LA FRANCE PITTORESQUE
Jeu (Passion de Henri IV pour le)
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Publié le jeudi 7 octobre 2010, par LA RÉDACTION
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« Nous faisons le plus plaisant carnaval du monde, écrivait, en 1567, un des premiers magistrats de Bordeaux à un de ses amis. Le prince de Béarn a prié les dames de se masquer et de donner bal tour à tour. Il aime le jeu et la bonne chère.

Quand l’argent lui manque, il a l’adresse d’en trouver, et d’une manière toute nouvelle et toute obligeante ; il envoie à ceux qu’il croit de ses amis une promesse écrite et signée delui. Jugez s’il y a maison où il soit refusé. On tient à beaucoup d’honneur d’avoir un billet de ce prince, et chacun lui prête avec joie, parce qu’il y a deux astrologues ici qui assurent que leur art est faux, ou que ce prince sera un jour un des plus grands rois de l’Europe. » (Mémoires du duc de Nevers)

Henri avait alors treize ans. L’amour du jeu le posséda par la suite à un tel point, que Sully se plaint, dans ses Mémoires, des dépenses excessives qui en résultaient, et nous apprend que ses remontrances à cet égard étaient fréquentes ; le roi en était quitte pour des promesses d’amendement. Toutefois il craignait tellement les gronderies du grand-maître, que plus d’une fois il retarda le paiement de ses dettes de jeu pour ne pas les lui avouer sur le champ.

Henri IV jouait même en public : il écrivit un jour à Sully pour lui demander 9000 livres qu’il avait perdues à la foire de Saint-Germain, en bijoux et bagatelles, lui mandant que les marchands le tenaient aux chausses pour cette somme.

Cette passion de Henri IV porta aux moeurs une funeste atteinte : le souverain révoqua en quelque sorte, par son exemple, les lois anciennes qui défendaient le jeu, et ses grandes qualités mêmes aggravèrent le mal en rendant moins honteuse une passion qu’elles entourèrent de prestige.

Les courtisans ne se firent pas faute d’imiter le maître ; la ville imita la cour, et il s’ouvrit sous son règne un grand nombre de tripots publics, ridiculement décorés du nom d’académies de jeu. « Presque tous, grands et petits, nobles et marchands, dit l’Estoile, ne parlaient que de jouer des pistoles avec tant de fureur, qu’il semblait que mille pistoles fussent moins que n’était un sou du temps de François Ier, et ce fut la cause de tant de banqueroutes que l’on vit dans ce temps-là. »

Suivant le même auteur, on comptait à Paris, sur la fin du règne de Henri IV, quarante-sept brelans autorisés, dont les principaux magistrats retiraient chacun une pistole par jour. Ces repaires furent supprimés au commencement du règne de Louis XIII ; les anciennes lois contre le jeu (voir notre article sur le sujet) se réveillèrent pour un temps, et il fut même ajouté à leur rigueur.

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Tous droits réservés. Reproduction interdite. N° ISSN 1768-3270.

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