LA FRANCE PITTORESQUE
Tournefort (Le botaniste) à la recherche
de l’arche de Noé sur le mont Ararat
(D’après « Le Magasin pittoresque », paru en 1876)
Publié le mercredi 27 décembre 2023, par Redaction
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Apparaissant pour la première fois dans la Bible, le livre de la Genèse évoquant une chaîne de montagnes où se serait posée l’arche de Noé après le Déluge, le mont Ararat, sommet le plus élevé de Turquie, fut au XVIIe siècle l’objet d’investigations du célèbre botaniste Tournefort, qui se mit en tête de trouver la maison du patriarche biblique...
 

Né en 1656, Joseph Pitton de Tournefort n’était pas seulement le plus grand botaniste de son siècle, mais également un curieux archéologue, un voyageur diligent, et parfois un aimable écrivain. Lorsque, en l’année 1701, il songea, après avoir traversé la Géorgie, à aller herboriser sur le mont Ararat, il ne se contenta point d’enrichir son herbier de plantes inconnues : il s’efforça aussi de vérifier les antiques légendes qui circulaient depuis des siècles en Arménie sur l’arche de Noé.

Pour en venir à ses fins, il se mit en rapport avec le patriarche de cette vaste contrée, alors si peu connue. On le nommait Nahabied. « C’était, nous dit le voyageur, un bon vieillard assez rougeaud, n’ayant par humilité qu’une mauvaise soutane de toile bleue. »

Joseph Pitton de Tournefort
Joseph Pitton de Tournefort

Malgré la simplicité de son costume, qui contrastait si fort avec la magnificence extérieure des prélats de la cour de Louis XIV, le digne Nahabied n’était dépourvu ni d’instruction, ni de finesse ; il ne voulait pas plus se priver des profits qu’on pouvait se procurer alors par des pèlerinages fondés sur une antique croyance, qu’il ne prétendait jeter un chrétien d’Occident au milieu de chemins périlleux, dont il connaissait mieux que tout autre le danger.

« Vous aurez de la peine, lui dit-il, d’aller jusques aux neiges, et, pour ce qui est de l’arche, Dieu n’a jamais fait la grâce de la faire voir à personne qu’à un saint religieux de notre ordre, qui, après cinquante ans de jeûnes et de prières, y fut miraculeusement transporté ; mais le froid le pénétra si fort, qu’il en mourut à son retour. »

En continuant ses investigations archéologiques, Tournefort apprit néanmoins qu’un certain évêque de Nisibe, nommé Jacques, avait été moins malheureux. Ce fervent pèlerin avait pris la résolution d’atteindre le sommet de l’Ararat, et il s’était mis en marche ; mais, après d’incroyables efforts, toujours il s’endormait à moitié de cette rude ascension, et toujours à son réveil il se trouvait rempli de son pieux désir, mais n’ayant gravi qu’un espace très limité ; le sommeil le quittait, à son grand chagrin, en un certain endroit qui était invariablement le même.

L'arche de Noé sur le mont Ararat. Peinture de Simon de Myle (vers 1570)
L’arche de Noé sur le mont Ararat. Peinture de Simon de Myle (vers 1570)

Le chose se renouvela si souvent, que le bon évêque de Nisibe comprit l’inutilité de ses tentatives. Dieu ne voulut pas cependant qu’il s’éloignât de la sainte montagne avec l’âme trop contristée ; un ange lui apporta le bout d’une planche de l’arche.

Tournefort ne s’attendait pas à recevoir un pareil présent ; aussi fit-il sourire Nahabied, quand il lui eut déclaré, par la bouche de l’interprète, qu’il demanderait bien plutôt à Dieu la grâce d’être reçu dans son paradis que celle de voir la maison de Noé.

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Tous droits réservés. Reproduction interdite. N° ISSN 1768-3270.

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