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Moissons jadis dans les pays de l'Aude

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Coutumes, Traditions
Origine, histoire des coutumes, traditions populaires et régionales, fêtes locales, jeux d’antan, moeurs, art de vivre de nos ancêtres
Moissons jadis dans les pays de l’Aude
(D’après « Folklore de l’Aude », paru en 1938)
Publié / Mis à jour le vendredi 7 août 2015, par Redaction
 
 
Temps de lecture estimé : 4 mn
 
 
 
Autrefois, alors que le machinisme n’existait pas encore, que les ouvriers trouvaient facilement du travail et faisaient des journées qui commençaient à l’aube pour se terminer au clair de la lune, la moisson était un travail de longue haleine et s’accomplissait suivant un rite quasi religieux.

Les ouvriers étaient choisis et retenus longtemps à l’avance, à raison de trois coupeurs « ségaïres » ou « coupaïres » pour une lieuse « liaïro ». La moisson commençait ordinairement un lundi matin ; mais déjà le dimanche, les moissonneurs prenaient le repas du soir, « lé soupa », chez le propriétaire qui les avait embauchés « qu’abio lougat ». C’étaient des arrhes qu’il donnait ainsi. La journée de la moisson — et nous verrons quelle journée — se payait deux francs et la nourriture. Ce qui fit dire à une propriétaire de Salza à qui deux ouvriers de Termes fixaient ces conditions : « Boun Dius ! quaranto sous e fa pas luno ! » (la journée sera plus courte).

Il fallait qu’au lever du soleil tous fussent à pied d’œuvre au champ. A l’aube donc, un des ouvriers parcourait les rues du village en sonnant le « cagarot » (gros escargot ou coquille de mer) pour le rassemblement et le départ. Ironie des chose, c’était l’ouvrier qui réveillait le patron « lé Mestré » et donnait le signal du départ et du travail.

Les repas
Il ne faut pas oublier la question gastronomique qui a sa large part dans la journée de travail. On mangeait bien et mieux que chez soi. Les différents repas règlent les moments de repos qui sont nécessaires, lorsque, comme pour la moisson, on œuvre sous un soleil de plomb, courbé vers une terre toujours plus chaude à mesure que l’astre du jour « monte » dans le ciel.

Les moissonneurs, par Peter Bruegel l'Ancien

Les moissonneurs, par Peter Bruegel l’Ancien

Le « mousseinhé » était chargé de porter au champ le pain pour tous les moissonneurs. En arrivant, on « tuait le ver » avec un quignon de pain et un morceau de fromage. A 7 heures, on déjeunait : avec une blanquette d’agneau, ou une omelette, ou de la viande en sauce, ou encore avec les tripes de l’agneau ou du mouton qu’on avait tué pour la circonstance. Il faut remarquer, en passant, que nos paysans ne mangeaient comme viande, que les animaux qu’ils élevaient eux-mêmes : moutons, chèvres, agneaux, cochons, lapins, volailles, ou ceux qu’ils tuaient à la chasse : lapins, lièvres, perdreaux, oiseaux divers, sangliers. Ils ne mangeaient de la viande de boucherie qu’une fois l’an, pour la fête locale. Alors, un boucher, venait tuer sur place un bœuf ou une vache.

A 10 heures, on se reposait cinq minutes : on mangeait un bout de pain et on buvait un coup. Cela s’appelait « léba l’ègo ». A midi, repos de 1 heure et demie environ. C’était l’heure de la soupe, soupe aux choux ou autres légumes, avec un morceau de viande pour chacun. On faisait la sieste et le travail reprenait vers 1 h. 1/2. A 3 heures de l’après-midi, comme à 10 heures du matin, « sé lébabo l’égo ». A 18 heures on dînait au champ : cassoulet avec viande. N’oublions pas que même de nos jours, nos montagnards, pour la plupart, mangent des haricots tous les jours et principalement au repas du soir. Après ce repas, on se remettait au travail, tant que durait le jour et on amoncelait les gerbes. A la nuit, c’était quelquefois 21 heures, on rentrait et chez le propriétaire on mangeait encore « Uno aïgo boulido » et une salade.

Le travail
Les deux instruments de travail étaient : la grande faucille — « l’oulam » — et le coin — « la billo » — qui n’est autre qu’un morceau de bois de forme conique servant à lier les gerbes. Chacun des trois moissonneurs « coupaïrés » qui servaient une lieuse « liaïro » posait ]a poignée de céréales qu’il venait de couper à la même javelle « gabèlo ». Lorsque celle-ci était suffisamment grosse, la lieuse, qui déjà avait préparé avec des tiges de céréales le lien « lian », faisait la gerbe « garbo ».

Ensuite, avec les gerbes on faisait les moyettes ou « mountos ». La moyette communément en usage dans les pays de l’Aude était la moyette picarde, postérieure à la moyette flamande. Dans la moyette flamande, les gerbes étaient dressées les unes contre les autres, les épis en haut. Dans la moyette picarde, les gerbes étaient placées horizontalement les épis au centre. On distingue encore la moyette proprement dite qui se compose de 22 gerbes et la « quatorsèno » qui ne compte que 14 gerbes.

La moyette proprement dite, « la mounto », est ainsi constituée : deux gerbes au fond, dans le sens de la longueur, les épis en dedans forment la « crousièro ». Huit gerbes en travers, quatre de chaque côté les épis toujours en dedans. Six de plus au-dessus, trois de chaque côté. Ensuite quatre, toujours dans le même sens. Et enfin les deux dernières qui forment ce que l’on appelle la clef — « la claù ». Lorsque les céréales sont bien sèches « braùsidos » on fait la moyette de 22 gerbes. Si les céréales ne sont pas suffisamment sèches, on fait « quatorsèno » ce qui permet au soleil et au vent de sécher plus facilement les gerbes.

Lorsque le grain était sec et que l’on se préparait au dépiquage, on transportait les gerbes sur l’aire « ièro ». Les charrettes n’étaient pas connues dans ces pays de montagne, parce que les chemins carrossables n’existaient pas. On transportait les gerbes, soit à bât « basteja », soit au moyen d’un grand cadre de bois fixé sur le bât par un fil de fer « garbéjadouro ». Avec la « garbéjadiouro » on portait en moyenne 14 à 16 gerbes. Les gerbes étaient réunies en meules — « garbièros » — qui comprenaient 50 à 60 « mountos », c’est-à-dire, une moyenne de 1120 à 1320 gerbes. Elles attendaient, là, que le propriétaire n’eut pas d’autre travail qui pressât et que le soleil fût assez chaud pour permettre à l’épi de s’ouvrir et au grain de se détacher.

En août, avec la grosse chaleur, on se livrait au dépiquage « battré le gra ». Cette opération se faisait, suivant la quantité de céréales que l’on avait, avec des bêtes ou au fléau. Sur une aire « ièro » préalablement arrosée et balayée, on éparpillait les gerbes dont on avait coupé les liens. On formait ainsi une circonférence composée de 500 ou 600 gerbes, avec une moyenne de 200 gerbes par cheval ou mulet. Ce tas de gerbes prenait le nom d’ « amoulat ».

Les bêtes, deux ou trois, attachées ensemble et tenues par une longe, l’homme au centre de l’« amoulat », tournaient, comme sur la piste d’un cirque, des heures entières, excitées par les « shi » ! et les « dja » ! ,et quelquefois par une cinglée de fouet. Pendant ce temps, des hommes munis de fourches en bois « fourquéjaïres » soulevaient la paille pour faire tomber le grain et ramenaient sous les pieds des chevaux les épis qui n’avaient pas subi la foulée.

Au bout d’une heure environ, on secouait la paille et on faisait à côté du premier, avec cette même paille, un nouvel « amoulat ». Les chevaux recommençaient la danse, tandis que les hommes balayaient le grain et le mettaient en tas. Environ une heure après, les chevaux étaient ramenés à l’écurie. Les « fourquéjaïres » enlevaient la paille après l’avoir secouée pour faire tomber le grain ; la mettaient dans les bourras et la portaient à dos d’homme dans les paillers « al palhé ».

Si le dépiquage se faisait par temps humide, ou si la pluie survenait pendant cette opération, le grain ne se détachait pas facilement, il en restait à l’épi et on disait alors que l’on avait fait des « poulets ».

Une moyette de blé donnait en moyenne 80 litres de grains : un « sestiè », plutôt moins. Une moyette d’avoine rouge fournissait ordinairement 120 litres de grains. Une moyette d’avoine grise d’orge, « de pouloulo » donnait 1 sac, c’est-à-dire 1 hectolitre.

Le grain, séparé de la paille, devait encore être nettoyé et débarrassé de la poussière, des débris de paille, des ordures et autres corps étrangers qui s’y trouvaient mêlés. Il fallait vanner — « benta ». Les femmes, une câline sur la tête ou un foulard noué sur la tête en forme de turban, pour se protéger du soleil et de la poussière, étaient chargées de cette opération « las bentaïros ». Elles prenaient le grain dans un van ou dans un crible « curbelh ». Elles laissaient lentement tomber le grain. Le moindre vent, le moindre courant d’air emportait la menue paille « les abets », la poussière et les autres impuretés. Il ne restait plus qu’à ensacher le grain « ensaca » et le porter au grenier.

 
 
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