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Coutumes et traditions. Jeu du tour du monde, par Emile Levasseur. Apprendre en s'amusant

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Coutumes, Traditions
Origine, histoire des coutumes, traditions populaires et régionales, fêtes locales, jeux d’antan, moeurs, art de vivre de nos ancêtres
Jeu du tour du monde : apprendre
l’histoire, la géographie, l’économie
en s’amusant, au XIXe siècle
(D’après « La Revue scientifique de la France et de l’étranger », paru en 1879)
Publié / Mis à jour le mercredi 26 avril 2023, par Redaction
 
 
Temps de lecture estimé : 4 mn
 
 
 
Qui ne connaît le classique Jeu de l’Oie ? En 1879, il venait d’être renouvelé, sous une forme singulièrement plus souple et avec un but bien plus élevé, pour fournir un moyen d’instruire en amusant. Il s’agissait du Jeu du tour du monde, organisé par un membre de l’Académie des sciences morales et politiques et président honoraire de la Société de géographie, Emile Levasseur.

Au lieu d’être une carte plane, le champ du nouveau jeu est un globe terrestre, d’un mètre de circonférence, monté sur un pied de bronze, incliné sur l’écliptique conformément aux observations de l’astronomie, et tournant autour de l’axe polaire, de gauche à droite, c’est-à-dire de l’est à l’ouest, toujours comme dans la nature. Ce mouvement lui est imprimé par le mécanisme ordinaire, actionné à la main à l’aide d’une petite arlette saillante. L’axe de rotation porte d’ailleurs un petit cercle denté dans les crans duquel vient buter un petit ressort fiché au pied fixe de l’appareil qui se courbe pour laisser tourner la tige, mais qui maintient le globe dans une position parfaitement déterminée quand la force qu’on lui a communiquée est épuisée.

Ce globe est découpé dans la direction du nord au sud, c’est-à-dire d’un pôle à l’autre, par vingt-quatre lignes méridiennes également espacées, laissant par conséquent entre elles des tranches de 15 degrés de longitude, tranches qui correspondent tout juste à une différence d’une heure. Quand il est midi aux endroits placés sur l’une de ces lignes, les vingt-trois autres marquent donc les lieux où il est une heure, deux heures, trois heures, etc.

Dans l’autre sens, une grosse ligne marque d’abord l’équateur à égale distance des deux pôles. Puis, au nord de l’équateur, entre celui-ci et le pôle nord, sont tracés huit cercles parallèles également distancés les uns des autres, de sorte qu’ils déterminent dans l’hémisphère nord neuf tranches ayant chacune dix degrés de latitude. Il en est de même au sud de l’équateur, où on trouve également neuf tranches de dix degrés de largeur chacune, soit en tout dix-huit tranches.

La section de ces dix-huit tranches équatoriales par les vingt-quatre tranches longitudinales méridiennes détermine sur la sphère terrestre 232 rectangles sphériques, qui sont les cases ou unités de surface du jeu. Chacune a son numéro, sauf quelques-unes pour lesquelles ce silence est intentionnel et doit produire des incidents, qui permet de se reporter à un cahier contenant les indications heureuses ou néfastes à cette case.

Les pions du Jeu de l’Oie sont remplacés par les drapeaux des dix-huit nations les plus populeuses du monde. Ils correspondent aux dix-huit tranches parallèles tracées dans le sens de l’équateur ; on les plante dans un cercle métallique qui entoure le globe d’un pôle à l’autre et porte à cet effet dix-huit trous correspondant à la position respective des tranches. Au commencement du jeu, les drapeaux doivent être disposés en allant du pôle Sud au pôle Nord dans l’ordre des populations décroissantes des États qu’ils représentent : Chine, Russie, Allemagne, États-Unis, France, Autriche, Japon, Angleterre, Italie, Turquie, Espagne, Brésil, Mexique, Roumanie, Belgique, Suède, Portugal, Hollande. Les joueurs les tirent au sort et jouent dans l’ordre des drapeaux qui leur sont échus, c’est-à-dire en commençant par celui qui a le drapeau chinois pour finir par celui qui a le drapeau hollandais.

Jouer, cela consiste à faire tourner le globe, qui, après un certain nombre de révolutions, s’arrête en plaçant sous le drapeau du joueur une des cases de sa surface. On lit alors le numéro de cette case ; en consultant le cahier, on voit quels sont les bénéfices, les pertes, les avantages ou les accidents de toute sorte qu’elle attribue au joueur, et on les marque sur une ardoise encadrée, annexée au jeu pour recevoir au crayon les indications qui désigneront plus tard le vainqueur.

Quand un joueur a opéré, il avance son drapeau d’un rang ou plutôt d’un trou vers le haut ou le pôle Nord, et il est remplacé dans le dernier trou par le drapeau du joueur suivant ; le troisième chasse de même ses deux devanciers qui reculent en conservant leur ordre respectif, de sorte que chaque drapeau chemine ainsi de trou en trou jusqu’au dix-huitième, qui confine au pôle nord.

Mais il y a ici une particularité intéressante due au mécanisme même de l’appareil, et que le jeu de l’oie ne peut point posséder, c’est que chaque coup compte non seulement pour le joueur qui l’exécute, mais encore pour tous ceux qui l’ont précédé : ceux-ci ont en effet leurs drapeaux sur des cases différentes dont ils recueillent le fruit. Cela supprime les intermittences trop longues qui nuisent tant à l’animation du jeu de l’oie.

Maintenant que nous connaissons l’organisme du jeu, voyons les incidents du voyage qu’il permet d’entreprendre. Ces incidents sont contenus dans les indications afférentes à chaque case et calculés de manière à rappeler les différents faits géographiques importants de la portion du monde représentée dans cette case, et à correspondre même autant que possible à la nature de ces faits.

Y a-t-il par exemple une grande ville ? Le joueur gagne un nombre en rapport avec le chiffre de sa population, 30 pour Londres, 25 pour Paris ou Pékin, 20 pour Berlin ou Calcutta. Chaque industrie ou chaque production agricole lui donnera aussi un bénéfice proportionné à son importance ou à sa prospérité, par exemple une houillère anglaise 25, une fabrique de calicot de Manchester 45, les blés d’Odessa 20, l’opium et l’indigo du Bengale 10, la laine d’Australie on de Buenos Aires 20, etc.

Les faits historiques heureux, comme la découverte de l’Amérique par Christophe Colomb, et les incidents de voyages des principaux explorateurs ; les monuments célèbres, comme l’Alhambra ; les grands faits économiques, comme le câble transatlantique ou les lignes de navigation à vapeur ; les curiosités naturelles elles-mêmes, comme les geysers d’Islande, tout cela donne lieu aussi à un gain variable, suivant l’importance de chaque cas.

Mais il y a aussi les causes de perte ; par exemple : 5 pour la rencontre d’un Zoulou en Afrique ou d’un ouragan dans l’Atlantique, 10 pour un corsaire, 15 pour le tombeau de Napoléon à Sainte-Hélène ou un crocodile dans le Nil, 20 pour le massacre du capitaine Cook aux îles Sandwich, 25 pour un ours blanc au Spitzberg ou un boa dans une forêt vierge de l’Amérique du Sud, 100 pour la débâcle des glaces au pôle Nord, etc.

Enfin il y a des incidents particuliers en rapport avec les faits réels. Ainsi, aux États-Unis, le coton de Géorgie fait gagner 25 au joueur ; mais il doit, dans l’espace d’une minute, aller le vendre à Manchester, en mettant le doigt sur le nom de cette ville ; s’il ne la trouve pas assez vite, il perd 125. Il en est de même pour les diamants du Cap, qui doivent se vendre à Amsterdam, et pour le bois d’acajou de l’Amérique centrale, qui arrive à Paris.

La rencontre d’une mine d’argent au Mexique, des placers aurifères de Californie, d’une mine de platine dans l’Oural ou des gisements de cuivre au Chili, retient le joueur tout un tour sans jouer. Près du pôle Nord, une banquise de glace infranchissable l’arrête jusqu’à ce qu’un autre vienne prendre sa place. Prisonnier en Sibérie, il doit attendre aussi l’intervention d’un ami nihiliste envoyé pour le délivrer.

N’oublions pas non plus un certain nombre de circonstances qui entraînent la mort définitive des malheureux, comme un typhon dans l’océan Pacifique, une lionne dans l’Afrique centrale, la rencontre d’un iceberg près de Terre-Neuve ou d’un requin dans le golfe de Guinée, enfin le naufrage sur un récif isolé du Pacifique. Quand il y a une île assez grande, vous pouvez vous sauver à la nage et être rapatrié plus tard, après deux tours complets d’exil, par quelque vaisseau bienfaisant.

 
 
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