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Les dix jours qui n'existèrent pas. Calendrier julien et grégorien. Octobre 1582

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L’Histoire éclaire l’Actu
L’actualité au prisme de l’Histoire, ou quand l’Histoire éclaire l’actualité. Regard historique sur les événements faisant l’actu
Les dix jours
qui n’existèrent pas
(Source : Le Figaro)
Publié / Mis à jour le dimanche 4 janvier 2015, par Redaction
 
 
Temps de lecture estimé : 2 mn
 
 
 
Sur décision du Pape, le 15 octobre 1582 succéda directement au 4. Il fallait rattraper le retard accumulé par le calendrier julien.

Durant l’année 1582, dix jours ont disparu. Non, vous n’êtes pas dans un roman de science-fiction mais bel et bien dans l’Histoire de France. Cette année-là, par décision du roi Henri III, les Français se sont couchés le 9 décembre... pour se réveiller le 20 décembre.

Ce choix du roi n’est pas signe de folie, bien au contraire. En imposant cette réforme, le roi applique tout simplement une décision du pape Grégoire XIII qui vient de réformer le calendrier. Jusque-là en effet, le calendrier en vigueur en Europe était le calendrier julien — créé, comme son nom l’indique, par Jules César. Mais l’empereur romain était un piètre astronome. Il avait calculé que l’année durait 365,25 jours, alors qu’elle ne compte en réalité que 365,2422 jours.

La différence peut sembler infime, mais elle menace la chrétienté : depuis le concile de Nicée, la date de Pâques, qui célèbre la résurrection du Christ, est calculée en fonction de l’équinoxe de printemps, fixée officiellement au 21 mars. Or au cours des siècles, le calendrier julien se décale petit à petit par rapport à l’année solaire. Lorsque Grégoire XIII est élu Pape en 1572, l’équinoxe a en réalité été observé le 11 mars, et non le 21 mars comme prévu par le calendrier... À continuer comme cela, on finira par célébrer Pâques en plein été ! Pour Grégoire XIII, il est temps de remédier à ce grave désordre.

La commission de réforme calendaire devant le pape Grégoire XIII

La commission de réforme calendaire devant le pape Grégoire XIII

En 1577, le souverain pontife réunit une commission d’astronomes et de mathématiciens. En 1582, grâce à leurs propositions, il met au point un nouveau calendrier qu’on connaît encore aujourd’hui sous le nom de « calendrier grégorien ». Grâce à la suppression de certaines années bissextiles, la dérive entre le calendrier et l’année réelle ne sera plus que de deux jours tous les dix mille ans, un décalage jugé acceptable. D’autre part, le Pape règle la question du retard accumulé depuis César : pour cela, il ampute le mois d’octobre 1582 de 10 jours. Ce qui aboutira, soit dit en passant, à faire mourir Thérèse d’Avila... dans la nuit du 4 au 15 octobre 1582 ! Enfin, Grégoire XIII ajoute une troisième réforme : il fait désormais débuter l’année le 1er janvier, comme au temps de Jules César, au lieu du 25 mars (date de conception présumée de Jésus) comme c’était devenu l’habitude dans de nombreux pays.

Newton mort deux fois
Il ne suffit pas d’avoir une bonne réforme... encore faut-il l’appliquer ! L’Espagne et le Portugal adoptent immédiatement le nouveau calendrier. La France traîne un peu des pieds par principe, mais finit par se plier à la décision du Pape avec deux mois de retard, en décembre 1582. En revanche, de nombreux pays rechignent au changement. La plupart des protestants refusent en effet cette manipulation du temps imposée par le Vatican.

Pendant plusieurs siècles, notre continent vit donc avec deux calendriers, au prix d’une vaste cacophonie : certaines années, les réformés préparent le poisson du Carême au moment où leurs voisins catholiques sortent du four l’agneau pascal ; et fêtent Noël avec dix jours d’écart. Si l’on ajoute que l’année commence le 1er janvier pour certains, le 25 mars pour d’autres, on imagine le casse-tête qui s’en suit. Newton a ainsi la singularité de mourir à la fois le 20 mars 1726 et le 31 mars 1727, selon les auteurs.

Mais business is business ! La multiplication des échanges, du commerce et des transports auront finalement raison de ces dissensions. Le calendrier grégorien finit par s’imposer dans toute l’Europe. Non sans mal : en Angleterre, où la réforme est appliquée en 1752, la population en colère réclame « qu’on lui rende ses jours » ! La plupart des pays extra-européens suivent ensuite le mouvement, comme le Japon en 1873 ou la Chine en 1912.

Aujourd’hui, le calendrier grégorien est devenu le calendrier civil international de référence. Mais au cœur même de l’Europe, certains habitants britanniques de la petite île de Foula, dans les Shetlands, continuent à fêter Noël le 6 janvier...

Hélène Frouard
Le Figaro

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