LA FRANCE PITTORESQUE
Auberges françaises au XVIe siècle (Les)
(D’après « Histoire des français des divers états », de A.-A. Monteil, paru en 1853)
Publié le mardi 12 janvier 2010, par LA RÉDACTION
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Je me suis aperçu que j’avais passé les Pyrénées lorsque je suis entré dans les auberges. Quelles bonnes, quelles excellentes auberges ! On y est aussi bien et mieux que chez soi. Quelle différence avec les auberges de l’Espagne, où l’on est obligé de tout porter, excepté l’huile, le vinaigre et le sel.
Ici, tous les aubergistes, tous les cabaretiers, tous les taverniers, ont des lettres du roi.

Ici, toutes les maisons où l’on donne à coucher, à manger, portent écrit en gros caractères : Hostellerie, Cabaret, Taverne par la permission du Roi.

Ancienne Salle à manger de l'auberge de l'Aigle d'Or, à Evron (Mayenne). Dessin de H. Catenacci.

Ancienne Salle à manger de l’auberge
de l’Aigle d’Or, à Evron (Mayenne).<br< Dessin de H. Catenacci.

LES AUBERGES DE VOYAGEURS A PIED : Ici, il y a des auberges où l’on ne loge que les gens à pied. On lit sur la principale porte, en gros caractères : Dinée du voyageur à pied, six sols ; couchée du voyageur à pied, huit sols (ordonnance relative aux taux des hôtelleries, 21 mars 1579).

LES AUBERGES DE VOYAGEURS A CHEVAL : Ici, il y a aussi des auberges où l’on ne loge que les gens à cheval. On lit sur la principale porte, en gros caractères :Dinée du voyageur à cheval, douze sols couchée du voyageur à cheval, vingt sols.

Un voyageur à pied voudrait dîner, souper splendidement comme un voyageur à cheval, il ne le pourrait ; un voyageur à cheval voudrait dîner, souper sobrement comme un voyageur à pied, il ne le pourrait pas non plus. Les lois françaises empêchent l’un de trop dépenser, l’autre de ne pas dépenser assez.

LES REPUES : Je note que les auberges marquées pour le dîner des voyageurs, où quelquefois l’on est traité assez peu chrétiennement, où l’on est quelquefois exposé à mettre sous sa fourchette du corbeau, du serpent, du cheval, et d’autres viandes de cette espèce, que depuis quelques années le siège de Sancerre a ajouté aux aliments en usage, sont dans les itinéraires nommées repues.

LES GÎTES : Et que les auberges où l’on couche y sont nommées gîtes. J’ai trouvé celles-ci incomparablement meilleures : vastes écuries, vastes remises, vastes salles, grandes tables, grands feux, belle vaisselle d’argent, beaux lits de soie. La magnificence de ces auberges s’annonce même à l’enseigne, pendue sous de beaux grillages dorés.
Je pensais et je devais naturellement penser que les troncs pour les pauvres étaient plus pleins dans les gîtes que dans les repues ; j’ai appris que c’était le contraire. Peut-être dans la nature humaine, midi est-il une meilleure heure d’aumône que l’heure où l’on se couche, où l’on se lève.

LES AUBERGISTES : On dit que les Français sont les plus polis des hommes ; on devrait ajouter que les aubergistes sont les plus polis des Français. Dès que vous entrez dans une auberge, vous êtes accueilli par la gracieuse figure de votre ami. A la vérité, quand vous ne payez pas votre dépense, l’aubergiste vous fait conduire tout droit en prison, ou du moins vous fait saisir votre cheval , mais pourquoi, sans argent, se mettre en voyage ?
Depuis quelques années les aubergistes sont fort imposés ; ils vous le disent. Plusieurs, à cause des services qu’eux ou leurs prédécesseurs ont rendus à l’état, sont francs d’impôts ; ils vous le disent encore plus volontiers.
Maintenant les aubergistes ne vous désarment plus et, ce qui est bien autrement important, ils ne sont plus maintenant divisés en royalistes et en ligueurs. Vous n’êtes plus obligé quand vous arrivez dans une ville, de réformer vos opinions suivant que l’enseigne où vous allez loger représente Henri III, le duc de Guise, l’écusson de France, la croix de Lorraine.

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Tous droits réservés. Reproduction interdite. N° ISSN 1768-3270.

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