La cause de ce divorce fut aussi singulière que les suites en furent désastreuses pour la France. Les rois mérovingiens et carolingiens, et même les premiers rois capétiens, portaient leurs cheveux dans toute leur longueur, épars et flottants sur les épaules ; ils laissaient également croître leur barbe, et la portaient aussi longue qu’elle pouvait l’être.
Vers la fin du XIe siècle, Guillaume, archevêque de Rouen, fit statuer, dans un concile, « que ceux qui porteraient de longs cheveux, seraient exclus de l’Église pendant leur vie, et qu’on ne prierait point pour eux après leur mort. » Le roi Louis VII voulut donner à ses sujets l’exemple de la soumission au règlement du concile ; non seulement il raccourcit ses cheveux, mais même il se fit raser la barbe.
« Eléonore d’Aquitaine, qu’il avait épousée, princesse vive, légère, badine, le railla sur ses cheveux courts et son menton rasé ; il lui répondit qu’il ne fallait point plaisanter sur de pareilles matières. Louis VII étant parti pour la seconde croisade, Eléonore voulut le suivre. Louis le Jeune, soupçonneux, nourrissait quelque inquiétude au sujet de son épouse : il s’alarmait des empressements que le prince d’Antioche avait pour elle ; il la soupçonnait même d’oublier les fatigues d’un si long voyage, avec un jeune Turc nommé Saladin. Mais de ces choses-là, dit naïvement Mézerai, on en dit souvent plus qu’il n’y en a ; et quelquefois aussi il y en a plus qu’on n’en sait. »
Au retour de la croisade, Louis fit des reproches très piquants à Eléonore ; elle y répondit avec beaucoup de hauteur, et finit par lui proposer le divorce, ajoutant, dit Mézerai, qu’elle en avait un moyen, en ce qu’on l’avait trompée ; qu’elle avait cru se marier à un roi, et qu’elle n’avait épousé qu’un moine. L’Abbé Suger suspendit quelque temps ce funeste divorce ; mais sitôt que ce sage ministre eut les yeux fermés, les prélats assemblés par l’ordre du roi, à Beaugency, prononcèrent la nullité de ce triste mariage.
« Louis le Jeune ne croyait pas, dit le père d’Orléans, qu’il y eût un prince assez peu délicat pour prendre une femme décriée, et dont il avait eu deux filles ; mais il se trompa. » Eléonore épousa, six semaines après, Henri, duc de Normandie, depuis roi d’Angleterre, et lui porta en dot la Guyenne et le Poitou : de là vinrent ces guerres qui ravagèrent la France pendant trois cents ans ; il périt plus de trois millions de Français, parce qu’un archevêque s’était fâché contre les longues chevelures, parce qu’un roi avait raccourci la sienne, et s’était fait raser la barbe, et parce que sa femme avait raillé ses cheveux courts et son menton rasé.
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