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Il l’a échappé belle
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Publié le dimanche 16 août 2015, par Redaction
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Il a évité heureusement un danger ou un malheur
 

On s’étonne de l’usage qui veut qu’on écrive ici au masculin le participe échappé, qu’il faudrait écrire, dit-on, au féminin, parce qu’il se trouve précédé d’un régime de ce genre indiqué par le mot belle. Cependant cet usage ne viole pas la loi de l’accord, car le régime qu’on croit du féminin est du masculin, et le mot belle qu’on suppose adjectif de ce régime ne l’est point.

Il l’a échappé belle doit s’analyser ainsi : il l’a (le malheur) échappé belle, c’est-à-dire d’une belle manière ou bellement. Si le résultat de l’analyse était : il l’a (la chose) échappée belle, c’est-à-dire étant belle, la locution mentirait à la pensée, elle présenterait un sens différent de celui qu’elle a, à moins qu’elle ne fût entendue ironiquement. Mais ce n’est point de cette façon qu’il convient de l’entendre. Le mot belle ne se rapporte donc pas au régime du participe ; il fait partie de l’adverbe bellement, dont la terminaison ment, qui, comme on sait, signifie manière, a été ellipsée, et sa fonction est de modifier le verbe.

Les auteurs de la langue romane usaient ordinairement de la même ellipse, lorsqu’ils avaient à mettre des adverbes terminés en ment à la suite l’un de l’autre ; ils n’en écrivaient qu’un seul dans son entier, le premier ou le dernier, à leur choix. Ils disaient, par exemple : Il l’a échappé bellement et heureuse, ou Il l’a échappé belle et heureusement ; et notre expression n’est sans doute qu’un démembrement de la leur. Le grammairien Bescher pensait qu’elle pouvait être un démembrement de cette autre : Il l’a échappé bel et bien, l’adverbe bel ayant été confondu par l’orthographe avec l’adjectif belle, à cause de la ressemblance de prononciation.

Quoi qu’il en soit, on n’est pas fondé à penser que la règle de l’accord du participe ait pu être méconnue dans la locution Il l’a échappé belle, qui est née précisément à une époque où tout participe s’accordait, qu’il fût suivi ou précédé de son complément direct.

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Tous droits réservés. Reproduction interdite. N° ISSN 1768-3270.

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