plus clairs et brillants que ceux solaires.

Jean de Laval, comte de Châteaubriant (1486-1543). Portrait par Jean Clouet, vers 1530

Jean de Laval, comte de Châteaubriant (1486-1543)
Portrait par Jean Clouet, vers 1530

« Or le Castel brillant, comme disaient les vilains, était renommé jusqu’aux colonnes herculéennes et par delà. Mais aucun ni aucune, prêtre ou séculier, noble ou vilain, femme ou pucelle, n’entra onc [jamais] dans ce laboratoire magique, sinon sainte Guyonne. Voici comme. Cette honnête dame, de païenne idolâtre qu’elle était, faite chrétienne orthodoxe par les soins de Messire Grégoire, archevêque de Tours [il vécut au VIe siècle], n’avait cessé de convertir les adorateurs de faux dieux. Elle fut féconde en miracles, guérit des malades, ressuscita des morts, et pourtant ne voulait-elle, à l’image des onze mille vierges, emporter en la lame [tombe] son pucelage entier et aussi monde [pur] qu’au sortir du ventre maternel. Où est le mal ?

« Elle pérégrinait lors en Bretagne, fondant chapelles et abbayes et conquêtant des âmes, tant et plus, à notre mère la sainte Église catholique. J’ai omis de dire qu’elle était belle et plaisante, et pleine de grâces corporelles non moins que de spirituelles. Il advint qu’elle passa devant le château brillant du seigneur Merlin, lequel travaillait, à cette heure, à un charme pour se faire aimer, jeune ou vieil, joli ou laid. Le dit charme, bu en guise de médecine, était plus fort que toute la boutique d’un apothicaire, et nul n’avait puissance d’y résister.

« Monsieur Merlin avait parachevé d’emplir une fiole de ce tant souverain remède, tandis que sainte Guyonne voyant une maison de pierres précieuses, éblouissante, et soutenue en l’air sans fondements, comprit que le diavole [diable] seul était l’architecte de cette merveille damnable. Que fit-elle ? Un beau signe de croix bien ordonné, avec ferme invocation muette aux anges et saintes du ciel.

« Soudainement, vous eussiez vu dévaler [descendre] en mille pièces le fort de l’enchanteur, lequel, parmi la chute inopinée de son tect cristallin [toit de cristal], tomba, sa bouteille en main, de telle manière que du coup la liqueur sursauta dans sa bouche. O prodige inouï ! l’eau de Jouvence n’eût point telle vertu ! Le vieil courbé, tousseteux [asthmatique] Merlin, se trouva mué en un joli garçonnet de si bon air, que c’était force de l’aimer. Notre sainte eut beau prier Jésus et la Vierge, gringotter [marmotter] ses heures et baiser ses patenôtres, elle n’empêcha le charme d’opérer ; son cœur était pris aux lacs d’Amour qu’il tend si adextrement [adroitement] ce petit dieu, que c’est miracle de les échapper.

« Finablement [enfin] Merlin, rajeuni et ragaillardi, avisant si charmant visage, ne se peut tenir d’aimer de prime abord. Tous les deux avaient bonne envie de s’accoler [s’embrasser] ; mais tout vient à point à qui sait attendre. Merlin, altéré par l’ahan [fatigue] du labeur et le feu des cornues, demanda à boire à celle qui portait une manière de jarre remplie d’eau bénite, id est [c’est-à-dire] salée. Elle aurait donné tout ce que le jeune gars [jeune homme] eût impétré [demandé] d’elle. Lui d’avaler d’un trait la benoîte eau comme vin muscat ou mieux encore.

Ruines du château fort de Châteaubriant, bâti au XIe siècle

Ruines du château fort de Châteaubriant, bâti au XIe siècle

« Qu’arriva-t-il ? Cette sacrée fontaine chassa de son corps la souillure de sorcellerie et délivra son âme du pacte diabolique. Lui, sur-le-champ, s’agenouilla et chanta à pleine voix un Te Deum pour remerciement au Très-Haut-Salvateur (Sauveur] ; puis, abjura le culte de Mahom [Mahomet] et supplia la souriante pucelle de devenir sa légitime épousée ; ce qu’elle fit devant un prêtre qui les maria hâtivement.

« J’oubliais de dire qu’ils amassèrent les fragments précieux du palais enchanté, c’est-à-dire toutes pierreries, et ayant parti [partagé] avec les pauvres et les souffreteux [malades] de l’endroit, du surplus vécurent satisfaits, jusqu’à leur mort s’entend. La femme demeura sainte et l’époux, dit Châteaubriant, du miraculeux castel qu’il avait en l’air, ne s’adonna jamais plus aux pratiques perverses de magie et nécromancie. Ils laissèrent de beaux et nombreux enfants, desquels, après maintes générations, je serais le dernier, n’était mon petit fils que le roi François chérit comme le sien propre. Voyez-vous ça ? Là finit le dire du moine. »

Le moine ne savait pas que le nom de Châteaubriant vient du château que bâtit au XIe siècle le seigneur Briant (ou Brient) au bord de la Chère afin de poursuivre la fortification de la Marche de Bretagne, frontière chargée de défendre la Bretagne face au royaume de France.

 
 
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