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Premier essai de léthargie artificielle sur un mammifère et rêve d’application à l’être humain. Expérience sur une marmotte

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Événements marquants
Evénements ayant marqué le passé et la petite ou la grande Histoire de France. Faits marquants d’autrefois.
Premier essai de léthargie
artificielle sur un mammifère et
rêve d’application à l’être humain
(D’après « Revue d’histoire des sciences et de leurs applications », paru en 1962)
Publié / Mis à jour le lundi 13 juin 2022, par Redaction
 
 
Temps de lecture estimé : 3 mn
 
 
 
Faisant voir, dès 1736 et par des expériences précises, qu’il est possible de prolonger la durée de vie totale d’un insecte en prolongeant, par l’action du froid, la durée de la période nymphale, le physicien et naturaliste Réaumur envisage aussitôt l’application de la méthode aux animaux supérieurs, aux mammifères, et même à l’espèce humaine, dont les représentants, argue-t-il, pourraient, au gré de leurs retours à la vie, apprécier davantage les changements de société s’opérant au fil des siècles...

Le savant avance en effet que les êtres humains souhaiteraient peut-être « pouvoir passer une longue suite d’années dans un état de léthargie ou d’engourdissement tel que celui dans lequel les loirs, les marmottes et tant d’espèces d’insectes sont pendant tout l’hiver, et cela sans rien retrancher des jours d’une vie active. L’engourdissement de l’esprit dût-il être encore plus grand que celui du corps, mille gens croient peut-être qu’ils seraient heureux s’ils étaient maîtres de prolonger à ce prix leur vie pendant une longue suite de siècles...

« Quelqu’un qui a pu se promettre de vivre pendant quatre-vingts ans, saisirait comme une idée agréable de durer pendant dix à douze siècles, pendant chacun desquels il n’aurait que huit à neuf ans de véritable vie, de vie active. Quand on a passé un certain nombre d’années dans ce monde-ci, il n’a plus assez de spectacles à nous offrir, on a tout vu.

René-Antoine Ferchault de Réaumur

René-Antoine Ferchault de Réaumur

« Quelqu’un qui ne le reverrait que de siècle en siècle trouverait des spectacles plus variés, soit dans le physique soit dans le moral ; la face de la terre pourrait lui faire voir des changements ; les progrès des sciences et des arts, les révolutions dans les sociétés, les changements dans les mœurs, dans les goûts, dans les modes, offriraient bien des nouveautés amusantes. »

Mais le prudent et subtil Réaumur ne laisse pas d’apercevoir le risque inhérent à ces léthargies volontaires : « Est-il bien sûr qu’on en fît usage ? On ferait alors des réflexions qu’on ne fait pas actuellement. Qui oserait se plonger dans un sommeil d’une longue suite d’années, pendant lequel on craindrait de périr par des accidents contre lesquels on ne pourrait se défendre, par des incendies, par des inondations, par les suites des guerres, par l’avidité des héritiers, par la négligence de ceux qui devraient veiller à notre sûreté.

« Enfin, tant de sujets d’inquiétudes viendraient effrayer l’imagination que je ne sais si on accepterait même d’être endormi pendant un hiver entier et s’il serait sage de l’accepter. Il n’y a que ceux à qui la vie est actuellement à charge, qui fussent capables de se livrer à des sommeils de plusieurs années. »

Aujourd’hui où la médecine pratique des cures de sommeil et où la biologie songe sérieusement à la « mise en conserve » de l’être humain, ces réflexions nous paraissent prophétiques ; mais il est encore plus intéressant de savoir que Réaumur a fait une tentative expérimentale pour prolonger le temps de léthargie chez un mammifère hibernant. C’est là une page peu connue de son œuvre et qui mérite bien d’être rappelée :

« Quoique la vie d’une mouche, d’un papillon, d’une fourmi, dépende d’une économie aussi considérable que celle dont dépend la vie des plus grands animaux, on serait plus touché de pareilles expériences faites sur de grands animaux, ou au moins sur des quadrupèdes, écrit Réaumur. Les marmottes m’avaient paru un de ceux sur lesquels on la pourrait tenter plus commodément.

« J’avais imaginé d’en tenir une pendant un long temps, pendant plusieurs années, dans une glacière, mais mes premières tentatives m’ont appris que c’était une expérience difficile à faire réussir. Dans une chambre où la chaleur de l’air n’était, pendant le mois de janvier, qu’à quatre ou cinq degrés au-dessus de la congélation, je renfermai une marmotte dans un grand baquet de bois rempli de terre en partie, avec quelques poignées de foin.

« Bientôt elle songea à s’y loger commodément ; elle creusa la terre, elle transporta le foin dans le trou qu’elle avait creusé, et y disposa un lit fait comme le nid d’un gros oiseau. Pendant quatre jours consécutifs, je la visitai à bien des reprises, elle me paraissait endormie, mais souvent elle feignait plutôt de l’être qu’elle ne l’était. Elle s’ennuya un jour de la feinte, et trouva le moyen de soulever le couvercle du baquet pour aller chercher de la nourriture ; j’ai lieu de le croire ainsi, puisque, après que je l’eus remise dans son baquet, et que j’eus chargé le couvercle, de façon qu’elle ne pouvait le soulever, après avoir encore fait l’endormie, elle se mit à manger de la viande que je lui avais laissée.

Réaumur dans son laboratoire

Réaumur dans son laboratoire

« Le degré de froid de la chambre n’était donc pas assez considérable pour l’endormir, ou plutôt pour l’engourdir. Dans le mois de février, je fis porter le baquet où elle était, dans le jardin, et cela un soir qui promettait une nuit très froide ; elle le fut aussi ; la liqueur du thermomètre descendit à près de cinq degrés au-dessous de la congélation : malgré ce froid, la marmotte non seulement ne fut pas engourdie, elle mangea même partie d’un bon morceau de bœuf cuit qui était dans son baquet.

« Le froid qui engourdit les marmottes est donc de plus de cinq degrés au-dessous de la congélation, bien plus grand que celui qui règne dans une glacière. Il n’est pourtant pas sûr que le degré de froid nécessaire pour les engourdir, le soit pour entretenir l’engourdissement... Peut-être aussi que ceux entre les mains de qui cette marmotte avait été, à force de l’inquiéter et de l’agiter, l’avaient accoutumée à manger pendant le froid. On ferait peut-être plus aisément l’expérience de tenir dans un long sommeil ces rats appelés loirs... » (Mémoires pour servir à l’histoire des insectes, tome II, Ier Mémoire).

Réaumur est bien, comme on voit, le premier biologiste qui ait tenté de prolonger la vie d’un mammifère en lui imposant une torpeur artificiellement entretenue.

 
 
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