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Guernipille. Origine, étymologie mots de la langue française

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Mots : étymologie, racines
L’étymologie de mots et l’origine de locutions de la langue française. Racines, évolution de locutions et mots usuels ou méconnus
Guernipille
Publié / Mis à jour le vendredi 31 janvier 2025, par Redaction
 
 
Temps de lecture estimé : 2 mn
 
 
 
Mauvais drôle, coureur, maraudeur

Il est étonnant que ce mot si expressif, se rattachant à un fait historique et rappelant des souvenirs malheureux, n’ait pas trouvé place dans la langue française mais n’ait appartenu qu’au patois bourguignon.

On lui trouve deux étymologies, également probables, datant du XIVe siècle, c’est-à-dire de l’époque où la Bourgogne était ravagée par les Anglais, et du XVe. Après la bataille de Poitiers (1356), « la noblesse se réunit à Châtillon, sous le maréchal de Turey, pour s’opposer aux Anglais. Elle montra au combat de Brion-sur-Ource ce que peut la valeur ; mais elle succomba sous des forces trop supérieures. Les Anglais victorieux, maîtres de la campagne, brûlèrent Châtillon, pillèrent Tonnerre, où le bon vin les arrêta cinq jours, et s’emparèrent de Flavigny, dont ils firent leur place d’armes. On ne put se délivrer de ces hôtes dangereux qu’en leur offrant deux cent mille moutons d’or par le traité de Gaillon, en 1339 » (Courtépée, tome IV, p. 174, édition de 1848)

Il y avait alors dans l’armée anglaise, comme dans toutes les armées d’invasion, au Moyen Age, quantité de mauvais garnements, plus prompts à piller et à assassiner qu’à se battre, que les rois lançaient sur les populations envahies, pour en débarrasser leur pays, et dont le nom devenait synonyme de coquin, dans tous les lieux où ils avaient séjourné et exercé leurs rapines. Ceux de l’armée du prince Noir, comme aussi de l’armée de Henri V, appartenaient sans doute à cette classe de malfaiteurs dont il est parlé dans une charte de la treizième année du règne d’Edouard III, en ces termes : Nec non de illis qui dicuntur homines otiosi et malefactoribus qui etiam Kernys dicuntur.

Un maraudeur en action
Un maraudeur en action. © Crédit illustration : Araghorn

Non enrôlé, le kerny était un coupeur de bourses, un voleur de grands chemins, qui travaillait isolément et avait en perspective le gibet ; soldat, c’était un pillard agissant de compagnie, autorisé, et ne mettant ni frein, ni limites à ses excès. Ce nom même de pillard lui était également propre, et il en fut sans doute aussi fier que plus tard nos soldats le furent de celui de grenadier ou de voltigeur.

Le Nouveau du Cange, au mot Pilardi, nous fournit plusieurs exemples où il est question de ces pillards, et où l’on voit qu’ils étaient Anglais. En voici deux : « Des gendarmes bretons et des pillards passèrent par ces quartiers, et enlevèrent ses bêtes au témoin... et tant qu’ils y demeurèrent, on osait à peine se mettre en route et s’exposer à être vu d’eux », ou encore « Ce Jean fut pris par des gendarmes anglais, et conduit à une certaine place forte nommée la Roche (?), où il était gardé par six pillards. »

D’après ces exemples, il peut paraître naturel que les populations de la Bourgogne, jetant, à l’approche de ces brigands, le cri d’alarme « sauve qui peut, les kernys pillent », aient fini par fondre ces deux mots en un seul, et aient appelé, en adoucissant la première lettre, guernipilles, ceux de leurs propres compatriotes dont les habitudes avaient plus ou moins de rapport avec celles des kernys.

La deuxième étymologie est plus simple. Ne serait-elle pas aussi la meilleure ? Les chansons normandes des XVe et XVIe siècles sont remplies d’allusions au séjour des Anglais en France, et à leurs déprédations. On les peint faisant la guerre aux bestiaux, aux volailles surtout, vidant les celliers, se gorgeant de cidre et de vin, affamant enfin les populations pour le service et le contentement de leur insatiable appétit. Mais leurs expéditions dans les caves et les poulaillers semblent avoir frappé, plus que toutes les autres, l’imagination des poètes. Dans Choix de chansons normandes (1858), l’un d’eux s’exprime ainsi :

Entre vous, genz de village,
Qui aimez le roy francoys,
Prenez chascun bon courage
Pour combattre les Engloys...
Ils n’ont laissé porc ni ouë,
Ne guerne, ne guernillier.
Tout entour nostre cartier.
Dieu s’y mect mal en leur jouë !

Un autre, sans doute après le départ des Anglais, leur lance cette menace (Choix de chansons normandes) :

Si les Engloys venoyent piller,
Nous les mectrons à tel martyre
Que nous les garderons de ryre
Et d’aller à nostre poullier.

Guerne et guernillier voulaient dire en normand poule et poulailler. Ce dernier se disait aussi poullier. On comprend donc comment de pilleur de guernes on a pu former guernipille.

 
 
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