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Le véritable Robinson Crusoé conté par le jésuite français Tachard en 1711

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Personnages : biographies
Vie, oeuvre, biographies de personnages ayant marqué l’Histoire de France (écrivains, hommes politiques, inventeurs, scientifiques...)
Le véritable Robinson Crusoé
conté par le jésuite Guy Tachard en 1711
(D’après « Les Annales politiques et littéraires », paru en 1924)
Publié / Mis à jour le lundi 19 septembre 2022, par Redaction
 
 
Temps de lecture estimé : 3 mn
 
 
 
Auteur aujourd’hui ignoré et ayant voyagé au long du nouveau continent de 1680 à 1711, le jésuite Guy Tachard, missionnaire très hardi et habile à consigner maints détails de ses aventures, recueillit et enregistra minutieusement les récits mariniers entendus : de sa belle écriture il inscrivit l’aventure d’Alexandre Selkirk, marin écossais séjournant plus de 4 ans sur l’île Mas a Tierra au large du Chili, et dont les tribulations inspirèrent Daniel Defoe pour le personnage de Robinson Crusoé.

Car le roman de Daniel Defoe, publié en 1719, a une histoire ; et qui la connaît en France ? Le témoignage consigné par Guy Tachard en fournit un aperçu. Alexandre Selkirk est né dans le comté de Fife en 1676. Ecossais, il ne sera pas highlander, mais marin. Successivement mousse, matelot, maître charpentier, timonier, puis promu premier maître, ses quarante ans accomplis — qualité sous laquelle il s’embarquait à Fife, sur Le Cinq-Ports, au mois d’avril 1704.

Stradling, son capitaine, est volontiers agent de transport, négrier, pirate. Plusieurs relâches opérées sur les côtes du Nouveau Monde, la navigation orientée sud, on va s’éloigner des terres pour naviguer vers l’inconnu. Comme sur les caravelles de Christophe Colomb, des matelots montrent de l’effroi. Avec eux, Selkirk élève la voix, afin de rallier un port : Valparaiso ou Concepcion. Son désir raisonnable est qualifié rébellion. La rude discipline du bord comporte des sanctions pénales envers qui a osé traverser les projets du capitaine. A midi, le 10 octobre 1704, le premier maître est appréhendé dans sa cabine, chargé de fers et porté dans la cambuse des passagers. A deux heures, un conseil de guerre se réunit pour juger le révolté. Alors, Le Cinq-Ports louvoyait, à cinq ou six lieues d’une île qui semblait émerger, en vaste et verte corbeille, des flots de l’océan austral.

Robinson Crusoé moissonneur

Robinson Crusoé moissonneur

Stradling produit un acte d’accusation, veut réfuter les raisonnements judicieux d’Alexandre, et demande que soit appliquée la peine de pendaison au grand mât. Cette mort d’homme paraît mesure trop sévère aux auditeurs. Le lieutenant plaide pour la déportation. Ainsi, le bord sera débarrassé d’un perturbateur ; et cet exemple doit suffire, croit-on, à maintenir l’équipage, désormais, dans une obéissance passive. Cette motion rallie une majorité. Après avoir jugé, elle décide que Selkirk sera pourvu d’effets et d’objets lui permettant de s’assurer une vie sédentaire, dans une terre où il semble qu’aucun Européen n’a mis les pieds.

Avant que vînt la nuit, six matelots descendaient le maître d’équipage en balancelle. Son bagage consistait en un habit neuf de rechange, un lit de fer, deux chaises, un mousquet neuf, une caisse d’outils et de clous, une hache, deux scies, dix livres de poudre et autant de plomb, une Bible et plusieurs livres de piété. Les officiers devaient ajouter des vivres et du tabac. A coups de rames, l’embarcation gagnait l’île. Alexandre, enfin libéré de ses chaînes, débarquait sur une plage sablonneuse, embrassait ses camarades et trouvait l’abri d’un grand arbre. « Robinson » commençait son odyssée.

Cette île, qui, plus tard (en 1966), devait recevoir le nom de Robinson Crusoe après avoir été porté celui de Mas a Tierra, appartenait à l’archipel Juan Fernandez, nom du premier boucanier qui l’avait visité en 1574 et qui y avait introduit des chats et des chèvres, en dessein de métairie à exploiter. L’île de notre « naufragé » était longue de cinq lieues, large de quatre, boisée en sa partie orientale et relevée au centre d’une colline verdoyante. Pas une trace d’homme sur ce territoire enclos dans la plus vaste mer, à cent cinquante lieues (plus de 650 km) du Chili.

Réduit à des ressources restreintes, mais assuré que ni fauves ni reptiles ne viendraient troubler sa quiétude, Selkirk construisit un établissement agricole. Bon charpentier, il éleva sur un ressaut, à mille pas de la mer, deux bâtiments : cottage et ferme. Soixante-cinq jours d’œuvre, interrompue quotidiennement pendant trois heures, pour chasser les chèvres sauvages, en capturer de jeunes qui devenaient dociles, et apprivoiser des chats. Des peaux de chèvres, il voulut tapisser le sol et les murs de sa chambre, en couvrir son lit pendant les intempéries de l’hiver durant en cette contrée deux mois. Une fois installé, il s’ordonnait un élevage intensif et pouvait vivre, comme les ancêtres himalayens, de viande fraîche, de légumes écrasés et de fromage.

Sa première et grande peine lui vint après huit mois de séjour. La poudre manquait. Le péril d’une invasion d’Indiens, possible, causait ses alarmes. Enclos et portes renforcées, Robinson écoutait souvent, la nuit, les rumeurs lointaines. L’océan gémissait. Une ventée pleurait dans les arbres. Il semblait, à l’homme aux écoutes, que des voix étranges s’y mêlaient. Un fer de scie, patiemment façonné en sabre, restait à la portée de sa main. Parfois suggestionné, il se levait pour atteindre le seuil et appeler : « Est-il un homme qui vient ? » La voix se perdait au loin et ne pouvait obtenir une réponse. L’insomnie le tenait souvent jusqu’au jour.

Robinson Crusoé, roi de l'île dînant avec toute sa cour

Robinson Crusoé, roi de l’île dînant avec toute sa cour

Complètement rassuré, après un an d’exil, quant à sa sécurité, « Robinson » s’élevait vers le gentleman-farmer. Vêtu de peaux de bêtes, portant un bonnet pointu, chaussé de mocassins, il explorait son île, toujours suivi d’un troupeau de chèvres, toujours accompagné de ses chats, toujours parlant à la belle nature qui l’entourait. Sur un fût d’arbre, l’Ecossais allait graver : « L’île est à moi. ALEXANDRE SELKIRK. »

A son jugement simpliste, cela devait valoir un acte notarié par le premier tabellion d’Edimbourg. Les jours, les semaines, les mois passaient. Du piédestal d’un monticule rocheux, Selkirk scrutait, matin et soir, l’espace allongé vers les lointains horizons. Seulement des vagues et des nuages moutonnaient et s’étiraient sous ses yeux. L’homme et la terre d’île pouvaient-ils être à jamais abandonnés ? L’Ecossais glissait déjà vers cette crainte. Il n’ouvrait plus la Bible. La terre lui semblait grise, le ciel souvent voilé, la ventée hurlante, et le cauchemar rôdait au travers de ses nuits. C’était l’épreuve dont a parlé l’anachorète dans la Thébaïde — l’épreuve qui précède les grandes justices ou les consolations magnifiques.

Le 11 janvier 1709, vers midi, le son d’une voix humaine vint frapper les oreilles de l’exilé. La surprise et la joie paralysèrent pendant quelques minutes ses facultés. Un rappel d’énergie le porta vers le rivage. A deux milles, un grand navire avait ses voiles carguées. Pour l’aiguade — endroit d’une côte où l’on fait provision d’eau douce pour les vaisseaux —, une pinasse se dirigeait vers l’île. Les matelots s’étonnèrent à l’audition d’un homme dont les paroles révélaient l’aphonie des êtres tenus longtemps captifs. Ils le conduisirent auprès du commodore Wood Roggers, chargé de poursuivre les bâtiments espagnols et disposant de deux vaisseaux anglais.

Rapatrié, Selkirk passa quelques mois à Londres. Dans une taverne, un flibustier le présentait à Daniel Defoe. Celui-ci publiait, en 1719, son Robinson Crusoé. Le Robinson de Defoe est un homme extraordinaire. Celui du Père Tachard nous apparaît plus simpliste.

 
 
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